
Mauro Dell’Ambrogio, Secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation © SBFI
Un modèle qui a bien du mal à prendre en France, même si Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation nationale, espère revoir la transition entre le lycée et l’enseignement supérieur et mettre notamment l’accent sur l’apprentissage : « On pourrait multiplier les contacts avec le monde professionnel au lycée, y compris dans la voie générale. On le voit bien dans le supérieur, l’apprentissage répond aux aspirations d’un nombre toujours croissant de jeunes ». Mais ce modèle est-il compatible avec la France ? Réponse et entretien avec Mauro Dell’Ambrogio.
Pouvez-nous nous présenter le système de l’alternance en Suisse, présenté comme un exemple pour les autres pays ?
À l’âge de 15 ans, 70% des jeunes continuent l’école à temps partiel et suivent la majeure partie du temps un apprentissage en entreprise. Celui-ci est surveillé par l’État, mais les objectifs sont de découvrir l’organisation du monde du travail. Le diplôme après 4 ans permet, à certaines conditions, l’accès à l’université, mais la grande majorité continue à travailler. À travers des cours et des examens après une expérience pluriannuelle, les étudiants peuvent atteindre des titres professionnels équivalents aux titres universitaires préférés par le marché du travail et mieux payés. Le PDG de la plus grande banque suisse mais aussi des ministres ont suivi ce parcours.
Pourquoi une telle importance est-elle accordée à l’alternance, ou formation duale, dans votre pays ?
C’est la tradition depuis l’Ancien Régime. La Suisse n’a jamais eu d’Education Nationale. Celle-ci a toujours été l’affaire exclusive de Cantons, pour raison de langues et religions différentes. L’état fédéral a au contraire réglé l’accès aux professions, en coopération avec les organisations du monde du travail, sans s’occuper des écoles.
Quels sont les avantages de cette formation ?
Le savoir-faire est transmis par des professionnels. Clients et collègues sont réels et permettent de développer des attitudes utiles au travail. L’offre d’apprentissage reflète la typologie d’offre d’un travail futur : en tenir compte à 15 ans et s’adapter c’est plus facile qu’après. À cet âge l’apprenti vit chez ses parents et son coût (environ 15-30% du salaire d’un professionnel) est supportable pour les entreprises, en rapport avec le rendement, sans charge pour l’État. Les bons professionnels avec des aptitudes pédagogiques ne sont pas volés aux entreprises pour en faire des enseignants. On peut devenir un spécialiste très qualifié sans avoir été calé dans les disciplines abstraites demandées à l’école. Les universités ne sont pas de masse et gardent une haute qualité. La mobilité d’une couche sociale à l’autre entre générations est plus élevée qu’avec n’importe quel autre système de formation au monde.
Y a-t-il un lien entre cette formation en alternance et le fait que la Suisse garde l’un des taux de chômage les plus bas d’Europe (3,2% en octobre 2016) ?
Oui, bien sûr, mais il est difficile de déterminer en quelle mesure, d’autres conditions y contribuent aussi, par exemple la faible réglementation du marché du travail.
Ce système est-il compatible avec d’autres pays et notamment la France ?
Des transformations culturelles importantes seraient nécessaires. Dans les familles, celles de haute couche sociale avant tout, il ne faut pas considérer le parcours académique seul digne pour leurs enfants. Dans les entreprises, qui doivent assumer pleinement la tâche de former la relève, sans l’aide de l’État. Et au niveau de l’État, pour le prestige et l’accès aux carrières qu’il peut déterminer. La transformation serait douloureuse : des milliers de postes d’enseignants dans les lycées professionnels deviendraient superflus. Beaucoup de pays manifestent un vif intérêt pour notre système, mais il n’est plus ou moins en place que dans les pays germanophones.
Intéressant article qui reflet, comme il est dit, la situation dans les pays germanophones. Il y a des des petites différences envers la Suisse; par exemple qu’il faut après une formation duale et quelques années de travail l’aquisation du titre « Maitre » pour avoir l’accès au universités.