Assemblée Nationale / Wikimedia / Licence CC

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Les députés ont adopté le 21 février, trois résolutions identiques destinées à réaffirmer “la place des sciences dans la République”. Les groupes parlementaires (radicaux, socialistes et républicains) à l’origine de ces propositions, élaborées avec des scientifiques, s’inquiètent du “déclin des sciences dans les médias, l’enseignement ou le débat politique”, et appellent le gouvernement à enrayer ce processus – car “la République a besoin de savants”.

« Renforcer l’enseignement scientifique » face à la « défiance »

Revenant lors de la session de l’Assemblée Nationale sur les “Sciences et progrès dans la République française”, le socialiste Jean-Yves Le Déaut, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et enseignant-chercheur, constate que “les temps ont changé pour les sciences, dont la place régresse, que ce soit à l’école ou au sein de nos institutions.”

Parlant d’une “défiance d’en haut et d’en bas”, il déplore le “désintérêt qui prévaut chez les décideurs, pour qui la science n’apparaît pas comme une priorité”, et chez les citoyens, pour qui “la parole scientifique devient une simple opinion parmi d’autres”.

À la “défiance d’en haut”, Jean-Yves Le Déaut oppose notamment l’argument selon lequel l’enseignement supérieur et la recherche, “si elles constituent une dépense, représentent un investissement pour demain”. Dans les résolutions adoptées par les députés, des propositions visent en outre, indique-t-il, à “renforcer l’enseignement scientifique”, depuis l’école jusqu’au lycée, “afin que les jeunes générations fassent la distinction entre les savoirs établis et les opinions sans fondement”.

Maths

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Développer « l’initiation” aux sciences à l’école

Bernard Accoyer, député Les Républicains, constate de son côté une “inquiétude grandissante”, face à l’hostilité des Français “face au savoir scientifique”, ces derniers retenant surtout “les crises sanitaires et les scandales”. Pour “replacer la science au cœur de la société”, il faut notamment, indique-t-il, “poser la question de la place des enseignements scientifiques dans le système éducatif”. Et de suggérer que l’initiation aux sciences à l’école élémentaire soit “considérablement renforcée, pour davantage sensibiliser les jeunes élèves à la démarche scientifique”.

Avec son groupe parlementaire, il propose aussi que le gouvernement “veille à la qualité” des enseignement scientifiques dispensés au collège et au lycée (“car les évolutions récentes sont inquiétantes”), qu’il “encourage une plus grande interaction entre enseignements en sciences technologiques et sciences humaines dès les classes de lycée, ainsi que dans la suite de tous les cursus scientifiques”, et qu’il “étoffe” la partie du programme de philosophie consacrée aux sciences et à l’épistémologie au lycée et dans l’enseignement supérieur scientifique.

Des “interactions” entre lycées et académies scientifiques

De son côté, la députée radicale de gauche Dominique Orliac, rappelle que la science est un “vecteur essentiel de l’innovation”, et propose avec son groupe de “sensibiliser les plus jeunes à la démarche scientifique”. Elle propose aussi que l’Académie des sciences, l’Académie des technologies et l’Académie des sciences morales et politiques “prennent leur place dans les cursus scientifiques” comprenant les enseignements en sciences dispensés dans les lycées. “Inversement, il est souhaitable que les étudiants puissent mieux interagir avec ces académies”, note-t-elle.

cours de physique © Magalice - Fotolia

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“Vulgariser” les sciences : une “stratégie” des CSTI

Maud Olivier, députée PS, prône quant à elle le “partage” des “cultures scientifique, technique et industrielle” (CSTI) auprès des “scolaires, des étudiants et des enseignants”, notamment en se reposant sur des associations de vulgarisation comme les Petits Débrouillards ou Planète Sciences, ou sur les Centres de Culture Scientifiques (CCSTI) – qui transmettent une science “ludique et expérimentable”, qui permet de “démystifier un univers technique qui n’est pas magique”, pour citer Bernadette Laclais, députée du même groupe parlementaire.

Selon Maud Olivier, “l’objectif” doit être de favoriser “l’égalité entre les filles et les garçons” (constatant une “sous-représentation” des femmes dans les études scientifiques), ainsi que la “lutte contre l’échec scolaire”. Pour cela, “il faut inscrire une pédagogie des CSTI”, explique-t-elle. Le Conseil national de la culture scientifique et technique, dont elle est membre, devrait remettre prochainement à Najat Vallaud-Belkacem, une “proposition de stratégie nationale des CSTI”, comme “partie intégrante de la stratégie nationale de recherche.”

“Protéger la recherche des économies” (Thierry Mandon)

En conclusion des débats, Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, a rappelé que prochainement, le gouvernement devrait dévoiler sa “stratégie nationale de la culture scientifique, technologique et industrielle.”

Thierry Mandon regrette au passage que les candidats à l’élection présidentielle sont, sur les questions scientifiques et de recherche, trop “discrets et pudiques”, et semble prévenir ces derniers : “on parle bien souvent d’économies. Parfois, on propose d’épargner certaines catégories – on cite la sécurité, la justice, la police, la défense, mais absolument jamais la recherche.” Or, estime-t-il, “le tout premier secteur à protéger des économies est la recherche”, qui constitue “un investissement faisant de la France une nation forte”.

Concernant l’école, Thierry Mandon remarque que “c’est par la pratique qu’on découvre la science, et non par les contenus enseignés à l’école primaire ou en secondaire”. Si ceux-ci “sont importants”, il faut aussi, note le secrétaire d’État, “encourager les acteurs qui font pratiquer la science dès le plus jeune âge”, tels que La main à la pâte ou Universcience. “Ces acteurs dédramatisent l’acte scientifique pour que, dès le plus jeune âge, nos enfant pratiquent la science avant de l’apprendre”, explique-t-il.