
Emmanuel Macron en septembre 2014 / Gouvernement français / Licence CC
Vous voulez « donner la priorité à l’école primaire ». Comment vous démarquerez-vous des actions du quinquennat Hollande en la matière ?
La « priorité au primaire » n’est ni un slogan ni un vœu pieu ! La loi de refondation de l’école avait placé l’école primaire au centre des préoccupations. Pourtant, quatre ans plus tard, le nombre d’élèves par classe n’a pas diminué, et le déséquilibre des moyens entre le primaire et le secondaire – le lycée tout particulièrement – est patent.
Pourquoi est-il nécessaire de réaffirmer et de faire vivre cette priorité ? À la sortie de l’école primaire, plus de 20% des élèves ont des acquis fragiles en lecture, en écriture ou en calcul. S’il faut encourager et récompenser l’excellence, il faut également veiller à ne pas briser les élèves en difficulté dès les premières années de leur scolarité. L’excellence est pleinement conciliable avec une véritable attention portée aux élèves en difficulté. Les mesures ambitieuses du programme éducation ont pour but d’apporter cette réponse par une action forte et efficace dès le début de la scolarité, car c’est là où l’échec scolaire se fabrique : 80% des 110 000 élèves qui, chaque année, quittent le système scolaire sans diplôme étaient déjà en difficulté en primaire ; c’est donc là où l’action est la plus efficace.
Comment procéderons-nous ? Nous arrêterons de saupoudrer les moyens et diviserons par deux les effectifs des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Nous organiserons des stages d’été pour les élèves en difficulté, du CP à la 3ème. Nous instaurerons, à chaque rentrée, de la grande section à la classe de 3ème, un bilan pour que l’enseignant connaisse, dès le début d’année, les points forts – à développer – mais aussi les difficultés – à pallier – pour chacun de ses élèves.
S’agissant des devoirs à l’école, et parce qu’une part importante des inégalités scolaires se joue hors de la salle de classe et que les parents n’ont pas toujours le temps ou la possibilité d’aider leurs enfants, nous rétablirons l’aide aux devoirs après la classe.
Quel est pour vous le rôle des enseignants ? Devons-nous revoir leur formation, leur rémunération… et leur nombre ?
On traite trop souvent le sujet de l’école avec dogmatisme ou de façon technocratique, en ne réduisant les questions qu’à des enjeux paramétriques (4 ou 5 matinées de classes, 40 000 postes ou 60 000 postes ou, à l’inverse, suppression massive de postes d’enseignants). L’enjeu principal n’est pas là. La question à laquelle nous devons répondre collectivement est la suivante « comment garantir à chaque élève une scolarité qui lui permette de se construire, de s’épanouir et de réussir ? ». C’est LA question qui doit guider nos choix ; l’intérêt des élèves et l’amélioration de la réussite de chacun doit être notre seule boussole.
Or, la qualité de l’enseignement ne se décrète pas, elle prend appui sur la formation des enseignants et les avancées de la recherche et sur l’évaluation du système éducatif.
La formation initiale et continue des enseignants sera caractérisée par l’excellence académique et par la présence de praticiens, qui continuent à enseigner tout en assurant le suivi des jeunes collègues. Nous étendrons la formation en alternance dès la licence pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement. Et, chaque année, tout enseignant, du premier comme du second degré, bénéficiera d’au moins trois jours de formation continue adaptée aux besoins rencontrés dans sa classe – identifiés notamment grâce aux bilans personnalisés effectués par chaque élève en début d’année.
Par ailleurs, un effort important doit être entrepris pour le développement de la recherche en sciences cognitives, ainsi qu’en sciences et en économie de l’éducation, afin que les meilleures pratiques puissent être diffusées à tous les niveaux du système éducatif, précisément via la formation des enseignants.

Emmanuel Macron / Wikimedia / Photo Claude TRUONG-NGOC / Licence CC
La mixité sociale à l’école et les inégalités entre établissements sont plus que jamais au cœur des débats sur l’éducation… quelles sont vos propositions ?
Il faut sortir du mythe d’une uniformité qui garantirait l’égalité : aujourd’hui, notre système scolaire est le plus inégalitaire de tous les pays de l’OCDE ! Il faut faire davantage confiance à ceux qui, chaque jour, travaillent auprès des élèves, et les accompagner, afin de garantir la réussite de chaque élève, quelle que soit son origine sociale, le territoire où il vit, le handicap ou les difficultés qui peuvent être les siennes.
Notre choix est de concentrer les moyens là où se concentrent les difficultés : 12 élèves maximum par classe de CP et de CE1 dans les zones d’éducation prioritaire. Nous savons, par les expériences étrangères, qu’au-delà de l’impact direct sur la réduction de l’échec scolaire, les bénéfices d’une réduction de la taille des classes en primaire sont également visibles à long terme, en termes d’accès à l’enseignement supérieur et de réussite sur le marché du travail.
Par ailleurs, il n’est plus acceptable que les enseignants les moins expérimentés aient la charge de faire réussir les élèves qui rencontrent les plus grandes difficultés : durant le prochain quinquennat, plus aucun enseignant ne pourra être affecté en éducation prioritaire – hors choix motivé -, s’il n’a pas au moins trois ans d’expérience.
De même, il n’est plus acceptable que les territoires où la difficulté sociale et scolaire se concentre soient confrontés chaque année à l’impossibilité de recruter des enseignants : parce qu’il faut reconnaître cette difficulté et y répondre, les enseignants, du premier comme du second degré, qui exercent en REP+ seront mieux accompagnés et recevront une prime annuelle supplémentaire de 3 000 € nets.
Que pensez-vous de la réforme du collège effectuée durant le quinquennat Hollande ; et que comptez-vous faire si vous êtes élu ?
Je veux renforcer et encourager l’autonomie des établissements pour favoriser l’adaptation aux besoins de leurs élèves et aux situations locales et stimuler l’innovation. À chaque alternance, on demande aux équipes pédagogiques, aux élèves, à leurs parents de s’adapter à de nouvelles réformes. Il faut rompre avec ce mouvement de balancier.
Dans la logique de confiance, d’autonomie et de liberté, inscrite au cœur du projet d’En Marche, il faudra laisser la possibilité aux équipes pédagogiques qui le souhaitent – celles qui connaissent le mieux les besoins et les aspirations des élèves et de leurs familles – de proposer à nouveau des parcours bi-langues, des parcours européens ainsi que de rétablir pleinement l’enseignement des langues anciennes.
Cette autonomie nouvelle est indissociable d’une responsabilisation accrue et d’une évaluation plus régulière. Il ne sera plus possible que des situations inacceptables – même si elles restent heureusement très minoritaires – se prolongent dans un établissement, sans soutien ni intervention. La qualité de notre système scolaire doit être au centre des préoccupations. Tous les trois ans, chaque collège et chaque lycée bénéficiera d’un diagnostic qui embrassera l’ensemble de ses missions (enseignement, résultats et progrès des élèves, projets pédagogiques, équipements, infrastructures, etc.). Il mobilisera l’équipe de direction, conduite par le chef d’établissement, l’équipe pédagogique, mais les parents et les élèves seront également consultés.
Les éléments de ce diagnostic pourront être opposables au ministère ou aux collectivités dans le cadre des engagements qui sont les leurs auprès des établissements. Les recommandations formulées pourront aussi engager des mesures d’accompagnement spécifiques en cas de situation particulièrement préoccupante.
Concernant l’apprentissage de l’Histoire, vous refusez que l’on apprenne une « histoire passionnelle »…

Discours Emmanuel Macron – Source En Marche live !
Il ne faut pas enseigner l’histoire comme un bloc de vérités, un roman unique ou une vérité d’État. L’enseignement de l’histoire doit permettre aux élèves de comprendre le monde dans lequel ils vivent. L’histoire permet aux élèves d’approcher les réalités actuelles par la compréhension dépassionnée, objective, des grands mécanismes, des causes et des conséquences qui expliquent les grands événements ou les basculements à l’œuvre.
L’histoire permet de donner à voir le rôle et l’importance des choix antérieurs sur le présent. Par la place centrale de l’analyse et de la critique, elle est essentielle en ce qu’elle fournit de précieux outils pour combattre le relativisme et l’idée que tous les énoncés se vaudraient. Enfin, je pense que l’histoire constitue une composante importante de la fierté française et contribue ainsi à la construction de notre cohésion nationale et à la préparation de l’avenir.
Des collégiens ont interpellé les candidats à la présidentielle sur le cyber-harcèlement et le harcèlement scolaire. Comment avez-vous prévu d’agir en la matière ?
Le harcèlement scolaire, parce qu’il plonge de jeunes élèves dans une détresse inacceptable et qu’il peut briser des trajectoires scolaires et individuelles, est un enjeu qui doit mobiliser l’ensemble de la communauté éducative et des familles. La prévention en classe, auprès des élèves, mais aussi la formation des équipes pédagogiques à ces enjeux constitue une grande partie de la réponse que l’on doit apporter.
L’interdiction du téléphone portable à l’école et au collège participe également de cette réponse. Certains se sont empressés d’objecter que cette interdiction était déjà inscrite dans le code de l’éducation ou dans les règlements intérieurs, mais quelle est la réalité des établissements ? Les devoirs aussi sont interdits à l’école primaire, ont-ils disparu partout pour autant ?
Le téléphone portable – au-delà des interférences néfastes au climat d’apprentissage dans la classe – est à l’origine de situations que l’on ne peut plus accepter et, parfois, de drames. L’idée que des vidéos ou des photographies mettant en scène l’humiliation de camarades de classe via des images capturées dans les cours de récréation, au sein même de nos établissements, est insupportable. Si, malheureusement, le harcèlement scolaire a toujours existé, les nouvelles technologies rendent sa réalité plus dure encore : auparavant, il cessait une fois l’enfant rentré chez lui, aujourd’hui, il se poursuit sur les réseaux sociaux. Notre responsabilité est de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger nos enfants !
Que pensez-vous du numérique à l’école ? Et comment vous inscrivez-vous vis-à-vis du partenariat Microsoft – Education Nationale ?
Le défi numérique concerne l’ensemble des disciplines et des élèves – du primaire au lycée et à l’université. Il faudra investir fortement sur la formation de nos enseignants pour y répondre. En effet – et les travaux de l’OCDE l’ont bien montré – le numérique peut être un formidable outil au service d’une meilleure réussite de tous, mais seulement s’il est assorti d’une transformation des pratiques pédagogiques.
Pourquoi se priver du soutien d’acteurs dont la compétence est reconnue ? Il faut néanmoins le faire sans naïveté, et avec une grande vigilance. Le numérique pourra alors répondre à certains défis qui se posent au système scolaire, car il permet : d’individualiser l’enseignement en fonction des progrès comme des difficultés de chaque élève (donner le bon contenu, au bon moment) ; de favoriser l’autonomie, la confiance, le travail collectif, la créativité ; et d’utiliser les données recueillies pour améliorer les performances du système éducatif (détection précoce des difficultés, pilotage fin grâce à l’évaluation continue, etc.).
Le numérique constitue aussi un savoir nouveau et l’école doit s’ouvrir davantage aux opportunités qui existent hors du système éducatif. La question des partenariats avec des acteurs privés doit être étudiée au cas par cas et n’être arbitrée qu’à l’aune d’un seul enjeu : l’intérêt des élèves. Enfin, l’enjeu est aussi de parvenir à former des citoyens conscients de ce qu’est le numérique, des mécanismes de pensée et des évolutions de pratiques qu’il engendre.
« par la présence de praticiens, qui continuent à enseigner tout en assurant le suivi des jeunes collègues. »
Doit-on comprendre que les formateurs des ESPE vont retourner enseigner (voire même découvrir pour certains) devant des classes avant de « transmettre » leurs expériences?
Le renforcement de l’autonomie des établissements est une réelle avancée si elle existe.
Nombreux sont les candidats à avoir agité le chiffon de pilotage réellement autonomes mais nombreux sont ceux et celles qui ont vite reculés.
Et pourtant, tous les systèmes qui nous dépassent ont effectivement des établissements autonomes avec des chefs d’établissement à la pointe du management ! Mais pardonnez le gros mot, le management n’est pas « acceptable » en France. Il fait trop patronat. Et c’est pas vertueux !
Oubliant d’ailleurs que diriger un établissement scolaire pour la réussite de tous ne peut se faire de la même manière et avec les même moyens en R.E.P ou en zone privilégiée.
Rares sont les Rectorats qui travaillent pour les E.P.L.E. Le vieux système Jacobin n’est pas encore usé. Et c’est bien dommage ! Alors les promesses de campagne ne sont pas toujours de mauvaise foi. Mais elles n’engagent toujours que ceux qui y croient ! Et aujourd’hui, ils ne sont plus trop nombreux !