
François Fillon lors du débat précédant la primaire de droite / Capture YouTube
Les déclarations de François Fillon sur l’Histoire à l’école ont fait bondir les profs et les historiens. Pour rappel, le vainqueur de la primaire de la droite accuse l’inspection générale de l’Éducation nationale, et ses « idéologues », de vouloir passer sous silence le rôle de personnages comme « Clovis, Voltaire et Rousseau ». Pour cette raison, il souhaite une « réécriture » des programmes.
Réécrire les programmes comme un « récit national »
L’ex-ministre de l’Education (2004-2005) avait déjà abordé le sujet des programmes d’histoire lors de sa rentrée politique : selon lui, ils apprennent aux élèves à « avoir honte de leur pays ». Dans un discours prononcé à Sablé-sur-Sarthe, il avait ainsi déclaré : « pourquoi les enfants chinois apprennent-ils par cœur la liste des dynasties qui ont régné sur leur pays durant 3000 ans et expriment-ils leur fierté d’appartenir à une grande civilisation, quand les jeunes Français ignorent des pans de leur Histoire ? »
Concrètement, François Fillon souhaite « réécrire les programmes d’histoire » avec l’idée de « les concevoir comme un récit national ». En outre, pour l’enseignement élémentaire, il prévoit un recentrage sur les « grandes dates » et les « grands personnages de l’histoire de la Nation ». Pour lui, le « récit national » est « une histoire faite d’hommes et de femmes, de symboles, de lieux, de monuments, d’événements qui trouvent un sens dans l’édification progressive de la civilisation singulière de la France ». Pour réécrire les programmes, il souhaite s’entourer de « 3 académiciens », ainsi que d’historiens, sans toutefois les nommer.
Voltaire et Clovis sont bien présents dans les programmes
Selon les enseignants, il s’agit d’une « intox ». Ainsi, sous le hashtag #ReecrisLesManuels, « ChumJetz », prof de collège, indiquait sur Twitter avoir justement terminé récemment de « parler de Voltaire » à ses élèves de 4e.

Le baptême de Clovis par saint Remy / Plaque de reliure en ivoire, Reims/ Musée de Picardie à Amiens / Wikimédia / Licence : domaine public.
Et pour cause : Voltaire est abordé, aux côtés de Rousseau, en classe de 4e, dans le thème « XVIIe siècle, Expansions, Lumières et Révolutions« . Quant à Clovis, ce dernier est cité dans le programme de CM1, dans le thème « et avant la France », dédié à « l’occupation ancienne du territoire ».
Selon Valérie Boyer, porte-parole de François Fillon, interrogée sur BFM TV, le candidat de droite aurait en fait été « mal compris », et sa critique concerne en fait la « structure » du programme. Selon elle, « pour qu’on sache d’où on vient, il faut un minimum de bases, avec un programme simplifié, qui respecte la chronologie ».
Une « méconnaissance profonde » et des « affirmations péremptoires » (APHG)
Dans une tribune publiée sur France info, l’Association des Professeurs d’Histoire-Géographie (APHG) déplore qu’à chaque campagne électorale, « des candidats se penchent avec une dérangeante et inopportune sollicitude sur l’enseignement de l’histoire », avec des « déclarations à l’emporte-pièce » et des « affirmations péremptoires ».
Selon l’APHG, les déclarations de François Fillon sont « d’autant plus malvenues » qu’il n’aurait « jamais lu les programmes ». Et de dénoncer sa « méconnaissance profonde des questions enseignées » et sa « défiance permanente » à l’égard des enseignants.
L’association n’hésite pas à noter « qu’il n’y a que dans les États totalitaires et autoritaires qu’existe une histoire officielle, le plus souvent instrumentalisée à des fins politiques et idéologiques ».
« Apprendre le passé n’est pas le transformer » (APHG)
D’après l’APHG, l’histoire est une « discipline scientifique » : il est exclu de la professer en « déformant les faits ». Pas question d’enseigner une « histoire qui relèverait du roman », car l’historien « s’appuie sur les sources » pour transmettre une « histoire vraie ».
Selon l’APHG, la France est « une construction progressive », pas une « création ex nihilo ». Enseigner son histoire consiste donc à « la relier au contexte général » de chaque période, hors du « seul cadre français ». En outre, pour l’association, « si récit il doit y avoir », il ne peut être que « celui qui prend en compte tous les acteurs de l’histoire, et tous ses aspects », notamment « les heures sombres ». Pour l’APHG, « apprendre le passé n’est pas le transformer », et ainsi, aucun prof d’histoire « n’enseigne une histoire honteuse ».
La conclusion de l’association des profs d’histoire est cinglante : « nous laissons la fiction aux romanciers, en demandant que l’histoire demeure de la compétence des historiens. »
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