
Débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen / TF1
Quel est le regard des principaux syndicats des enseignants du secondaire, face aux programmes éducatifs d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, qui se sont affrontés hier lors d’un débat télévisuel particulièrement brutal ? Au SGEN comme au SNES et au SE-UNSA, les incertitudes se mêlent à de réelles inquiétudes.
Le programme de Marine Le Pen : “un système “inégalitaire” et “sélectif”
Les responsables syndicaux sont unanimes : pour eux, le programme de Marine Le Pen pour le secondaire est “inquiétant”. Pour Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT, la logique de la candidate du FN est “inégalitaire”. En proposant la fin du collège unique et l’apprentissage dès 14 ans, “elle va à l’encontre de toutes les analyses, qui montrent que la meilleure manière de faire progresser l’ensemble d’une classe d’âge, c’est en gardant les élèves ensemble autour d’un tronc commun le plus long possible”, indique-t-il. Pour lui, Marine Le Pen “souhaite nous plonger dans un monde fictionnel, celui du collège des années 1960, qui favoriserait la réussite tous, alors que ce serait tout le contraire”.

Collège du Plateau, Lavans les Saint Claude, 1958 / Photo Michel Le Berre
Au SE-Unsa, le son de cloche n’est guère différent. Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat, dénonce “la remise en route d’une école des années 1950 mythifiée, avec un tri précoce des élèves”. Pour lui, l’apprentissage dès 14 ans serait “complètement rétrograde”. Il remarque que “le monde de l’entreprise n’est pas en capacité de former des adolescents”, et que “les métiers d’aujourd’hui exigent un niveau et des compétences supérieures (de niveau bac pro ou BTS) à celles que pourraient maîtriser des jeunes exclus du socle commun”.
Pour Stéphane Crochet, “notre pays ne peut pas se permettre d’écarter 20 à 40% de ses élèves.” Il défend le collège unique, qui a “vocation à scolariser tous les enfants du pays dans un même cursus, pour maîtriser et acquérir des compétences reconnues par le socle commun de compétences”. Selon le secrétaire général du SE-Unsa, “renoncer à scolariser tous les jeunes ensemble” et “empêcher une partie des jeunes de maîtriser le socle de compétences”, serait “une erreur sociale et économique, à moyen terme”. Et de remarquer “qu’une telle école fonctionnerait comme une centrifugeuse qui se débarrassait, au fur et à mesure du cursus, de tous les élèves qui la gênent car trop fragiles”.
Du côté du SNES, Frédérique Rolet, secrétaire générale, s’oppose fermement à l’idée “d’un système sélectif et ségrégatif, qui pénaliserait surtout les élèves des catégories populaires.” Pour elle, la sortie du collège unique serait “un retour en arrière extraordinaire”, vers une époque où “n’entraient en secondaire qu’une partie des élèves, après un tri social important”. Concernant l’apprentissage dès 14 ans, elle remarque que “la finalité de l’école, c’est aussi de permettre l’émancipation des individus, et pas seulement l’insertion professionnelle… et cela passe aussi par des savoirs généraux, qui ne sont pas donnés dans le cadre de l’apprentissage”.
Le programme d’Emmanuel Macron : « surtout des interrogations »
Face aux propositions d’Emmanuel Macron pour le second degré, “ce n’est pas du tout le même niveau d’inquiétude”, indique Alexis Torchet d’emblée. Le secrétaire national du SGEN s’interroge surtout sur la “logique communicationnelle” du candidat centriste, qui semble masquer sa “véritable politique éducative”.
Concernant la réforme du collège, le syndicat remarque par exemple que “dans les annonces de Macron, on insiste sur le rétablissement possible des classes bilangues et du latin en donnant plus d’autonomie aux collèges”, mais que “quand on discute avec l’équipe éducation d’En Marche, on découvre des choses beaucoup plus construites, mais pas affichées, comme la notion de parcours, pour éviter la reconstitution des groupes classes homogènes et des logiques de filières qu’on rétablirait au collège”.
Emmanuel Macron souhaite dans son programme accorder une “autonomie pédagogique et de recrutement” aux collèges et aux lycées. Face à cela, le SGEN “est dans l’expectative” devant une possible “autonomie des chefs d’établissement”, qui pourrait signifier “une transposition de la logique de l’entreprise dans le service public”. Et de remarquer, déboussolé, que “lorsque l’on discute avec le ‘pôle éducation’ d’En Marche!, le discours est différent : on nous explique qu’il s’agirait plutôt de laisser de l’initiative aux équipes pédagogiques”.
« Nous sommes convaincus que les choses sont pensées, et que tout viendra après »
Au SE-Unsa, Stéphane Crochet ne cache pas non plus ses “interrogations” face au programme éducatif d’Emmanuel Macron : “il ne semble pas vouloir déstabiliser le système éducatif, mais souhaiter laisser s’installer les réformes qui viennent d’être mises en place… et en même temps, par plusieurs aspects, il pourrait quand même les déconstruire”.

Des élèves de la 4e Médias du collège Berlioz (Paris 18e) / Photo DR
La “grande interrogation” du syndicat concerne la réforme du collège : “Emmanuel Macron dit ne pas vouloir la remettre en cause, mais en même temps, il propose de réinstaller les classes bilangues et l’enseignement du latin, dans une enveloppe qui resterait la même, ce qui imposerait de faire des choix”, explique Stéphane Crochet, qui reste aussi circonspect face à un possible recrutement des enseignants par le chef d’établissement : “quelle serait la mise en oeuvre concrète d’une telle mesure ?”
Pour lui, le programme du candidat d’En Marche! “ne va pas dans les détails de ses propositions, et vraisemblablement, c’est fait exprès pour ne fâcher personne. Or, nous sommes convaincus que les choses sont pensées, et que tout viendra après”.
De son côté, le Snes-FSU ne cache pas ses craintes face au “développement de l’autonomie” et au recrutement possible des enseignants par le chef d’établissement, qui serait “inacceptable”. Comme nous l’expliquait dernièrement Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du syndicat, en Suède, où a été mis en place ce système, “les résultats des élèves se sont effondrés : on peut difficilement dire qu’il s’agit d’une recette qui marche”.
Frédérique Rolet s’interroge plus largement, face à la priorité au primaire affichée par Emmanuel Macron : “que va devenir le second degré ?” Le candidat souhaite limiter à 12 élèves les classes de CE1/CP dans les REP et REP+, “tout en supprimant 120.000 fonctionnaires : on craint qu’il y ait un redéploiement des postes et que le secondaire perde des emplois, alors qu’il est en période d’extension démographique”, note la secrétaire générale du SNES.
« les principaux syndicats du secondaire » ? Et le SNALC, ce n’est pas le 2e syndicat du secondaire ?