Kaamelott, un outil pédagogique ? © M6/ PASCALITO

Kaamelott, un outil pédagogique ? © M6/ PASCALITO

Les vendredi 24 et samedi 25 mars se déroulera à l’Université Paris Sorbonne un colloque sur la série télévisée à succès, Kaamelott. Intitulé « Kaamelott ou la (re)lecture de l’histoire« , cet événement a pour objectif « de s’interroger sur les représentations historiques construites par la série, pour déconstruire le Moyen Âge de Kaamelott […] Le tout visant à mieux comprendre, peut-être, les façons dont le Moyen Âge est perçu, compris et réinventé au-delà des seuls cercles universitaires », peut-on lire dans un communiqué. Nous avons rencontré Florian Besson, doctorant en histoire médiévale à Paris Sorbonne, co-organisateur du colloque avec Justine Breton de l’Université de Picardie, pour échanger sur l’intérêt pédagogique de la série. Entretien.

Pourquoi un colloque sur Kaamelott ?

Déjà, parce que nous sommes fans de la série. Ensuite, car un nouveau courant, un nouveau champ de recherche à la mode est apparu dernièrement : le médiévalisme. Cela consiste à interroger les images du Moyen-Âge dans les œuvres contemporaines. Par exemple dans la fantasy, cela fait des années que les œuvres de Tolkien sont utilisées (Bilbo le Hobbit, le Seigneur des Anneaux) et Game of Thrones l’est aussi depuis plus récemment.

Or, il n’y avait pas encore eu de colloque sur Kaamelott. Nous avons trouvé cela un peu bizarre et anormal vu le succès de la série, à la fois public et critique. Surtout que cela fait désormais sept ans que c’est terminé (à la télévision, Kaamelott a continué d’exister en bande dessinée et Alexandre Astier s’est lancé dans l’écriture d’une suite cinématographique, NDLR). Nous nous sommes dit que c’était donc à faire.

Quel apport pédagogique peut avoir Kaamelott ?

D’un point de vue pédagogique c’est utilisable pour plusieurs matières à la fois : histoire, histoire de l’art, littérature, etc. En français et en littérature, c’est une réécriture du mythe arthurien, il y a donc des choses intéressantes à voir sur comment on réinterprète la littérature arthurienne, je pense notamment aux combats avec les dragons ou à ces épisodes où Yvain se baptise lui-même Chevalier au Lion et où tout le monde râle car personne n’a jamais vu un lion avec lui… C’est absurde, et il est très content de son surnom.

« Des dialogues anachroniques et théâtraux »

Guenière et Lancelot / Capture d'écran © M6 © M6 / Kaamelott

Guenière et Lancelot / Capture d’écran © M6 / Kaamelott

Astier s’est amusé à subvertir différentes œuvres de la légende arthurienne. Les questionnements sur la forme du Graal (coupe, pierre incandescente, plat) sont déjà présents dans des romans. Il s’est servi du foisonnement de textes arthuriens pour l’intégrer à sa série. On peut imaginer des cours de Français intéressants sur les relations entre le chevalier et sa dame, la relation entre Lancelot et Guenièvre.

Et les dialogues écrits par Astier sont superbes. Ils sont totalement anachroniques et très théâtraux. Dès les classes de 6e ou de 5e, il y aurait des choses intéressantes à faire sur ces dialogues. Ou encore sur l’intertextualité puisque de nombreuses références sont faites à d’autres œuvres populaires comme Star Wars, Stargate ou Astérix. Ce sont des choses qui plaisent aux élèves.

Et en histoire ?

En histoire, évidemment, il y a plein de thèmes à aborder ! Bien sûr, c’est une réécriture très fantaisiste. Néanmoins, on y retrouve des thèmes importants. Kaamelott se situe dans l’Antiquité tardive, vers le Ve siècle, et le rapport à la religion est intéressant à cette période. Je pense à cet épisode avec l’évêque Boniface où il dit « Bon, alors, on va faire cohabiter votre Dieu unique en plus de vos dieux paiens ». Ici, la propagation du christianisme, la cohabitation entre les religions, est intéressante à aborder.

On peut aussi envisager un travail sur l’alimentation : dans Kaamelott, dans toutes les scènes de cuisine ou toutes les scènes où les personnages mangent, l’alimentation est proche de ce qu’on pouvait trouver sur la table d’un seigneur médiéval. Alexandre Astier le dit dans les bonus des DVD : il y a eu un gros travail avec des historiens, des littéraires, des conservateurs des musées de Bretagne pour travailler sur tout cet héritage arthurien.

Quels thèmes va aborder ce colloque ?

On a mis en place des sessions autour d’un thème. Nous avons par exemple un gros thème sur l’image de Rome dans la série ou encore sur la représentation de l’autre, de la magie, des monstres, etc. Nous avons aussi un thème sur la représentation de l’écrit. Nous allons faire des va-et-vient entre des thèmes historiques et des thèmes qui interrogent la série comme objet historique.

« Une transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge »

Le Roi Burgonde dans Kaamelott / Capture d'écran © M6 © M6 / Kaamelott

Le Roi Burgonde dans Kaamelott / Capture d’écran © M6 © M6 / Kaamelott

Kaamelott est une bonne porte d’entrée pour amener les élèves sur un sujet. Le format, avec des épisodes de trois minutes à l’origine, permet d’en utiliser plusieurs. La série se situe à une époque de transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge avec l’empire romain qui s’effrite et les différents peuples barbares comme les Burgondes. La représentation de la justice de l’époque est intéressante avec le droit de grâce, le bûcher, etc. Ce sont des choses qui se sont installées pendant le Moyen Âge. Evidemment, Kaamelott n’est pas réaliste mais pose des questions qui, elles, le sont.

C’est également une série qui pose des questions sur l’univers mental des personnages de l’époque et c’est sur quoi les historiens travaillent le plus aujourd’hui. Notamment avec l’arrivée des premières messes. Il existe des textes historiques dans lesquels les chevaliers demandent au prêtre « Qu’est-ce qu’on doit faire ? Car en tant que chevalier nous devons tuer mais on nous dit tous les dimanches matins qu’il ne faut pas tuer ». Kaamelott pose des questions qui se posaient réellement à l’époque.

D’autres séries peuvent être utilisées pour cela ?

Tout ce qui est du domaine de la fantasy est utilisable pour le médiévalisme. Game of Thrones, par exemple. C’est totalement fictif mais calqué sur une trame historique, la Guerre des Deux Roses en l’occurrence. Il reste tout un tas de dynamique et de thèmes qui font échos à la réalité historique. On peut donc se servir de ces œuvres comme tremplin vers l’histoire. Il y a des dragons et de la magie, mais on s’intéresse surtout à comment on gouverne, la relation avec les paysans (ce qui revient très souvent dans Kaamelott), comment on légitime les taxes, ce sont des problématiques vraiment intéressantes.