
Sylvie Bonnet, présidente de l’UPS
Les résultats de l’enquête internationale Timss sur les mathématiques et les sciences ont été rendus publics mardi 29 novembre. Ils décrivent une importante chute des performances en terminale S et de grandes difficultés en primaire. Quelle est votre réaction face à ce constat ?
Ce constat nous l’avions fait et déjà porté devant le ministère depuis la rentrée 2013. Nous ne sommes pas surpris ! Ces résultats, très inquiétants, ne font que corroborer nos propres analyses. Toutefois, ce que je trouve choquant est que nous assistons à un décrochage de la France vis-à-vis des autres pays européens. Là où l’on avait historiquement un rôle de leader, on se retrouve à être dernier du classement…
Les élèves allemands de CM1 ont obtenu un score moyen de 522 points en maths tandis que la France en a récolté 488. Pourquoi un tel écart avec nos voisins européens ?
Les constats ont été faits beaucoup plus tôt de la part de nos voisins européens. Les Allemands, par exemple, ont obtenu de très mauvais résultats lors de l’enquête PISA 2000. Le pays était en dessous de la moyenne de l’OCDE et se retrouvait à la 22ème place sur 32. En très peu de temps, l’Allemagne a adopté avec succès un vaste programme de réformes pour remonter la pente. En Finlande aussi, il y a eu des modifications dans les systèmes d’enseignement qui ont conduit les élèves à améliorer leurs performances. C’est maintenant au tour de la France de s’apercevoir que le bilan est critique et qu’il faut s’en emparer pour apporter des remédiations immédiatement.
Selon Najat Vallaud-Belkacem, le retard de la France serait lié à des professeurs des écoles « trop fragiles en mathématiques« , car ils sont souvent originaires des filières littéraires ou sciences humaines. Que lui répondez-vous ?
Si la ministre pense que le problème soulevé est celui-ci, pourquoi n’y a-t-il pas eu de remédiation plus tôt ? C’est incroyable de voir que le constat est fait, qu’une explication est trouvée et que nous n’essayons pas de résoudre ce problème. Il y a un moyen très simple pour le faire, cela s’appelle la formation ! La France a besoin de rénover les dispositifs de formation initiale et continue pour les enseignants, quels qu’ils soient, à tous les degrés. Certes, la plupart des professeurs des écoles recrutés sont essentiellement issus des filières littéraires, ce constat ne date pas d’hier, mais il est absolument indispensable de leur donner les moyens et les outils nécessaires pour enseigner correctement les bases des mathématiques. Il faut réagir au plus vite !
L’enquête pointe également du doigt la chute importante des résultats en terminale S (près de 100 points en moins en 20 ans). Selon vous, que doit faire la France pour retrouver voire dépasser ses résultats d’il y a 20 ans ?

TIMSS 2015
Il faut que la France se lance dans une rénovation des contenus enseignés et qu’elle réfléchisse à la structure du lycée. Par exemple, constater que la filière S n’est pas une filière de formation scientifique mais plutôt une filière de formation générale car les élèves sont amenés à étudier diverses disciplines. Nous devons aussi voir s’il est possible d’aménager à l’intérieur de cette filière une voie renforcée pour la formation scientifique. Il apparaît, en effet, indispensable d’essayer de donner à tous les élèves de terminale S, qui ont envie de s’engager dans l’enseignement supérieur scientifique, les moyens de réussir. Pour cela, tous doivent avoir la possibilité de bénéficier d’un renforcement en sciences sur les heures d’accompagnement personnalisé, ce qui permettrait d’augmenter leur compétence dans cette discipline. Mais ces heures d’accompagnement personnalisé servent le plus souvent de variables d’ajustement dans la fabrication des emplois du temps et ne contribuent à la formation scientifique que dans certains lycées favorisés, ce qui augmente le caractère inégalitaire de l’Education !

multiplication table as a background. macro © schankz
Quand le ministère affirme que les élèves français seraient parmi ceux qui reçoivent le plus d’heures de mathématiques, vous répondez dans un récent communiqué de presse que « ce calcul de 222 heures dans une année scolaire est faussé ». Pourquoi ?
Oui, le calcul est faussé : il ne représente que très peu d’élèves ! A la rentrée 2013, nous avions fait une courte enquête sur les élèves qui venaient d’entrer en classes préparatoires scientifiques. Ils devaient répondre à une seule question : combien d’heures de mathématiques par semaine avez-vous reçu en terminale ? Les réponses s’étalaient de 6h à 10h. Tous les élèves n’ont donc pas le même temps dédié à cet apprentissage. Le calcul établi par le ministère prend, en effet, en compte les 2 heures de spécialité mathématiques, alors que seuls 20% des élèves de terminale S ont la spécialité mathématiques et que même en se restreignant au public des classes préparatoires scientifiques, ils restent minoritaires. Avec 6 heures de maths par semaine, pour la plupart des élèves en S, on ne peut pas totaliser 222 heures dans une année scolaire, surtout celle du bac ! Et même en admettant que ce soit le cas, ce qui est très contestable, il faudrait en tirer des conclusions drastiques sur les programmes scolaires…
Selon vous, ces résultats inquiétants impactent-ils fortement les classes préparatoires scientifiques, les écoles d’ingénieurs voire les entreprises qui recrutent ces jeunes ?
C’est toute notre inquiétude ! Pour répondre à cette problématique, nous avons justement mis en place une rénovation des programmes de classes préparatoires à la rentrée 2013 afin d’adapter les contenus et les méthodes d’enseignement aux nouveaux profils de bacheliers. Pour cela, nous avons par exemple aménagé un semestre d’adaptation à l’enseignement supérieur. Celui-ci consiste à apprendre aux élèves les méthodes de travail efficaces dans le domaine scientifique. Avec ceci, nos étudiants s’intègrent correctement et ont moins de mal à comprendre l’enseignement supérieur. Les écoles d’ingénieurs sont, elles aussi, en cours d’adaptation de leur cursus. Mais à force d’adaptation, on finit certainement par avoir une perte de compétences… Les entreprises, qui recrutent ces jeunes, s’en inquiètent aussi. Elles se demandent si ces diplômés vont être capables d’assurer des postes à responsabilités.
Concrètement, que demande l’UPS ?
Nous demandons une réflexion et une rénovation des programmes en sciences afin de déboucher le plus rapidement possible à une réforme tout en prenant le temps de bien la construire. Dans l’urgence, l’UPS demande aussi que les heures d’accompagnement personnalisé soient fléchées « sciences » pour tous les élèves de première et terminale S qui souhaitent s’orienter vers l’enseignement supérieur scientifique. Enfin, pour ce qui est des chiffres inquiétants en CM2, il faut absolument mettre en place une formation initiale et une formation continue pour les professeurs des écoles afin de les aider à enseigner au mieux les bases des mathématiques.
Il serait utile maintenant qu’on a entendu la représentante de l’élite (rien de péjoratif!) de donner la parole à un(e) professeur(e) d’école.
Il me semble que la présidente ne connaît pas le fonctionnement des classes S. Malheureusement les heures d’Accompagnement personnalisé sont déjà fléchées scientifiques dans toutes les classes de S.
Malheureusement, non, toutes les heures d’Accompagnement personnalisé ne sont pas fléchées scientifiques dans toutes les classes de S. Les groupes de lobbying du Français et de l’histoire géographie sont très présents.
Au vu des retours sur la filière S, 50% de l’AP de 1S devrait déjà aller obligatoirement à la physique chimie et le reste au mathématique et à la SVT.
Les sciences (Physique Chimie et SVT) devraient avoir le droit d’intervenir davantage en AP de seconde. Pour le primaire, arrêtons de faire enseigner les sciences par des littéraires, qui sont pourtant de bonne volonté.