Lise Bartoli, psychologue clinicienne et hypnothérapeute.

Lise Bartoli, psychologue clinicienne et hypnothérapeute.

Pour les enfants, mais aussi pour les profs, le stress est grand à l’approche de la rentrée. Les conseils de Lise Bartoli, psychologue clinicienne et hypnothérapeute, pour le réduire – notamment grâce à la respiration et à la visualisation active.

Comment expliquez vous le stress que vivent les enfants à l’approche de la rentrée ?

Cela commence dès la maternelle, même si cela dépend s’ils ont déjà eu un échange avec d’autres enfants en crèche ou chez une assistante maternelle. Dans ce cas là, le stress est moindre, mais il est là, car la séparation avec les parents subsiste durant une journée. Mais la maternelle est beaucoup plus stressante pour les enfants qui n’ont jamais été séparés de leurs parents.

En maternelle, c’est surtout la séparation qui est difficile à gérer. Le stress dépend aussi des parents, qui peuvent eux-mêmes être stressés et communiquer leur angoisse à leurs enfants, leur transmettant l’information que l’école n’est peut-être pas si agréable que cela. S’ils voient que leurs parents sont souriants et réellement décontractés, ils sentiront que l’école est quelque chose de joyeux et d’agréable ; mais si les parents sont stressés, ou que leur discours n’est pas raccord avec leurs pensées, souvent parce que la façon dont ils ont vécu l’école durant leur enfance ressurgit, les jeunes enfants le ressentiront inconsciemment.

En primaire, la rentrée est à chaque fois un passage : l’enfant sait qu’il s’agit d’un moment important, car il “passe” chez les grands, et il sait que l’on attend de lui qu’il acquiert des compétences (même en CP, à 6 ans : savoir lire, savoir écrire…). Le stress n’est cette fois plus provoqué par un changement d’environnement, mais par la pression liée à ce qu’il devra réaliser durant l’année : y arrivera-t-il ? Il peut aussi être stressé par le fait de ne plus être dans la même classe que ses ami(e)s.

Après la grande coupure d’été, en vacances avec les parents, il faut aussi se remettre dans l’expérience de l’école ; tout dépend de ce que l’on a vécu avant : les enfants qui ont bien vécu leurs années précédentes et qui ont eu une bonne expérience de l’école auparavant seront contents de retrouver leurs copains et d’acheter un nouveau cartable… Tout dépend aussi de la façon dont l’école est ou a été vécue, à la maison, par les parents, par les frères et soeurs. Chaque cas est unique, mais le stress à l’approche de la rentrée, surtout la veille, est parfaitement normal, car il s’agit d’une coupure après l’été, et que l’appréhension subsistera toujours, l’enfant se demandant si tout ira bien, si son enseignant sera gentil avec lui, etc. Mais au bout de quelques jours, en général, une fois que l’enfant s’habitue au fonctionnement de sa nouvelle classe, tout rentre dans l’ordre.

Des écoliers de Denver, Colorado, en pleine méditation / Chalkbeat / Licence CC

Des écoliers de Denver, Colorado, en pleine méditation / Chalkbeat / Licence CC

Au collège, l’entrée en 6e marque une nouvelle étape, avec une organisation différente, un emploi du temps nouveau, des enseignants qui ne sont jamais les mêmes et auxquels il faut s’adapter, des copains souvent différents de ceux de l’école primaire… En général, les enfants sont contents de vivre ce moment, qui implique qu’ils deviennent grands. Ils ont 11 ans, ont déjà acquis l’expérience de l’école : le stress est moindre, mais il subsiste. Les enfants gardent toutefois une forte capacité d’adaptation : il faut juste les accompagner à ce moment très mouvementé. Car ce stress peut être du bon stress, un moteur leur permettant de renforcer leur capacité d’adaptation, dont ils auront besoin plus tard, durant toute leur vie, en particulier dans le monde du travail.

Avez-vous des conseils pour les parents, afin d’aider leurs enfants à gérer leur stress ? Les enseignants ont-ils aussi un rôle à jouer le jour de la rentrée ?

Les parents peuvent “préparer” psychologiquement leurs enfants, durant l’été, en discutant avec eux de ce moment important, en leur faisant toujours voir le côté positif des choses, en étant à leur écoute ; et en rendant la rentrée présente à travers des activités comme le choix du matériel scolaire, ou des vêtements. Si l’enfant entre dans une nouvelle école, il est important de s’y rendre pour le familiariser avec ce lieu, et diminuer son angoisse.

Il est aussi important de lui redonner un rythme “scolaire” quelques jours avant la rentrée (heure du coucher, du repas), afin de réduire le choc du retour à l’école. Les parents peuvent aussi s’arranger pour être disponibles le jour de la rentrée, afin d’accompagner leur enfant le matin, et être là quand il revient, afin d’être à l’écoute de ce ses sentiments.

Etant psychologue clinicienne mais aussi hypnothérapeute, je travaille beaucoup avec la respiration, et selon moi, il est possible, durant l’été, en amont, d’apprendre à l’enfant comment se détendre. La respiration ventrale, que l’on utilise avec la méditation de pleine conscience, la sophrologie, la relaxation ou l’hypnose, permet de se sentir mieux, ou en tout cas, de se relâcher. En préparant à l’avance cette respiration ventrale, ne serait-ce que deux ou trois jours avant la rentrée, l’enfant sera capable, à l’école, de retrouver des sensations qu’ils avait chez lui, lorsqu’il respirait ainsi – il reliera l’apaisement avec cette forme de respiration.

enseignante malade

© Picture-Factory – Fotolia

L’enfant, s’il est vraiment craintif, peut aussi se rassurer avec un objet, qu’il pourra porter sur lui – par exemple une pierre, qu’il mettra dans sa poche ou son cartable, et à qui il demandera symboliquement de lui donner de l’apaisement, de la force ou de la confiance en lui. Cette pierre de confiance, un peu comme un doudou, lui permettra, discrètement, de retrouver du courage.

De leur côté, si les professeurs pouvaient apprendre à leurs élèves des techniques de respiration ventrale, ou de visualisation active (par exemple visualiser une image apaisante, qui pourra être invoquée en cas de besoin, toute la journée), cela serait l’idéal. Ils n’ont pas forcément besoin pour cela d’avoir été formés à la méditation, à l’hypnose ou à la sophrologie : il est relativement facile pour eux de demander aux enfants, d’une façon ludique, de choisir une couleur ou une image agréable, et de respirer avec le ventre, afin de se sentir bien… L’enseignant peut aussi le faire, afin de s’apaiser lui-même.

Justement, les enseignants sont souvent stressés avant la rentrée, comment peuvent-ils se préparer de leur côté ?

Les professeurs sont stressés à la rentrée parce qu’ils ont face à eux une nouvelle classe – c’est à chaque fois un renouveau, qui demande d’installer une forme d’autorité, de faire connaissance avec des élèves nouveaux, et de remettre la machine en marche après les grandes vacances.

Mettre en place un petit exercice de respiration et de relaxation, même quelques minutes, le jour de la rentrée, fonctionne vraiment très bien, en permettant à l’enseignant de faire un lien avec les enfants – surtout en primaire.

Les semaines précédant la rentrée, il devra aussi faire un véritable travail de remotivation, en pratiquant des exercices de respiration, en faisant le vide, mais aussi en faisant attention à ne pas trop se focaliser sur la préparation du programme, et à s’aménager des moments de détente. Il pourra aussi pratiquer la visualisation active, chez lui, avant la rentrée, en se visualisant dans la classe, dans un scénario où tout se passerait bien – afin de faire enregistrer à son inconscient l’idée que tout ira bien, et donc de faire baisser le stress.