Une vaste enquête du CNRS, lancée après les attentats de 2015 et publiée lundi, tente de mesurer la « porosité des idées radicales dans l’univers des lycéens d’aujourd’hui », en ciblant certaines catégories de jeunes, notamment musulmans.

L’enquête a été réalisée auprès de 7.000 élèves de seconde, un « échantillon raisonné et diversifié » s’intéressant aux « jeunes habitants des Zones urbaines sensibles (ZUS), jeunes musulmans, jeunes frontistes, jeunes scolarisés dans des filières professionnelles ».

Cet échantillon a été conçu afin « d’atteindre des segments spécifiques de la jeunesse peu étudiés habituellement », expliquent les chercheurs, Anne Muxel et Olivier Galland. « Volontairement biaisé », le panel compte ainsi 25% de jeunes de confession musulmane et 16% de lycéens des ZUS.

En même temps que cette étude d’une ampleur inédite, une autre enquête a été réalisée en ligne par OpinionWay auprès de 1.800 jeunes constituant un « échantillon témoin » représentatif des 14-16 ans en France.

L’étude montre que les 7.000 lycéens du panel légitiment plus facilement que les autres l’usage de la violence: près de 25% des jeunes interrogés jugent acceptables certains comportements violents ou déviants (voler un scooter, mener une action violente pour ses idées, affronter la police, etc.) contre 8% des jeunes en général (échantillon témoin).

Chez les lycéens de confession musulmane, ils sont près d’un tiers à défendre ces idées (33%), contre 20% des chrétiens et 22% de ceux qui se déclarent sans religion.

Un sondé sur dix du panel (11%) déclare à la fois qu’il y a « une seule vraie religion » et que « la religion a raison contre la science dans l’explication de la création du monde ». Des idées trois fois plus répandues (32%) chez les élèves de confession musulmane que dans l’ensemble des 7.000 lycéens.

En outre, soulignent les chercheurs, près de 4% des jeunes du panel sont concernés à la fois par « l’absolutisme religieux » et par la « tolérance à la violence », une proportion qui grimpe à 12% chez les élèves musulmans.

Les deux chercheurs se sont dits conscients qu’en pleine campagne présidentielle une telle étude pourrait être « instrumentalisée ». « Pour le débat citoyen, il nous semblait important qu’on ait accès aux connaissances de notre enquête », fait valoir cependant Olivier Galland. « L’absolutisme est très loin d’être majoritaire chez les musulmans! », tempère Anne Muxel.

En septembre 2016, une étude de l’Ifop pour l’Institut Montaigne (« think tank » libéral) sur les musulmans de France avait fait débat. Elle affirmait qu’un quart d’entre eux ont une pratique rigoriste de l’islam.

L’enquête publiée lundi répond à un appel à propositions « Attentats-recherche » du CNRS avec le soutien du ministère de l’Education nationale, de l’Institut national pour la jeunesse et l’éducation populaire (Injep), de la CAF et de la Fondation Jean-Jaurès. Elle a été réalisée par questionnaire d’octobre 2016 à mars 2017.