
Jean-Pierre Dewitte, Directeur général du CHU de Poitiers
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et nous expliquer comment on devient directeur général de centre hospitalo-universitaire ?
J’ai fait des études de droit et de sciences politiques, et ensuite, comme tous les directeurs d’hôpitaux, j’ai passé un concours national d’entrée à l’Ecole des Haute Etudes en Santé Publique.
Cette école prépare sur 3 ans au métier de directeur d’hôpital, qui est un métier généraliste, comprenant de la gestion des ressources humaines, de la gestion financière -le budget du CHU de Poitiers à titre d’exemple s’élève à 550 millions d’euros- de la communication, du juridique…
Pour devenir directeur général, il faut d’abord avoir une expérience de direction dans au moins deux établissements. Pour accéder à cette fonction, il faut compter en moyenne 20 ans d’expérience, et on devient rarement directeur général avant 45 ans. Par ailleurs, il faut qu’un poste se libère et soit publié au Journal Officiel : il n’y a que 32 CHU en France. Les nominations se font en Conseil des Ministres, suite à un accord entre le ministre de la Santé et le ministre de l’Enseignement Supérieur.
Je précise que nous ne sommes pas médecins. En France, aucun directeur d’hôpital n’est médecin, et cela ne l’a jamais été non plus auparavant. Ce serait possible, mais les médecins -qui effectuent déjà de très longues études auxquelles il faudrait rajouter celles de l’EHESP- ne le souhaitent pas.
Cependant, tout directeur d’hôpital travaille en étroite collaboration avec le Président des médecins de l’établissement, élu par ses pairs.
Enfin, j’ajoute qu’aux Etats-Unis par exemple, les hôpitaux sont dirigés par des médecins. Le fait que l’hôpital ne soit pas dirigé par un médecin est donc une spécificité française.
Quelles sont les plus grandes difficultés de ce métier ?
Les personnels nommés dans l’établissement, médecins et agents hospitaliers, y effectuent souvent leur carrière, et ont une très grande stabilité professionnelle.
La seule personne qui change, c’est le directeur de l’hôpital. L’important pour nous, c’est d’apporter du mouvement, par rapport à des professions qui sont très souvent conservatrices.
Aujourd’hui, les choses évoluent beaucoup : par exemple, avec la chirurgie ambulatoire, qui révolutionne la pratique de nombreux services de chirurgie.
On n’est plus dans le fonctionnement traditionnel avec l’hospitalisation d’un côté et les consultations de l’autre…
Aujourd’hui, les praticiens doivent travailler en équipe, les spécialités se rapprochent, sont en interaction. Faire évoluer sans cesse les organisations est la principale difficulté du métier du directeur général.
Qu’est-ce qu’il y a de plus enthousiasmant dans votre travail ?
C’est la relation humaine. Je rencontre tous les jours des gens très différents : il y a en effet plus de 100 métiers à l’hôpital. Le CHU de Poitiers compte en tout 5400 personnels non médicaux, et 1000 médecins.
Je rencontre tous les jours des gens intéressants, intelligents : il y a bien sûr le corps médical, mais il y a aussi des ingénieurs, des architectes, des responsables de système d’information, des chercheurs. L’environnement intellectuel est très stimulant : les professeurs hospitalo-universitaires amènent par exemple toutes leurs connaissances, il est passionnant d’échanger avec eux.
D’une manière générale, les personnels sont très dévoués à la cause du service public, et à ses valeurs. Je suis ravi de diriger un CHU qui accueille 24h/24 les immigrés qui arrivent à Poitiers, les gens paumés, les personnes âgées…, et qui puisse soulager la misère.
Dans votre carrière à Poitiers, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Nous sommes dans un CHU. Ce qui nous distingue du centre hospitalier, c’est le rôle de l’innovation et la recherche au sein de l’établissement.
Quand je suis arrivé dans l’établissement, il n’y avait quasiment pas d’équipe de recherche. Nous en avons désormais quatre.
Sur le plan des soins, nous avons aujourd’hui deux structures exceptionnelles : celle de cancérologie et celle des maladies cardio-vasculaires. Dans ces domaines, nous sommes à la pointe des progrès et de l’innovation.
Et qu’auriez-vous souhaité réussir davantage ?
Pouvoir dire merci aux gens. Nous sommes dans un système figé où l’on ne peut pas récompenser un mérite comme il se doit, où l’on ne peut pas faire varier les rémunérations. Je regrette de ne pas pouvoir donner un intéressement aux personnels, en lien avec les résultats de l’établissement, parce que cela est juridiquement, quasi impossible.
Vous êtes également le président de l’association des directeurs généraux des CHU. Quelle est votre mission dans ce cadre ?
Nous sommes fonctionnaires de la Fonction Publique Hospitalière. Nous ne sommes que 32 en France. Or les CHU représentent 33 milliards de dépenses de santé par an, sur les 92 milliards de l’ensemble des dépenses hospitalières du pays.
Il est donc indispensable que nous nous exprimions, et exercions une sorte de lobbying auprès des pouvoirs publics en particulier lorsqu’un texte ou un décret nous semblent difficiles à mettre en œuvre. Nous travaillons donc en étroite relation avec les cabinets ministériels pour exprimer notre point de vue, alerter si nécessaire. Nous faisons également la promotion des CHU, en insistant sur notre rôle clé dans la recherche, l’innovation et l’enseignement, et défendons les budgets qui leur sont alloués.
Par ailleurs, l’ingénierie française dans le domaine médical, dans le domaine des biotechnologies… est remarquable, et nous essayons de la promouvoir à l’étranger. Les CHU dans cette optique jouent un rôle économique majeur.
Nous défendons aussi les missions de recours et d’expertise de nos établissements qui seuls réalisent : transplantations, chirurgie cardiaque, hématologie infantile… prise en charge des grands brûlés, des polytraumatisés…
Soins, enseignement, recherche sont des dimensions indissociables qui distinguent nos hôpitaux ; nous y sommes très attachés. Nous oeuvrons aussi pour le travail en réseau des CHU, ce qui suppose une excellente connaissance et convivialité entre les directeurs généraux.
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