Djazia Tiourtite avocate, et deux stagiaires de 3eme qui sont entrées en contact avec à elle par l’intermédiaire de viensvoismontaf.fr. Crédits : Justine Wittenberg

« Pour certains élèves, qui se rêvent architecte, mais n’ont aucune connaissance dans ce milieu, le stage de découverte professionnelle de 3ème peut très bien se passer au kébab du coin », déplore une enseignante d’un collège REP (réseau d’éducation prioritaire) de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Premier contact avec la vie professionnelle, le lieu où s’effectue ce stage de cinq jours dépend encore largement de la richesse du réseau parental. Or, l’étendue de ce dernier varie selon les parents d’élèves et le milieu d’origine des élèves. C’est précisément pour lutter contre cette inégalité sociale que viensvoirmontaf.fr a vu le jour il y a deux ans.

130 collèges REP déjà informés

278 offres de stages de 3ème sont aujourd’hui proposées à tous les collégiens de l’éducation prioritaire (REP et REP+) sur viensvoirmontaf.fr. Parmi elles : cinq jours dans la classe d’un professeur d’anglais à Briey, au secrétariat d’État aux Relations avec le Parlement, dans une unité de recherche de l’INRA et de l’université de Bordeaux, au côté d’une infirmière libérale à Saintes, d’un médecin à Nancy, d’un reporter d’Europe1 à Paris ou encore d’un journaliste pigiste à La Rochelle. A ce jour, 270 élèves ont effectué cette immersion dans le monde professionnel via cette plateforme, sur les conseils d’un enseignant, le plus souvent. « Nous sommes connus de 130 collèges sur l’ensemble des 1089 collèges situés en REP et REP+. CPE, principal ou professeur, nous avons toujours un référent dans l’établissement », précise Guillaume Perennes, chargé de développement au sein de l’association Viens voir mon taf.

Le bouche-à-oreille

A l’origine de cette initiative : deux journalistes, Virginie Salmen et Mélanie Taravant  et une professeure d’anglais dans l’éducation prioritaire, Gaëlle Frilet. Cette association  a été lancée après les attentats de janvier 2015, à Paris pour « agir concrètement », « faire tomber les barrières », « ouvrir les portes » et « se rencontrer ». Les journalistes ont d’abord commencé par ouvrir leur carnet d’adresses aux élèves de 3eme d’un collège de Romainville, avant de créer un site internet pour élargir le dispositif à tous les élèves de REP et REP +. Peu à peu, les offres de stages sont venues enrichir le site, au-delà du réseau des fondatrices et par le bouche-à-oreille. « Nous n’avions aucun réseau et aucun contact à Toulouse où une entreprise d’isolation s’est inscrite. Lorsqu’elle a accueilli une stagiaire, trois autres entreprises de la même zone industrielle ont rejoint la plateforme », explique Guillaume Perennes.

« Rendre un peu »

Djazia Tiourtite avocate, et deux stagiaires de 3eme qui sont entrées en contact avec à elle par l'intermédiaire de viensvoismontaf.fr . Crédits : Justine Wittenberg

Djazia Tiourtite avocate, et deux stagiaires de 3eme qui sont entrées en contact avec à elle par l’intermédiaire de viensvoismontaf.fr . Crédits : Justine Wittenberg

Pour Djazia Tiourtite, avocate, proposer des stages à des collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire est une manière de « rendre un peu ». « J’ai pu bénéficier du réseau professionnel de ma grande sœur, qui avait aussi fait des études de droit, mais dans ma famille – je suis fille d’immigrés et d’ouvriers – il n’y avait pas de réseau », explique-t-elle. Lorsqu’elle a posté l’offre de stage sur le site, en octobre 2016, l’avocate a reçu une vingtaine de demandes en quelques heures. Depuis, elle a accueilli cinq stagiaires de 3ème scolarisés en REP au sein du cabinet de Bird and bird, à Paris, où elle travaille. « Ils venaient de Paris 17eme et 19eme, de Villliers-le-bel et de Pantin. Les deux premiers étaient géniaux, intéressés par le métier et le droit. Parmi les suivants, j’ai vu arriver une stagiaire en jean troué le premier jour, raconte-t-elle. Je ne pensais pas avoir à faire cela un jour, mais j’ai dû avoir une explication avec elle sur la notion d’habits professionnels. Cela fait partie du boulot ! J’apprends aussi beaucoup au contact des stagiaires. »

40% des offres hors Ile-de-France

Initialement concentrée en région parisienne, autour du réseau des fondatrices, l’offre hors Ile-de-France représente désormais 40% de l’ensemble des stages proposés sur le site. La notoriété de viensvoirmontaf.fr s’est bien étendue aux régions de Lyon, Lille, Marseille et Nantes, notamment. Viensvoirmontaf poursuit son objectif : être connu de l’ensemble des collèges REP de France et mobiliser des professionnels sur tout le territoire. Une manière de repousser les limites que les jeunes des quartiers défavorisés rencontrent dans leur projection de carrière.