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Les nouveaux programmes du cycle 3 introduisent la notion controversée de prédicat. Pensez-vous que cette notion (qui s’ « ajoute » à celles déjà enseignées) soit utile pour l’apprentissage de la grammaire ?

Oui. Elle permet de lever une confusion qui persistait entre la nature et la fonction du groupe verbal. Dans la phrase Camille chante, on disait aux élèves que le mot « chante » était un verbe (c’est sa nature ou sa classe), et que sa fonction c’était… d’être un verbe aussi. Comme on n’avait pas de mot pour désigner la fonction du groupe verbal, on utilisait sa nature, ce qui n’était pas très heureux.

De plus, le découpage d’une phrase simple en sujet/prédicat (+compléments de phrase éventuels) permet une analyse rapide et facile de la cohérence de la phrase, en particulier dans la production d’écrits. Ce prédicat nous offre la possibilité d’un niveau d’analyse de la syntaxe plus macroscopique. Ce n’était pas aussi simple quand nous analysions directement les groupes plus petits, notamment les différents compléments de verbe.

Certains enseignants et parents estiment que l’introduction de cette nouvelle notion est un « nivellement par le bas ». Comprenez-vous cette polémique ?

Je comprends que les parents s’inquiètent parce qu’on leur a dit, à tort, que l’enseignement du prédicat remplaçait celui du COD. Il ne le remplace pas, il le précède. Les compléments de verbe sont toujours au programme. D’autre part, on connait maintenant des techniques efficaces pour accorder le participe passé sans utiliser le COD (je pense à la méthode Wilmet, par exemple).

Vous avez vous-même commencé à enseigner le prédicat. A quel niveau enseignez-vous, et comment se sont passées les premières leçons ?

J’enseigne en CM2, et ma collègue de CM1 l’enseigne aussi. Les leçons se sont très bien passées. Le mot prédicat n’est pas plus impressionnant pour les élèves que celui de complément circonstanciel ou déterminant démonstratif. C’est un mot nouveau comme tant d’autres. C’est pour nous, adultes, qu’il est déstabilisant.

Nos élèves isolent d’abord le sujet de la phrase, puis les compléments de phrase (c’est-à-dire les groupes que l’on peut déplacer et supprimer). Toute le reste, c’est le prédicat. En une séance, mes élèves avaient compris. En deux semaines, c’était solide pour tous. Ce n’est vraiment pas difficile à enseigner.

Certains enseignants se disent un peu perdus face aux nouvelles règles de grammaire. Que leur conseilleriez-vous pour les appliquer en classe ?

L’article que vous citez est très partisan. Si nos CM1 ont mis 20 minutes à comprendre le prédicat, il me semble que cela ne devrait poser aucun problème à des titulaires du concours d’enseignant, avec un minimum de bonne volonté (ou alors le niveau a vraiment baissé… chez les profs ! )

C’est vrai qu’on trouve encore peu de « littérature » sur le sujet et que notre hiérarchie n’a jamais brillé par sa capacité à former les enseignants sur ces nouveautés, qu’on sait pourtant sensibles. J’ai fait un article à destination des profs des écoles (ou des non spécialistes). Benoit Wautelet en a fait un autre, peut-être un peu plus technique, qui devrait répondre aux questions des profs de français du collège.