Pierre-Yves Duwoye / Photo de profil Twitter

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Pierre-Yves Duwoye, ex-directeur de cabinet de Vincent Peillon, qualifie la « Refondation de l’école » de « gâchis ». Sur son blog, l’ancien recteur de Versailles, et ex-secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, considère que « le projet pour l’École » d’Emmanuel Macron « doit être approfondi ». Il appelle notamment de ses vœux une « réforme structurelle »…

Vous parlez sur votre blog de « changer la donne éducative ». Selon vous, que faut-il réformer ?

Il est temps de dépasser les rivalités politiciennes sur les finalités que doit poursuivre l’Éducation Nationale. Il doit être possible de déterminer par consensus un pacte de la nation pour l’éducation de nos élèves.

La priorité est de se pencher sur quelques grandes questions structurelles qui bloquent, aujourd’hui, l’atteinte des objectifs. Le mode de pilotage et de régulation est un obstacle à la réussite des politiques éducatives, parce qu’il est vertical et injonctif. Il ne répond pas, ainsi, à tous les contextes d’enseignement, et n’est donc pas efficace. Il faut laisser plus de place à l’initiative des équipes de terrain afin de trouver les meilleurs solutions pédagogiques et les pratiques professionnelles des professeurs les plus adaptées, pour que tous les élèves réussissent.

L’organisation administrative du système éducatif freine son efficacité : elle n’est plus adaptée au parcours des élèves entre école fondamentale (écoles-collège) et cycle bac -3/+3, et devrait se caler sur le découpage des nouvelles régions pour se recentrer sur les aspects stratégiques à ce niveau, et laisser aux Inspections d’Académie la responsabilité des grands actes gestion avec les unités d’enseignement.

Les entités d’enseignement doivent se constituer en réseaux pour être plus performantes, car il faut une taille critique pour conduire des actions qualitatives au plan pédagogique et nouer des alliances de territoire avec les collectivités concernées. Une nouvelle alliance doit être nouée avec les collectivités afin de clarifier les responsabilités, de rééquilibrer les interventions entre les territoires, et d’agir plus efficacement de concert. La gestion des ressources humaines doit être repensée pour qu’elle serve mieux la réussite des élèves.

Vous n’avez pas caché votre déception face à la « Refondation de l’école »… Faut-il pour vous abolir certaines réformes ?

Il ne faut pas revenir sur les fondamentaux des réformes engagées.  C’est d’ailleurs ce que propose le Président élu (Emmanuel Macron, ndlr). Des amodiations sont possibles.

De toute façon, la réforme des collèges ne s’est pas appliquée totalement selon les règles prévues. En réalité, beaucoup de sections bi langues ont été maintenues en les reliant au premier degré, et il est faux de dire que l’enseignement du Latin a été sacrifié. Des accommodements heureux ont été trouvés et c’est très bien ainsi ; mais de façon un peu désordonnée. C’est encore une fois la preuve qu’il faut laisser au terrain de la liberté dans la mise en œuvre, mais en la donnant au départ…  sinon le terrain la prend à sa manière.

Pour les rythmes scolaires, le sujet est délicat, car il a fallu beaucoup de temps, et surtout de travail, entre les équipes enseignantes et les collectivités pour mettre au point les dispositifs. Un équilibre a été atteint. Il peut toujours évoluer par un nouveau travail avec la communauté éducative. Mais renoncer à cette réforme ne peut pas être de la seule responsabilité des collectivités, sauf à mettre en difficultés les équipes enseignantes et la communauté éducative dans son ensemble.

Pensez-vous que le futur ministre de l’éducation a intérêt à augmenter le nombre de postes d’enseignants, ou plutôt les salaires ?

Le nouveau Président de la République a tranché cette question. Les augmentations de postes seront limitées, et il y aura des redéploiements, de façon à les réserver aux situations les plus difficiles de l’éducation prioritaire. Les études internationales montrent que les enseignants français ne sont pas les mieux payés, surtout en début de carrière, mais les contours des métiers (présence dans l’établissement, autres tâches que d’enseignement….) ne sont pas les mêmes.

J’ai évoqué, dans mes propositions, l’hypothèse d’un nouveau cadre d’emploi qui se rapprocherait de ces standards européens, avec 30%  de rémunération en plus. En tout état de cause, il faudrait commencer par aligner la rémunération réelle des professeurs des écoles (salaires, heures sup, primes…) sur celle des certifiés.

Quelle est votre réaction concernant l’autorisation du tirage au sort pour l’affectation des étudiants à leur entrée à l’université ?

Le tirage au sort est une mauvaise solution sur le fond. C’est un pis-aller pour faire face à l’urgence des inscriptions pas toujours réfléchies dans certaines filières. La question de fond est celle de l’orientation des étudiants.

C’est pourquoi, il faut créer un cycle d’études bac-3/+3, avec une direction et un programme LOLF (la loi organique relative aux lois de finances, qui comporte une mission « enseignement scolaire », ndlr) pour l’organiser, concevoir les filières de lycées comme des propédeutiques du supérieur, simplifier le bac en conséquence et guider et accompagner le choix des étudiants en leur proposant des mises à niveau et des formations complémentaires pour suivre efficacement des études supérieurs.