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En 2013, le collectif « Mutez-Nous », composé de professeurs des écoles en attente de mutation depuis plusieurs années, dénonçait un taux d’insatisfaction « catastrophique ». Depuis, la situation n’a guère changée. Souffrant de rester dans l’expectative, d’être affectés dans des établissements « difficiles », ou encore d’être séparés de leurs conjoints et de leurs familles, de nombreux enseignants (de primaire, mais aussi de secondaire) se retrouvent ainsi en « détresse psychologique ».

Selon un rapport de l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche), le système actuel d’affectation et ses problèmes de mobilité / immobilité dissuadent nombre d’étudiants de se lancer dans une carrière d’enseignant. L’appréhension suscitée par les perspectives de mobilités géographiques expliquerait ainsi en partie la crise du recrutement que connaît actuellement l’Education nationale – de nombreux concours ne parvenant pas à être pourvus, notamment en Langues, Lettres ou Mathématiques.

Un algorithme pour améliorer les échanges d’affectations

Pour changer les choses, trois économistes de la Paris School of Economics, du CNRS et du MIT (Julien Combe, Olivier Tercieux et Camille Terrier) proposent un nouvel algorithme, qui permettrait notamment de « repérer systématiquement les échanges potentiels » d’affectations entre enseignants ayant des besoins « coïncidant » – un cas de figure fréquent, tandis qu’en 2014, seuls 43,9 % des enseignants titulaires ayant fait une demande de mobilité entre académies ont obtenu satisfaction.

"Illustration du manque de mouvement sous l’algorithme actuel" - Schématisation d’une demande de mutation / J. Combe, O. Tercieux et C. Terrier / DEPP

« Illustration du manque de mouvement sous l’algorithme actuel » –
Schématisation d’une demande de mutation / J. Combe, O. Tercieux et C. Terrier / DEPP

Inspiré des travaux des économistes Herbert Scarf et Lloyd Shapley (1974) pour la réaffectation d’objets dans une économie sans transfert monétaire, l’algorithme développé par les chercheurs de la Paris School of Economics et du MIT s’en distingue toutefois « de façon essentielle, puisque – afin de décider si un échange doit être autorisé – il se réfère à des critères normatifs reflétés par un système de priorité mis en place par le ministère », explique Olivier Tercieux.

Les chercheurs en économie appliquée proposent in fine d’augmenter les perspectives de mobilité géographique des enseignants, mais également d’augmenter « l’expérience moyenne » des profs dans les académies les plus défavorisées. Selon Olivier Tercieux, les critères utilisés par leur formule mathématique « sont nombreux, mais témoignent de la volonté de rapprocher les enseignants de leurs familles (conjoints et/ou enfants), ou d’éviter que le nombre d’enseignants expérimentés ne décroisse trop dans certaines écoles ».

Les académies les moins attractives « pas pénalisées »

« L’algorithme d’échanges mutuellement améliorants avec les académies prioritaires » introduit une « nouvelle condition » au système d’affectation, imposant ainsi que tout professeur sortant d’une académie telle Créteil, Versailles ou Amiens  (particulièrement peu demandées et que 50% des enseignants souhaitent quitter, selon la DEPP) soit remplacé par un enseignant ayant un barème supérieur.

Selon les scientifiques, leur algorithme permettrait d’augmenter de 30% la mobilité des enseignants du second degré (les profs des écoles sont évidemment aussi concernés par cette formule mathématique), sans entraîner un « départ massif » des académies en difficulté. « Une partie importante du manque de mobilité vient de la difficulté de la procédure actuelle à mettre en œuvre des échanges entre enseignants. Or, notre procédure alternative permet de multiplier par trois le nombre d’échanges réalisés », écrivent-ils.

D’après les chercheurs, cet algorithme pourrait aussi constituer un « outil de pilotage » permettant au ministère de l’Education nationale de « faire des simulations » et de « tester différentes stratégies RH propres à chaque académie ».

Dans tous les cas, il s’agirait, indiquent-ils, d’un « changement dans la procédure d’affectation des enseignants » qui permettrait d’augmenter leur mouvement par rapport au système actuel, tout en étant « vigilant au mouvement » dans les académies défavorisées, qui ne seraient « pas pénalisées ».

"Possibilité d’augmenter le mouvement par rapport à l’algorithme actuel" / J. Combe, O. Tercieux et C. Terrier / DEPP

« Possibilité d’augmenter le mouvement par rapport à l’algorithme actuel » / J. Combe, O. Tercieux et C. Terrier / DEPP