Silence on lit / Collège de Banon

Silence on lit / Collège de Banon

Trois mois avant la rentrée 2017, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, présentera aux syndicats d’enseignants ses deux premières mesures majeures, visant à détricoter la réforme du collège mise en place par Najat Vallaud-Belkacem, ainsi que celle des rythmes scolaires.

La réforme du collège détricotée

Un projet d’arrêté (pdf), destiné à accroître l’autonomie des collèges, devrait permettre à ces derniers de supprimer les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et de rétablir des options latin et des classes bilangues en 6e. Présenté au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) le 8 juin, l’arrêté devrait entrer en vigueur dès septembre 2017.

La possibilité donnée aux collèges de décider de la création de classes bilangues ou d’options latin, plutôt qu’un pilotage national ou académique, inquiète nombre d’enseignants. « Les profs vont se battre entre eux pour décider s’ils mettent leurs moyens sur le latin, l’allemand, ou la réduction des effectifs par classe », indique ainsi une professeure de lettres classiques au Parisien.

Silence, on lit / Collège de Banon

Silence, on lit / Collège de Banon

Le projet d’arrêté sur la réforme du collège permettra aux collèges « qui le souhaitent » de rétablir, « dans la limite de deux heures hebdomadaires », sous la dénomination « d’enseignements facultatifs »,  les classes bilangues en 6e (qui n’ont été maintenues jusqu’ici que pour les élèves ayant appris une autre langue que l’anglais en primaire).

L’arrêté devrait aussi rétablir le volume horaire de l’apprentissage du latin et du grec, à raison de trois heures par semaine en 4e et 3e. Les EPI seront de leur côté à la « libre appréciation » des établissements. Les 8 thématiques obligatoires seront suspendues: ainsi, les contenus de ces enseignements interdisciplinaires ne seront plus imposés par le ministère.

Enfin, l’arrêté prévoit, sans mentionner les classes européennes, la création d’un « enseignement commun ou complémentaire » qui pourra être dispensé « à chaque niveau », dans une langue vivante étrangère, jusqu’à la moitié du volume horaire consacré à cette discipline, « dans la mesure où les compétences des enseignants le permettent et lorsque les objets d’études s’y prêtent ».

Le risque d’un « enseignement à plusieurs vitesses » (SNES)

Selon Sonia Bourhan, journaliste éducation à France Inter, le projet risque d’être « trop ambitieux », puisque « sans dotation spécifique », l’application de ces mesures « ne pourra être effective à la rentrée prochaine, malgré la volonté du gouvernement ».

Pour le SNES-FSU, le « renvoi au local » des décisions concernant les EPI « risque de renforcer les inégalités territoriales ». Pour le syndicat, si « l’étau est desserré, cela ne doit pas faire illusion sur le fond : ce qui nous est proposé n’est rien d’autre qu’un pas vers davantage d’autonomie des établissements ».

Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du SNES, explique au Monde que « le prix à payer, c’est l’autonomie, c’est-à-dire davantage de décisions à arbitrer dans chaque établissement », et que « le risque est grand de mettre les collèges en concurrence et, au final, d’avoir un enseignement à plusieurs vitesses. »

Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna

Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna

Rythmes scolaires : le retour de la semaine de 4 jours

Après 5 ans de polémique, la réforme des rythmes scolaires mise en place sous le quinquennat Hollande devrait être détricotée.

Un projet de décret, qui modifiera le code de l’éducation sur l’organisation du rythme hebdomadaire sera soumis au CSE le 8 juin. L’objectif affiché dans ce document n’est pas de revenir sur la semaine de quatre jours et demi, mais simplement d’élargir « le champ des dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques ».

Mais selon Le Monde, qui s’est procuré le texte, le décret devrait en réalité permettre de revenir à la semaine de 4 jours dans le primaire, en permettant « au représentant départemental de l’éducation nationale, sur proposition conjointe des acteurs locaux (communes, conseils d’école), d’autoriser des adaptations aboutissant à répartir les 24h d’enseignement hebdomadaires des écoliers sur 8 demi-journées, soit 4 jours. »

Le projet de décret, cité par ToutEduc, qui s’est également procuré le document, permettra ainsi au Dasen (directeur académiques des services de l’Education nationale), « saisi d’une proposition conjointe d’une commune et d’un ou plusieurs conseils d’école », d’autoriser « des adaptations » à l’organisation de la semaine scolaire « ayant pour effet de répartir les heures d’enseignement hebdomadaires sur 8 demi-journées réparties sur 4 jours ».

salle de classe professeur primaire

Cours à l’école primaire © Kzenon – Fotolia.com

« Une grande confusion pour la rentrée à venir » (SGEN)

Pour le SNUIPP, « la possibilité d’un retour à quatre jours de classe » apportée par le  futur décret « doit être cohérente à l’échelle d’un territoire et réfléchie pour permettre de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves, et de travail pour les personnels ». Pour le syndicat, cette organisation « devra être définie en prenant en compte l’avis des enseignants et des conseils d’école, sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale. »

Pour le Sgen-CFDT, ce projet de décret sur les rythmes scolaires « ouvre la porte au retour à la journée de 6 heures, à la semaine de 4 jours et à l’année scolaire de 144 jours, qu’aucun pays européen ne pratique ». Qualifiant ce projet de « retour vers le futur », le syndicat s’inquiète : « ce texte présage d’une grande confusion pour la rentrée à venir », en permettant « une reconcentration des heures de classe sur un trop petit nombre de jours, une réintensification du travail des élèves comme des personnels, et une dégradation des conditions d’apprentissage et des conditions d’exercice des enseignants ».

Selon le SGEN, « ce projet de texte a été élaboré hors de toute concertation et sans respect des engagements pris par le ministère envers les organisations syndicales », et « il est encore temps d’ouvrir le dialogue. »