baccalauréat

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« Le débat sur le contrôle continu et le nombre d’épreuves terminales est anecdotique : il faut avant tout réfléchir à la place que l’on veut donner au baccalauréat dans le continuum Bac-3/+3″. Selon Philippe Tournier, le constat est sans appel : « aujourd’hui, tel qu’il est, le Bac ne sert à rien ».

Pour le secrétaire général du SNPDEN (syndicat des chefs d’établissement), « ou l’on se satisfait de cela, et on le supprime… Ou l’on considère qu’il faut maintenir une forme de régulation secondaire-supérieur, et on conçoit alors le Bac d’une façon totalement différente d’aujourd’hui ».

Le bac 2013 aurait coûté 1,5 milliard d’euros

Le 22 juin, le syndicat a présenté son étude sur le « coût réel » de cet examen. Après avoir « collecté des chiffres » sur le Bac 2013, le SNPDEN a conclu qu’il a coûté 1,5 milliard d’euros. « L’organisation des épreuves a représenté 74 millions, mais ce n’est rien comparé à l’annulation de 3 semaines de cours, en raison de la mobilisation exclusive des locaux et des personnels », constate Philippe Tournier.

Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN.

Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN.

Selon lui, plus de 500.000 cours ont en outre été supprimés entre février et mai, à cause de « l’accumulation d’épreuves bien avant la période du Bac » – comme les oraux de langues, qui ont vu 200.000 heures de cours supprimées.

« Si l’on inclut le Bac pro dans l’addition, ce sont au total 2 milliards d’euros dépensés », indique Philippe Tournier. « Quel est le sens de supprimer des cours, et de payer des profs agrégés, pour surveiller des salles ? », s’interroge-t-il, tout en prônant une « simplification drastique » de l’organisation du Bac.

Des erreurs d’énoncés et des sujets « trop pointus »

Philippe Tournier dresse, sans détours, le panorama d’un « système qui se dégrade ». D’abord en pointant du doigt les « erreurs inadmissibles » relevées « régulièrement » dans les énoncés de sujets – « alors que les intitulés passent devant diverses commissions plus d’un an avant les épreuves ».

Le bac © Fotolia.com

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Le secrétaire général du SNPDEN critique aussi la présence de sujets « trop pointus », ou « déstabilisants ». Exemple avec l’épreuve d’histoire en terminale L et ES qui portait cette année sur… « le socialisme, le communisme et le syndicalisme en Allemagne depuis 1945″. Une période « vue pendant 20 minutes, durant toute l’année scolaire », note-t-il.

« Il faut arrêter ce concours du sujet le plus hors-sol, et proposer des sujets classiques ! », lance P. Tournier. Et d’ironiser : « Est-ce qu’on a besoin de chercher des sujets originaux pour un examen dont on sait dès le départ que 85 % des élèves vont l’avoir ? »

« Pour un élève, le centre de gravité de sa Terminale, ce n’est plus le Bac, mais APB »

fille passant un examen

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Pour le SNPDEN, « le vrai prix du Bac est à rapprocher de son rôle depuis l’instauration du système d’admission dans l’enseignement supérieur », Admission Post-Bac (APB). Selon le syndicat, 2 jours avant le début de l’examen, « les élèves savaient où ils étaient admis. L’utilité pratique du Bac est donc de déceler les 55.000 à 60.000 candidats qui ne l’obtiendront pas, et qui ne seront pas autorisés à valider leurs vœux. »

« La seule préoccupation des lycéens, c’est leur admission post-bac, car avec APB, le Bac ne sert à rien. Ainsi, aujourd’hui, pour un élève, le centre de gravité de sa Terminale, ce n’est plus le Bac, mais APB », indique Philippe Tournier.

Le SNDPEN « se réjouit que le dossier du Bac-3/+3 ait été ouvert par le gouvernement« . Mais pour Philippe Tournier, « le vrai débat, ce n’est plus l’organisation du Bac (contrôle continu, nombre d’épreuves…), mais sa place ».

« Dans la réalité, toutes les formations sélectives sont focalisées sur les dossiers… et les mentions du Bac ne sont plus regardées », constate Philippe Tournier. Ainsi faudrait-il prendre du recul, afin de « réfléchir à la place que l’on veut donner au Bac, dans le paysage secondaire / supérieur. »

« Deux évaluations distinctes, dans le temps »

Le SNPDEN prône une « nouvelle articulation » secondaire / supérieur. « Il faut acter la réalité de la coupure de l’année de terminale en deux : la période du dossier (les deux premiers trimestres), et la préparation du Bac, examen d’entrée dans l’enseignement supérieur », indique Philippe Tournier. 

Le syndicat préconise la création de « deux évaluations distinctes, dans le temps ». D’abord, un certificat de fin d’études secondaires, qui porterait sur « l’ensemble des disciplines du lycée ». Ensuite, une « évaluation pour l’entrée à l’université », qui « donnerait le droit d’entrer dans l’enseignement supérieur ».

Pour Philippe Tournier, « Si l’on veut ‘remuscler’ le Bac, il faut le transformer », avec des épreuves différentes, « permettant de s’assurer que les élèves ont des pré-requis » (par exemple, savoir analyser un document), et de « vérifier les acquis » ; mais aussi avec des « programmes moins encyclopédiques », et « préparant au supérieur ».

Le gouvernement prévoit de multiplier les « concertations » autour du Bac durant l’année scolaire 2017-2018. « Attention à ne pas aller trop vite, nous ne sommes pas à une année près : il faut avant tout rechercher le consensus le plus grand, et analyser réellement la place réelle du Bac aujourd’hui », conclut Philippe Tournier.