L’introduction du prédicat dans les nouveaux programmes de grammaire du cycle 3 divise les professeurs. Si certains ont décidé de résister et de ne pas l’enseigner cette année, d’autres défendent son utilité pour les élèves. Sylvie Plane, vice-présidente du CSP, fait le point sur les critiques et les rumeurs.
Les nouveaux programmes du cycle 3 introduisent la notion controversée de prédicat. Qu’est ce que cette notion et dans quel but a-t-elle été ajoutée ?
La notion de prédicat est à la fois classique et actuelle : elle est classique dans la mesure où elle figure dans la tradition de l’analyse grammaticale depuis des lustres. Mais, elle est aussi actuelle car les linguistes y ont recours.
Elle a été ajoutée dans les programmes parce qu’elle permet de mieux comprendre certains fonctionnements de la langue. Elle concerne en effet la manière dont l’information est organisée au sein d’une phrase. Dans une phrase simple, ou dans une proposition, il y a en général deux groupes distincts : le sujet, c’est-à-dire le thème, ce dont on parle, et le prédicat, qui apporte une information nouvelle à propos de ce thème. Pour des enfants jeunes, comme pour des enfants plus mûrs, il est capital d’avoir les moyens de comprendre ces relations de sens. Elles sont utiles non seulement pour l’analyse des phrases mais aussi pour saisir la manière dont le sens se construit, au-delà de la phrase, dans le texte lui-même.
Certains affirment que les notions de COD et COI ne seront plus enseignées, remplacées par le prédicat et les compléments de phrase. Est-ce le cas ?
Il y a plusieurs niveaux possibles pour analyser une phrase, et chaque niveau d’analyse a une utilité particulière. La notion de prédicat est utile pour les analyses qui portent sur le sens global d’une phrase car pour accéder à ce sens, il faut identifier les grandes structures de la phrase.
D’autres outils d’analyse sont employés afin de répondre à d’autres besoins. Ainsi on va faire appel à la notion de complément pour examiner la composition des différents groupes de mots, avec notamment les compléments du nom, les compléments de l’adjectif, et bien sûr les compléments du verbe. Le complément d’objet n’est rien d’autre qu’un complément du verbe, mais sa dénomination est opaque : contrairement à ce que son nom laisse entendre, le « complément d’objet » ne complète pas « l’objet », il complète le verbe tout simplement. Toutefois le couple de dénominations COD/COI a été conservé dans les programmes du cycle 4, « dans le chapitre « connaître le fonctionnement des chaînes d’accord », car il est traditionnellement employé pour l’étude de l’accord du participe passé.
L’introduction de cette nouvelle notion a déclenché les critiques de beaucoup de parents et d’enseignants qui la jugent inutile, ou estiment qu’il s’agit d’un nivellement par le bas. Comprenez-vous cette polémique ?
Les programmes sont fondés sur des principes très rigoureux. Certains archaïsmes qui rendaient l’analyse grammaticale stérile, qui en faisaient un pur rituel sans profit, ont été toilettés. En revanche l’insistance a été mise sur la compréhension des grands principes, c’est-à-dire sur l’intelligence de la langue.
Il est normal que les enseignants qui sont en train de s’approprier les nouveaux programmes demandent des informations sur des notions qui ne leur étaient pas familières. Mais cette inquiétude légitime a servi de point de départ à la diffusion de discours alarmistes, très souvent de mauvaise foi, qui ont effrayé les parents. Des propos malveillants ont diffusé des rumeurs et propagé l’idée que l’enseignement de la grammaire était anéanti ! Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les parents, puis les enseignants ont craint le pire pour les élèves. Mais il suffit de lire les programmes pour trouver du réconfort et voir que la langue sera toujours enseignée, et que cet enseignement sera efficace et de qualité.
Enfin, sera-t-il possible, avec ces programmes, d’écrire dans une copie « le plafond s’émiettent », comme l’affirme un professeur dans le Parisien ?
La notion de prédicat ne rend pas exact un énoncé qui ne l’est pas ! L’énoncé qui est cité est erroné et le demeure. En revanche, il attire l’attention sur deux points intéressants, le traitement de l’erreur d’une part, et la notion grammaticale de syllepse d’autre part.
L’énoncé cité est donc incorrect, mais il faut toujours s’interroger sur la source de l’erreur si l’on veut faire progresser les élèves. Dans le cas présent, il s’agit à la fois d’une mauvaise compréhension de la notion de pluriel et de celle d’accord. En raison de cette double incompréhension, la finale verbale fautive est probablement issue d’un raisonnement du type « puisqu’il y a plusieurs miettes, c’est un pluriel, donc je mets –ent ». Il faut donc faire prendre conscience à l’élève de son raisonnement erroné et l’entrainer à résoudre correctement les deux problèmes qu’il a rencontrés et traités à sa manière.
Bref : grâce au CSP, nos enfants, qui ne savent déjà pas grand-chose, en sauront encore moins l’an prochain !
Mais quel intérêt d’introduire la notion de « prédicat » si l’on ne l’accompagne pas de celle de « thème » ? Ah ces pédagogistes … Trissotins !
Rebelle pouvez-vous développer votre pensée ?