
Jean-Luc Taltavull, commissaire de police et secrétaire général adjoint au syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN).
Vous êtes commissaire de police. Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours ?
Au départ, je n’avais pas d’idée précise sur mon orientation. J’ai choisi de faire des études de droit un peu par défaut car j’aimais l’ouverture que cette filière laissait sur les métiers futurs. C’est en faisant du droit que j’ai découvert le droit pénal, une matière qui m’a beaucoup plu de par son intensité humaine et son côté dramatique. Parallèlement à mes études, je faisais bénévolement du secourisme à la Croix Rouge. J’étais donc amené à travailler sur le terrain avec des policiers et des commissaires de police. Ainsi, l’idée de protéger et de venir en aide aux personnes en difficulté s’est renforcée. J’ai rapidement adapté mon cursus universitaire au programme du concours de commissaire de police. J’ai obtenu une maîtrise en droit avant d’aller faire mon service militaire. En rentrant de l’armée, j’ai préparé le concours de commissaire pendant deux ans dans un IEJ. J’ai eu la chance de l’obtenir du premier coup, ce qui m’a ouvert les portes de l’École Nationale Supérieure de la Police.
Justement, quelles sont les épreuves à passer pour intégrer l’ENSP ?
Le concours de l’ENSP se présente en trois phases. Il y a d’abord les épreuves d’admissibilité durant lesquelles les candidats doivent répondre à un questionnaire à choix multiples, à deux épreuves de compositions juridiques, à une épreuve d’un cas pratique et enfin à une épreuve de culture générale. Pour que les candidats puissent accéder à la préadmission, ils doivent avoir obtenu un minimum de 152 points. La préadmission contient deux épreuves d’exercices physiques composées d’un parcours d’habileté motrice et d’un test d’endurance cardio-respiratoire. Les candidats retenus passent alors les épreuves d’admission, dernière phase du concours. Il s’agit de répondre à des tests psychotechniques écrits, à une épreuve de gestion du « stress », à une épreuve de mise en situation individuelle et collective, à une épreuve orale de langue étrangère et enfin à un entretien avec le jury. En cas d’échec, ce concours ne peut être présenté que 3 fois par le candidat.
A l’issue du concours, vous avez intégré l’Ecole Nationale Supérieure de la Police de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Comment s’est déroulée votre scolarité ?

École Nationale Supérieure de la Police. (Licence Creative Commons/Auteur : Jebulon)
La scolarité dure 22 mois à l’Ecole Nationale Supérieure de la Police, alternant cours théoriques et stages pratiques. Au départ, nous apprenions les bases du métier telles que les techniques d’interpellation, l’entraînement au tir ou le cadre juridique de la légitime défense et des droits de l’homme. Et peu à peu, nous sommes projetés dans le réel de notre métier, beaucoup moins caricatural ou spectaculaire que certains pensent, mais j’ai trouvé ça très plaisant ! Les phases en école permettent, quant à elles, de transmettre des savoirs techniques professionnels comme le management d’une équipe ou encore la gestion budgétaire. A l’issue de la formation, nous passons des épreuves débouchant sur un classement pour le choix de notre premier poste et sommes ainsi affectés dans un commissariat.
Concrètement, comment est née cette vocation de devenir commissaire de police ?
J’ai toujours voulu protéger et servir. Souhaitant au départ devenir gardien de la paix, j’ai peu à peu découvert le métier de policier lors de mon activité en tant que secouriste à la Croix Rouge. J’ai pu échanger, discuter et travailler avec eux. Je savais aussi que mon niveau de diplôme était suffisant pour me présenter au concours de commissaire de police. Ma vocation est aussi née de cette dure réalité sociale que j’ai constatée sur le terrain au sein de la Croix Rouge : calmer des conflits, soigner des SDF… Venir en aide aux personnes en difficulté est réellement ce qui m’a motivé à devenir commissaire et c’est d’ailleurs ce qui, aujourd’hui encore, me nourrit.
A vos yeux, quelles sont les qualités essentielles pour exercer ce métier ?
La première qualité commune à tous les policiers est la résistance à la frustration. Nous constatons au quotidien les limites de notre action. Chaque jour, nous faisons face à des situations très compliquées et des scènes horribles sans pour autant avoir le dessus. Nous devons être présents pour éviter que le crime ne gagne mais régulièrement il se manifeste sans que nous trouvions les auteurs de ces actes. C’est difficile à vivre, on le ressent comme un échec. L’empathie est aussi une qualité importante chez un commissaire de police. En effet, c’est un métier que nous exerçons beaucoup mieux quand on aime les gens. Nous sommes en interaction permanente avec des personnes très diverses, il faut savoir leur parler et comprendre leurs émotions. Enfin, il faut aussi être capable de supporter la solitude. On peut bien évidemment s’appuyer sur des équipes, prendre conseil, mais à l’arrivée, c’est au commissaire de trancher et de prendre la décision finale. Même si personne ne nous soutient, il faut trouver la force de continuer et d’imposer son autorité.

© Mat Hayward
Pouvez-vous nous décrire votre journée type ?
Depuis deux ans, je suis au syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). Plutôt que de vous parler de ma journée de syndicaliste qui n’est pas représentative, je vais revenir sur mon poste de commissaire central à Creil. Mon quotidien était de faire le point des affaires de la nuit, de gérer les patrouilles de la ville sur les voies publiques, de s’assurer qu’il y ait assez d’effectifs positionnés le week-end par exemple et de revoir les plannings, de faire des réunions en mairie pour mettre en place de nouvelles actions dans la ville… En tant que chef d’un commissariat, les journées se suivent mais ne se ressemblent pas. Un jour, il pouvait y avoir un meurtre ou un suicide et le lendemain un incendie ou un accident… En cas de problème grave, je pouvais aussi être appelé la nuit pour me rendre sur place. En compensation, j’avais un logement de fonction à Creil afin d’intervenir le plus rapidement possible.
Quels conseils transmettriez-vous à ceux qui veulent devenir commissaire de police ?
Le métier de commissaire recouvre des réalités très différentes d’une direction à l’autre (sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial, CRS, international…).
Qui aime le changement et les challenges peut se construire un parcours de carrière très riche : j’ai pour exemple, depuis ma sortie d’école en 2000, été chef d’un commissariat de petite couronne, puis chef de groupes d’enquêtes au deuxième district de police judiciaire de Paris, puis chef de section à la BRB (Brigade de répression du banditisme), attaché de Police à l’ambassade de France à Berlin, puis commissaire central de Creil, avant de regagner mon poste actuel.
Mais avant de se lancer dans une telle aventure, il faut énormément travailler, le concours de commissaire de police reste élevé. Il ne faut pas trop se faire de films, les commissaires sont présents pour arranger au mieux le quotidien des policiers. Ce n’est pas parce que vous êtes commissaire que vous allez donner des ordres et que tout le monde va être au garde-à-vous. Nous sommes une institution hiérarchisée, où les galons se méritent avec le temps, l’humilité et le travail. Il faut aussi être loyal et sincère dans les rapports que l’on entretient avec nos supérieurs. Enfin, avant de se lancer, vous devez bien réfléchir et ne pas vous tromper de métier : le commissaire est 5% de son temps sur la voie publique pour les cas les plus graves et 95% de son temps en train de gérer le commissariat et les partenaires extérieurs.
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