remise du prix jeune chercheur

De gauche à droite : Anne Donnet, neurologue, Dominique Tiam, 1er adjoint au maire de Marseille, Patrick Padovani, adjoint au maire en charge des affaires médicales, Michel Sirven, directeur général délégué de la Fondation de l’Avenir, Stéphanie Ranque-Garnier, praticien hospitalier au Centre d’Evaluation et Traitement de la Douleur à Marseille, Dominique Fouchard, délégué national CASDEN et Philippe Chossat, directeur adjoint au CHU de Marseille

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la fibromyalgie?

La fibromyalgie est une maladie très particulière, qui touche 4 à 8 % de la population mondiale, dont 80 % de femmes. Il s’agit d’une dérégulation du système qui code la douleur. Chez un patient atteint de fibromyalgie, la douleur peut toucher tout le corps, tout le temps, n’importe quand. C’est l’un des principaux symptômes. Il s’agit d’une douleur dysfonctionnelle, c’est-à-dire que ce n’est pas le signal d’alarme habituel qui se déclenche par exemple en cas de blessure. Il n’y a pas de blessure, mais le système nerveux code quand même la douleur. En temps normal, ce système inhibe quelque peu les informations que le corps envoie en permanence au cerveau, mais comme il est déficient chez un patient atteint de fibromyalgie, le cerveau se retrouve saturé d’informations. Et dans le doute, il répond « douleur ». Les autres symptômes principaux sont une grande fatigue, qui ne se calme pas avec le repos, des troubles du sommeil, et des troubles cognitifs comme des difficultés de réflexion, concentration, mémorisation.

Ce n’est pas une maladie grave sur le plan vital, mais elle l’est, en revanche, en termes de qualité de vie. Se sentir condamné à vivre avec des symptômes comme ceux de la fibromyalgie est compliqué, certains patients me disent même qu’ils « préfèreraient » avoir un cancer, car au moins on saurait comment le traiter.

Pourquoi avoir axé vos recherches sur cette maladie ?

Justement parce qu’on ne la connaît pas bien. Le problème avec cette maladie, c’est qu’elle a une très mauvaise image. Principalement parce que ça touche des femmes, parce qu’elles se plaignent de douleurs alors qu’on ne trouve rien d’anormal lors des examens biologiques. Donc, on leur dit qu’elles n’ont rien, que c’est dans leur tête. C’est la double peine : elles souffrent de cette maladie et en plus, leurs symptômes sont discrédités, on ne les croit pas toujours…  nos patients ont en moyenne erré 8 ans avant de rencontrer un centre anti-douleur. Avec une précarité sociale qui s’installe, car c’est assez handicapant comme maladie pour empêcher les gens de travailler.

Pouvez-vous parler de la recherche pour laquelle vous avez obtenu le Prix du jeune chercheur ?

Nos travaux sont basés sur des études scientifiques qui existent déjà. Lors de ces études, on avait observé que faire pratiquer au patient une activité physique régulière, adaptée à ses besoins, à sa condition physique et à ses goûts, l’aidait à aller mieux. Or, on ne sait pas encore vraiment pourquoi, même si l’on a des pistes.

La première partie de notre recherche consistait à mettre en place un programme d’activité physique adaptée, encadrée par des éducateurs sportifs et des kinés, à raison de 3 fois par semaine, 2 heures, dont une fois systématiquement dans l’eau. Notre objectif était de suivre 80 patients, et nous en avons déjà inclus 40 dans le programme. Dès le 4e mois, nous avons observé une amélioration de la qualité de vie par rapport à un groupe contrôle de patients qui n’avaient pas cet encadrement, une amélioration des fonctions physiques, et au 6e mois une amélioration des scores de dépression, avec moins de consommation médicamenteuse et moins de recours au système de soins.
Cette phase de faisabilité est aujourd’hui validée et il nous reste à mener la seconde partie de notre recherche, la plus intéressante. C’est-à-dire identifier les mécanismes d’action expliquant l’efficacité de cette activité physique régulière, à la fois au niveau biologique et cérébral. A notre connaissance, jamais aucune étude n’a mesuré ces mécanismes par imagerie cérébrale et par biologie.

Que représente pour vous ce Prix du jeune chercheur ?

Il représente l’issue de deux ans de travail acharné durant lesquels nous avons essayé de financer cette recherche. Il nous reste à mener la seconde phase de notre projet, et le Prix va nous permettre de financer une partie de l’imagerie cérébrale et une partie de la biologie. Nous étions un peu désespérés, parce nous avons tenté de répondre à plusieurs appels à projets, mais face à d’autres pathologies, personne ne soutenait la fibromyalgie sous prétexte que ce n’est pas grave. Ce prix représente donc un grand pas en avant dans la connaissance et la reconnaissance de cette maladie qui fait  cauchemarder 4 à 8 % de la population et intéresse de plus en plus de chercheurs dans le monde.