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Le collège public Saint-Pol-Roux, à Brest, est le premier établissement de France à avoir adopté, en 2015, le label “Respect Zone”. Porté par l’association du même nom, qui lutte contre le cyberharcèlement, ce “label éthique” certifie l’adoption d’une charte destinée à “promouvoir le respect sur Internet”.
Sensibilisation et élèves « sentinelles »
Avant de se pencher sur les cyberviolences, Saint-Pol-Roux a mis en place, en 2012, un programme de lutte contre le harcèlement scolaire, celui qui se déroule dans l’établissement lui-même.
Chaque année, avec l’équipe pédagogique, la principale du collège, Sylvie Hamon, organise des “journées de réflexion et d’action”, destinées aux 300 élèves de l’établissement. Les collégiens découvrent une situation de harcèlement, puis doivent produire, après mûre réflexion, une vidéo ou une courte scène théâtrale. “L’objectif est pour l’élève de trouver une solution à la situation proposée. Cela doit aussi lui permettre de bien identifier les adultes ressources susceptible de l’aider, et de comprendre comment prévenir le harcèlement”, explique-t-elle.
Le reste de l’année, les collégiens sont des “sentinelles” : lorsqu’ils sont témoins d’une situation de harcèlement, “ils viennent prévenir les adultes, afin que ces derniers puissent intervenir le plus vite possible”, note Sylvie Hamon. Selon elle, dans la majorité des cas, “ce sont les élèves qui repèrent une situation, pas les adultes”. Et de noter que c’est grâce à un important travail de sensibilisation que les adolescents “ont compris qu’il était dans l’intérêt de tous de venir nous prévenir en cas de problème”.

« Internet pas net », un dessin animé pour aborder le thème du cyber-harcèlement.
Une “prévention entre pairs”, sur Internet
En 2015, le collège Saint-Pol-Roux a ajouté le cyberharcèlement à son plan, grâce à un système de prévention par les pairs. Selon Sylvie Hamon, le harcèlement en ligne est beaucoup plus difficile à contrer que celui qui se passe dans la cour de récréation. “Il s’agit d’un phénomène complètement invisible pour les adultes, qui se passe sur les réseaux sociaux. Sur le web, les harceleurs ont l’impression de ne pas être responsables, et presque personne ne voit ce qu’ils font”, remarque-t-elle.
C’est ainsi en constatant, surprises, que “toutes les bonnes pratiques que les élèves pouvaient avoir dans l’établissement s’envolaient une fois sortis du collège”, que les équipes éducatives ont décidé de se saisir du problème – même s’il se déroule hors du temps scolaire, sur Facebook, Instagram ou Snapchat.
“Pour que les jeunes aient l’envie de respecter, sur Internet, les mêmes règles que celles qui fonctionnent au collège, nous avons dû changer de façon de faire. La prévention ne devait plus être descendante, mais se faire d’élève à élève : nous, adultes, n’avons pas le même usage des réseaux sociaux que les enfants, et avons souvent un train de retard sur eux”, constate Sylvie Hamon, qui désirait ainsi rendre les élèves “véritablement acteurs de leur prévention”.
En plus d’adopter un label, l’établissement a ainsi permis à 30 élèves volontaires de devenir des “ambassadeurs Respect Zone”. Ceux-ci prennent un véritable engagement moral. Ils s’engagent, selon les principes de la charte Respect Zone, à “respecter l’autre” lorsqu’ils publient des contenus sur les réseaux sociaux, mais aussi à surveiller les contenus de leurs pairs, et à expliquer autour d’eux pourquoi le respect est important sur internet – une façon de sensibiliser, en ligne, leurs camarades.

« Les élèves ambassadeurs Respect Zone ont une question à poser aux candidats à la présidentielle. »
Ambassadeurs du respect
Les ambassadeurs Respect Zone, dont certains ont déjà connu le harcèlement, interviennent aussi au sein de leur établissement, et dans d’autres collèges ou lycées, lors de conférences destinées aux adolescents.
“Ces élèves parlent aux élèves, les amènent à réfléchir, et aussi à se mobiliser : ils sont là pour les sensibiliser via des vidéos, des scénettes et des débats, mais aussi pour susciter chez eux l’envie de monter des projets contre le harcèlement dans leurs établissements”, indique Sylvie Hamon. Peu à peu, l’action de ses “ambassadeurs du respect” a fait tâche d’huile : ainsi, d’autres collèges et lycée ont adopté la charte de Respect Zone, et ont monté des projets similaires.
Selon la principale du collège Saint-Pol-Roux, les élèves ambassadeurs ne sont “en aucun cas des médiateurs en cas de conflit”. Ainsi, explique-t-elle, “ils portent une bonne parole, mais la gestion des situations de harcèlement scolaire demeure l’affaire des adultes, car il peut s’agir de cas potentiellement graves”.
Pour Sylvie Hamon, c’est la prévention qui prime : “c’est à travers toutes ces actions que l’on arrive à intervenir de façon très précoce, et à régler un problème par la discussion, afin de ne pas avoir besoin de passer par les cases punitions et conseils de discipline”, indique-t-elle.
Des citoyens engagés
Les ambassadeurs Respect Zone deviennent à terme des “citoyens engagés”, finissant même par interpeller les hommes politiques. En février 2017, des élèves du collège Saint-Pol-Roux ont ainsi adressé une vidéo aux candidats à l’élection présidentielle, concernant leur programme en matière de lutte contre le cyberharcèlement.

Cyberbullying / Pixabay / Licence CC
Pour Sylvie Hamon, le harcèlement en ligne est devenu un “problème de société, qui ne peut pas rester le problème de l’école et des familles”. Selon elle, “les hommes politiques parlent très peu du cyberharcèlement, et leurs actions ne concernent que la prévention, alors qu’il faudrait aussi agir auprès des plateformes Web elles-mêmes afin de développer des outils destinés à protéger les jeunes”.
Et de citer l’exemple d’un plugin développé par Respect Zone, baptisé “Licones VS haters”, qui transforme les insultes postées sur un forum, un site ou un blog, en emojis “mignonnes et enfantines” – un moyen, estime-t-elle, de “ridiculiser les harceleurs, et de les obliger à s’auto-modérer”.
“Beaucoup moins de harcèlement qu’avant”
Quel est le bilan de ces 5 années d’action contre le harcèlement scolaire ? Selon Sylvie Hamon, le comportement des élèves de son collège “a positivement changé”, et les familles d’enfants harcelés “savent que nous allons faire ce qu’il faut”. La principale note une “diminution sensible des tensions et des conseils de disciplines, ainsi qu’un climat scolaire apaisé”. Désormais, note-t-elle, “plus personne ne peut dire dans l’établissement, ‘je ne savais pas’”.
En revanche, Sylvie Hamon constate que si les cas de cyberharcèlement parmi ses élèves baissent, “il y en a toujours, car il est beaucoup plus difficile pour nous d’être mis au courant quand cela ne se passe pas dans la cour”.
> 2,3 insultes par seconde sont postées sur Twitter, Facebook et les 20 forums français les + actifs (Kantar Media).
> 40% des jeunes disent avoir été victimes d’une agression en ligne (Rapport Blaya, 2013).
> Un tiers des jeunes victimes de cyberharcèlement n’en parlent pas (Ministère de l’Education nationale, 2013).
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