Avec « La neuvième nuit nous passerons la frontière », performance théâtrale conçue comme un « objet nomade », le metteur en scène Marcel Bozonnet a voulu raconter « l’odyssée de ceux qui cherchent leur place sur la terre » en s’adressant d’abord aux collégiens de Seine-Saint-Denis, département d’immigration.
Avant d’être joué du 18 au 23 avril à la Maison des métallos à Paris, le spectacle présenté par la MC93 aura été vu par un millier d’élèves de Seine-Saint-Denis, où un tiers de la population est immigrée, dans des lieux aussi divers que des gymnases, des halls ou des salles polyvalentes.
Comme ce vendredi après-midi où deux classes du collège République de Bobigny ont pris place autour d’un plateau dépouillé. En guise de décor, une simple armature en acier figurant la carcasse d’une maison; un réchaud, un chariot de supermarché rempli d’objets récupérés et une palette en guise d’accessoire.
Librement adapté d’un essai de l’anthropologue Michel Agier, « Le Couloir des Exilés », le texte est porté par un comédien et une danseuse: Roland Gervet joue « l’homme sur la frontière » tandis que Nash, danseuse de krump, incarne en alternance « la migrante ».
Marcel Bozonnet cherchait un moyen pour exprimer la « rage » qui peut pousser les réfugiés à braver tous les dangers en quête d’une vie meilleure. Il l’a trouvé dans le krump, une danse guerrière née dans les quartiers pauvres de Los Angeles à la fin des années 90, a-t-il expliqué lors d’un débat après la représentation.
Le spectateur se glisse aussi bien dans la peau d’un jeune Afghan qui en est à sa cinquième tentative pour entrer en Angleterre que dans celle d’un habitant de Calais. Depuis la fenêtre de sa chambre, il observe les migrants qui « courent derrière les camions, prêts à voyager en container comme des surgelés ». « Ils ne peuvent ni rester chez eux ni franchir les frontières. Ils n’ont plus d’ici et n’auront jamais d’ailleurs », constate tristement le riverain.
La pièce prend un tour militant quand elle dénonce la « chasse aux migrants ». Mais au-delà du drame actuel, qui s’est rejoué tant de fois au XXe siècle, elle entend susciter la réflexion sur l’universalité de la condition d’exilé: « Je viens du fond des âges/Et j’ai parcouru le monde », dit « l’homme sur la frontière ». « Et me voici ici, à Bobigny. Salut à toi, l’habitant de Bobigny, dont les ancêtres trouvèrent refuge dans cette cité », dit-il en s’adressant aux collégiens.
Avant de mettre en garde: « Demain, c’est toi qui changera de place ».
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