Alors que plusieurs candidats à la présidentielle, de François Fillon à Jean-Luc Mélenchon, souhaitent un retour du « récit national » pour l’enseignement de l’histoire, deux livres à paraître viennent alimenter ce débat qui divise les historiens.

C’est l’histoire de la France vue d’en bas que privilégie l’historienne Michelle Zancarini-Fournel dans « Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours », à paraître le 1er décembre chez Zones, un label des éditions La Découverte.

Ouvrage collectif sous la direction de Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, l' »Histoire mondiale de la France », à paraître le 12 janvier au Seuil, a l’ambition quant à lui d’écrire une histoire de France (de la grotte Chauvet, 34.000 ans avant notre ère, à 2015) qui réconcilie « l’art du récit et l’exigence critique ».

Le livre de Michelle Zancarini-Fournel, spécialiste d’histoire sociale contemporaine et co-auteure notamment du volume consacré au temps présent dans l’imposante « Histoire de France » publiée chez Belin, rappelle évidemment le best-seller de l’Américain Howard Zinn, « Une histoire populaire des Etats-Unis d’Amérique ». L’historienne explique qu’elle a voulu « écrire l’histoire des +gens de peu+ ». Son récit, engagé mais rigoureux dans la recherche des sources, souvent captivant, fait entendre la voix de « sans-voix » et notamment des femmes.

Le récit commence en 1685, date de l’adoption du Code Noir qui établit pour la première fois le fondement juridique de l’esclavage « à la française ». Cette année-là est également la date de la révocation de l’Edit de Nantes qui exclut les protestants de la communauté nationale.

« Choisir cette date comme point de départ d’une histoire de la France moderne et contemporaine, c’est vouloir décentrer le regard, affirmer l’intérêt pour les vies de femmes et d’hommes +sans nom+, pour les minorités religieuses et de couleur et pas seulement pour les puissants et les vainqueurs », explique-t-elle. Son livre accorde une large place aux colonisés et aux migrants qui « ont façonné ce pays ».

L' »Histoire mondiale de la France » se veut chronologique. Chacun des 146 chapitres correspond à une date de l’histoire de France. Ainsi on n’échappe pas à 1515, date longtemps connue par tous les écoliers de France. Mais le récit, toujours accessible, qui l’accompagne n’est pas forcément celui que l’on attend.

Les 122 auteurs « ont accepté de se délester du lourd équipement théorique faisant l’ordinaire des expéditions académiques », explique Patrick Boucheron. La consigne était d' »écrire sans notes et sans remords une histoire vivante (…) en ne cédant rien aux rigueurs de notre métier ».

Il s’agit, souligne Patrick Boucheron, de défendre « une conception pluraliste de l’histoire contre le rétrécissement identitaire qui domine aujourd’hui le débat public ».

A sa manière, cet ouvrage collectif est aussi une oeuvre militante qui refuse « de céder aux crispations réactionnaires l’objet +histoire de France+ et de leur concéder le monopole des narrations entraînantes ».