
François Martin
Vous avez récemment publié un communiqué de presse intitulé : « Moins de latin pour tous ! ». Aujourd’hui, quel constat peut-on faire de la réforme du collège sur l’enseignement du latin et du grec ?
Il faut être prudent car nous sommes seulement à quelques mois d’application de la réforme. Mais il est clair que le constat est négatif. A la rentrée 2016, en 5e, plus de 6 000 élèves manquent à l’appel en latin, si l’on se réfère aux effectifs de la rentrée 2015. Cette réforme a été complètement bâclée : changement de l’intégralité des programmes d’enseignement de la 6e à la 3e, explosion de la grille des horaires réglementaires (avec diminution des horaires de latin et de grec ancien de 50% en 5e et 30% en 4e et 3e) et disparition du latin et du grec ancien comme disciplines, transformés en « enseignements de complément », absents des grilles réglementaires, alors qu’ils y avaient leur place lorsqu’ils étaient des disciplines optionnelles. L’ambitieux projet du ministère ‘le latin pour tous’ n’a donc pas du tout fonctionné ! Cela n’a été que des promesses et des paroles en l’air… D’autant plus que certains postes sont actuellement menacés car les horaires dédiés à ces disciplines sont en baisse constante.
Pour le grec ancien, accusé de concerner peu d’élèves et de coûter trop cher, il est en progression, comme ces dernières années (plus 1066 élèves dans le public). Néanmoins, nous avons aussi des exemples où cette discipline a été fermée. Certains établissements ont dû faire le choix entre conserver deux groupes en latin ou garder l’enseignement du grec. C’est un dilemme vraiment incroyable !
Cette réforme du collège est donc un échec total de la part de la ministre de l’Education nationale ?
Oui, complètement ! Par rapport à ce qu’elle prévoyait initialement – faire accéder tous les élèves à l’apprentissage du latin et éventuellement du grec – c’est un échec total ! La CNARELA a été reçue plusieurs fois au ministère ou à la DGESCO afin de souligner les difficultés de terrain que nous rencontrons au quotidien mais le ministère n’en tient pas compte. Par exemple, notre demande d’avoir des horaires clairement définis dans les dotations n’a pas été entendue. Notre enseignement passe toujours en dernier ! Il n’y a eu aucune évolution de la part du ministère et cela malgré nos interventions.

Latin inscription in Rome BlackMac/fotolia.com
Nous savons que les enseignants de langues anciennes, pour la plupart, n’adhèrent pas à cette réforme. A-t-elle impacté leur moral ou leur manière d’enseigner ? Comment se sentent-ils ?
Oui, cette réforme est très difficile pour une grande majorité de collègues. Les professeurs de lettres classiques ont été amputés de 50% de leurs horaires d’enseignement en 5ème. Ils n’ont donc plus qu’une heure de cours pour faire apprendre une langue ancienne à des élèves. C’est très compliqué ! Comment pouvons-nous enseigner une langue et une civilisation en une seule heure ? Notre priorité est donc de récupérer nos 2 heures de cours en 5ème. Nous souhaitons également bénéficier d’une heure supplémentaire en 4ème et 3ème car aujourd’hui avec seulement 2 heures de cours, il est difficile d’enseigner correctement une langue ancienne… De plus, les enseignants constatent que les élèves veulent s’inscrire à l’enseignement de complément Langues et Cultures de l’Antiquité, mais ne peuvent pas y accéder car le groupe est limité à 28 élèves pour 60 demandeurs… Il n’y a donc aucune volonté d’ouvrir le latin à tous, comme le promettait la ministre. Sans parler des menaces voire des suppressions de postes des professeurs de lettres classiques… Comment voulez-vous qu’avec tout cela les enseignants gardent le moral ? C’est impossible…
Dans votre communiqué de presse, vous écrivez que « l’enseignement public est frappé de plein fouet par la perte d’élèves en latin (moins 4 920 élèves), le privé étant pour un moment encore bien loti ». Pensez-vous que cette réforme privilégie l’enseignement privé au détriment du public ?

© Monkey Business – Fotolia
Oui, bien sûr. La réforme du collège a, sans aucun doute, privilégié l’enseignement privé. Pas uniquement au niveau du latin et du grec mais aussi au niveau des bilangues. L’enseignement privé a maintenu l’intégralité de ces dispositifs et a clairement dit : « Venez chez nous, on vous offrira ce que le public n’offre pas ! ». Quand vous êtes dans un collège où il n’y a ni latin ni grec ni classes bilangues et qu’à côté l’établissement privé les propose, les élèves fuient logiquement vers le privé… C’est une réalité, nous en sommes tous conscients !
A la place du latin et du grec, la ministre a mis en place les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dont celui de Langues et Cultures de l’Antiquité (LCA). Pour quelles raisons les langues anciennes ne peuvent-elles pas être remplacées par les EPI ? En quoi est-ce une réelle erreur ?
Les EPI peuvent exister uniquement si l’on prend des heures sur d’autres matières (français, histoire-géo, maths…). Or, avec les nouveaux programmes, chaque matière perd déjà des heures d’enseignement. Les professeurs ne sont pas prêts à en donner davantage pour les EPI. Du coup, nous arrivons à des situations complètement dingues, permises par les textes officiels : l’EPI Langues et Cultures de l’Antiquité peut ne pas être assuré par un enseignant de Lettres classiques. Comment peut-on faire apprendre les Langues et Cultures de l’Antiquité lorsqu’on n’est pas prof de langues ? C’est incroyable ! Demande-t-on à des professeurs d’espagnol d’enseigner le chinois ?
Aujourd’hui, les EPI sont très menacés puisqu’ils n’ont pas d’horaires clairement dédiés. A l’heure actuelle, nous nous demandons vraiment ce qu’ils vont devenir et en particulier avec l’arrivée du prochain gouvernement…
Justement, les élections présidentielles approchent. Concrètement, que demandez-vous au prochain gouvernement pour qu’il donne davantage de considération aux langues anciennes ?
Il faut avant tout rétablir le statut de discipline pour le latin et le grec. Les langues anciennes doivent être présentes dans les grilles horaires officielles et réellement accessibles à tous. Quand un élève demande à étudier une langue ancienne, il doit pouvoir le faire ! Il faut que le ministère donne les moyens en fonction des demandes des élèves. Par ailleurs, nous souhaitons également retrouver des horaires (2h en 5ème, 3h en 4ème/3ème) qui permettent vraiment d’enseigner la langue et de l’apprendre. Le ministère doit aussi pouvoir financer l’intégralité de nos heures de cours au même titre que des cours de maths ou d’histoire-géo, par exemple. Enfin, le grec et le latin doivent être reconnus au brevet des collèges. Nous avons demandé au ministère, à l’occasion du nouveau brevet, que les élèves ayant suivi les deux langues puissent être récompensés par un bonus dans chacune de ces disciplines sur leur note de brevet. Le ministère n’a rien changé. Donc, même si un élève étudie les deux langues, une seule comptera pour l’attribution des points au brevet…
Une synthèse très claire et très juste. Dans mon collège un poste de lettres classiques va être supprimé. Ce que je ressens c’est avant tout un grand sentiment de gâchis! Les enseignants de lettres classiques , dont je ne suis pas, sont des experts dans leur discipline. A cause d’une réforme en effet complètement bâclée et qui s’est faite contre la grande majorité des enseignants les élèves sont de fait privés de cette expertise . Quant aux modalités du nouveau brevet, je n’en parle même pas tellement cela me met en colère !!
Courage et merci à vous pour votre clarté et votre obstination. Je suis sûre que la raison et le bon sens finiront par redevenir des valeurs acceptables dans l’éducation nationale. Jeanne Da Silva
l’étude du latin n’est plus d’une grande utilité aujourd’hui dans une économie mondialisée,en tout cas pas plus utile que d’apprendre le hongrois .
les jeunes français partent aujourd’hui travailler à l’étranger.
cette idée de vouloir redoter les collèges en heures de latin n’a plus de sens et c’est une perte de temps.
compte tenu du contexte international il faut renforcer l’apprentissage de l’anglais
Dans les années 80 le latin servait à mettre ensemble de bons élèves dans la meme classe dans un contexte de gloriole ,la noblesse de l’entre soi , mais c’est fini tout ça .
l’éducation nationale pense toujours avec 30 ans de retard
nous sommes en 2017 .aujourd’hui
on va dire que le latin ne sert plus qu’à quelques universitaires qui publient des articles sur ciceron que personne ne lit.
Monsieur Corso vous êtes un histrion ( vous chercherai l’origine du mot !). Le latin certes ne sert à rien mais il est utile à tout, en particulier à ne pas dire n’importe quoi ! Vive les langues anciennes fondement de toute culture !
les effets de manches de démosthene sont sans intérêt et ont peu d’impact quand on constate ses connaissances lacunaires en grammaire conjugaison
il fallait écrire :
vous chercherez et non pas vous chercherai
faites preuve de davantage de rigueur.
Monsieur Dean Corso a raison, le latin ne sert à rien. Du moins si vous croyez que nous enseignons cette langue pour elle-même. Je suis professeur de Lettres Classiques depuis 1999, en collège, et je n’ai jamais enseigné les langues anciennes pour que mes élèves rédigent plus tard des articles sur Cicéron. J’ai suivi les programmes qui invitent à faire de cette discipline un ancrage et une ouverture sur toutes les autres pour les nourrir, les faire comprendre aux élèves, leur donner du SENS. Notre matière est une discipline transverse, comme on aime tant le dire dans les entreprises: elle donne de la profondeur de vue aux langues européennes, elle donne de la rigueur, de la culture, elle dit d’où nous venons, elle offre des références historiques, scientifiques, linguistiques, littéraires, et philosophiques… Elle n’enseigne rien de rentable mais tout ce qui est essentiel, notamment comment meurt une République. Il est fini le temps de rosa, rosam de Jacques Brel, des versions perpétuelles… Et puis, pardonnez-moi, je préfèrerai toujours que mes élèves fassent du latin plutôt qu’ils rentrent chez eux s’abrutir devant les affligeants programmes de la télévision ou internet.
Un témoignage : j’enseigne les Langues et Cultures de l’ Antiquité depuis 36 ans et ce qui m’a toujours soutenue et me soutient envers et contre tout, et surtout la betise de nos technocrates ministeriels, c’est l’intérêt de mes élèves, leur curiosité, leurs questions, bref leur passion pour le latin et le grec-qu’ils ne trouvent manifestement, eux, ni ringards ni ridicules ni ennuyeux ni « inutiles »…Alors ça vaut le coup de se battre!