« Ah tu es prof, super tu es en vacances”, “c’est chouette pour une femme, tu peux t’occuper des enfants”… Ces remarques, souvent prononcées sur le ton de la taquinerie, sont le lot quotidien de beaucoup d’enseignants, qui finissent par se sentir rabaissés et souffrent de la méconnaissance de leurs conditions réelles de travail. Après les contre-vérités prononcées par certains politiques dans les débats de la campagne présidentielle, des professeurs ont créé le groupe des 800 000 feignasses pour faire découvrir au grand public ce qu’est vraiment le métier d’enseignant. Présentation avec Julie, professeur des écoles, Laurie, enseignante de lettres modernes, et Mathieu, enseignant de maths et sciences.

Pouvez-vous présenter le groupe des 800 000 feignasses en quelques mots ?

Mathieu : Nous sommes 17 000 enseignants, amis d’enseignants, proches, conjoints, membres de la famille. Nous sommes rassemblés, comme pour nous tenir chaud, comme pour être plus nombreux pour se faire entendre, mais aussi parce que ça fait du bien de partager entre nous un quotidien, des doutes, des joies. Notre objectif à terme est de proposer un support grâce auquel tout le monde peut prendre connaissance d’informations liées à notre métier, à l’implication que cela nécessite, et surtout réinformer les Français quant à la réalité du métier de ces enseignants.

L’action des 800 000 feignasses a débuté avec la création d’un groupe Facebook. Qui a eu l’idée d’ouvrir ce groupe et pour quelles raisons ?

Julie : C’est Kloé Mansk qui a eu l’idée d’ouvrir ce groupe suite au discours de Nicolas Sarkozy qui disait que les enseignants ne travaillaient que 15, 18 ou 24 heures, que nous devrions augmenter notre temps de présence en classe et que nous avions 6 mois de vacances. Elle a créé le groupe pour faire un manifeste.

blog enseignant

Extrait du site 800000feignasses.com

Vous avez ensuite lancé un blog et une page Facebook. Que peut-on y trouver ?

Mathieu : Nous avons rapidement compris que le groupe Facebook “fermé” était une bulle d’oxygène pour nous tous, mais que nous allions rapidement tourner en rond sans projets et moyens de communiquer avec la population entière. Donc nous avons mis en place le site Internet qui comporte pour l’instant un lexique de l’Education nationale et ses acronymes, ainsi qu’un blog qui comporte les témoignages, réflexions, anecdotes issues de notre groupe Facebook. La page Facebook et le compte Twitter sont le reflet du site Internet et de ce qui s’y passe, et donc constituent des passerelles de ce site vers les réseaux sociaux. Julie : Le blog recueille des “tranches de vie” de collègues de tous horizons qui racontent leurs joies, leurs satisfactions professionnelles, pour montrer que nous aimons notre travail et nos élèves, mais aussi pour faire part de nos difficultés dans l’exercice de nos fonctions, pour dire que ce n’est pas toujours les vacances quand on est prof !

Votre initiative est un succès puisque le groupe original compte aujourd’hui plus de 16 000 membres. Pourquoi une telle adhésion des enseignants à votre avis ?

Mathieu : L’existence de ce groupe répond clairement à un besoin social lié à la profession. Au quotidien, les enseignants sont confrontés à des problématiques liées à un manque d’argent, d’investissements au niveau matériel et financier, et donc à tout ce qui peut en découler concernant la surpopulation des classes, les conditions de travail, etc… Ces situations génèrent de la frustration, et les conjoints ou la famille proche des enseignants n’ayant pas nécessairement à tenir le rôle de psy ou d’oreille attentive aux problèmes évoqués ci-dessus, il faut bien se tourner vers quelqu’un… Ce groupe a clairement pris cette direction (entre autres). Les enseignants sont venus y exprimer leurs frustrations, mais également leurs joies, belles surprises et autres victoires du quotidien. Chose compliquée côté syndicats, côté salle des profs, côté famille proche, etc… Julie : Pour finir, les élections présidentielles auront bientôt lieu, on parle de notre profession dans les débats, des discours plus ou moins agréables, qui énervent encore plus les enseignants qui ont envie de se bouger et de faire changer les choses. Laurie : Ce groupe est apolitique et non syndical, et séduit par ce message qui tente d’être objectif et représentatif.

Quel est l’objectif des 800 000 feignasses aujourd’hui ?

Julie : L’objectif est de changer l’opinion publique. Montrer que nous ne sommes pas des feignasses, que nous ne travaillons pas qu’en classe, et que nous faisons un formidable métier.

blog 800 000 feignasses

Extrait du site 800000feignasses.com

Laurie : Le but est d’influer sur l’opinion publique et politique avant les présidentielles afin que notre futur(e) président(e) sache exactement ce qu’est notre métier et connaisse l' »état » du corps enseignant. Nous espérons rétablir la vérité et retrouver un peu de considération, ce qui devrait également redonner un peu d’autorité aux enseignants devant les élèves. On ne peut pas accepter ce mépris car il se traduit par des rapports conflictuels avec les élèves et leurs parents, or tout ceci est contre-productif. Nous n’avons qu’un seul objectif : la réussite de nos élèves. Mais cela doit être un travail d’équipe : parents-enfants-profs-Etat. Mathieu : Clairement notre objectif est de soulager les enseignants en leur proposant une soupape et une interaction directe avec un collègue via notre groupe Facebook. Nous avons également la volonté – et c’était notre volonté première – de rétablir des vérités, de réinformer la population concernant le métier d’enseignant. Pour cela, nous essayons de nous organiser et de mener des temps de travail que nous espérons efficaces et porteurs d’idées nouvelles… Chose compliquée en période scolaire, mais nous ne désespérons pas et quelques projets dans les tuyaux nous font frémir d’impatience…