confiance-education-autoritePour son numéro 72 d’octobre 2016, la Revue internationale d’éducation de Sèvres éditée par le CIEP s’intéresse à la confiance – dans les classes, dans les établissements, et dans le système éducatif en général.

« Pas d’éducation sans confiance, pas d’autorité dans confiance non plus… mais cette évidence semble avoir été oubliée, partout dans le monde, et pas qu’en France », remarque Laurence Cornu, professeure des Universités en Sciences de l’éducation à l’Université Rabelais de Tours, qui a coordonné le numéro.

La Revue de Sèvres propose ainsi d’observer « la place et les formes de la confiance » dans 10 pays, aux contextes très variés : l’Angleterre, le Bénin, le Brésil, le Cambodge, le Chili, Djibouti, la Finlande, la Nouvelle-Zélande, le Portugal… et la France.

« A quoi tient la confiance dans les classes, relationnelle dans la classe (entre profs et élèves), et institutionnelle (entre profs et institution) ? Comment la soutenir, quand crise de l’éducation et crise de la confiance semblent aller de pair ? », s’interroge Laurence Cornu.

Autonomie, responsabilités, pour un « bonheur d’aller à l’école »

Au Portugal, Adalberto Dias de Carvalho, professeur de philosophie à l’Université de Porto, décrit une éducation qui « rend les élèves autonomes et coopératifs entre eux », avec l’apprentissage de « formes de confiance ».

Pour permettre la confiance, l’idée est ainsi de favoriser « l’ouverture aux autres », à travers la « travail par projet », le mouvement de « l’Escola cultural » (qui défend, depuis 1990, l’idée d’une école conçue « comme une organisation pédagogique centrée sur la personne de l’élève en tant que personne autonome »), ou encore des expérimentations proches de la pédagogie Freinet, comme c’est le cas à l’Escola da Ponte, près de Porto, où les élèves sont « autonomes et responsables », dans le cadre d’un « contrat pédagogique ».

Un article de la Revue de Sèvres décrit aussi des méthodes de « pédagogie coopérative » mises en place en Nouvelle-Zélande, destinées à favoriser l’interdisciplinarité et les heures de projet.

Teacher with students in class using digital tablet © goodluz

Teacher with students in class using digital tablet © goodluz

Finlande : pas d’inspection ou d’évaluations « à fort enjeu »

En Finlande, des chercheurs de l’Université d’Helsinki montrent de leur côté comment « la confiance, dans sa philosophie et sa culture, se manifeste », à travers la formation des enseignants, l’information aux parents (avec un véritable « partenariat », pour développer un véritable « bonheur d’aller à l’école ».

En outre, en Finlande, où le climat scolaire et la confiance sont la clé du système éducatif, pas de système d’inspection ou « d’évaluation à fort enjeu » – contrairement au Royaume-Uni, qui fait justement l’objet d’un article de Peter Kelly, chercheur en sciences de l’éducation à l’Université de Plymouth. L’enseignant décrit, en Angleterre, une « évaluation systématique des établissements, des enseignants et des élèves, qui pèse tellement, que le temps des apprentissages est négligé, et que la confiance de l’enfant dans les conditions d’apprentissage s’est perdue », indique Laurence Cornu.

Expérience scolaire et confiance sociale en France

Reste un article sur la confiance dans le système éducatif français, rédigé par Denis Meuret, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Bourgogne. Il s’y interroge sur « les raisons que l’on peut trouver à l’importance de la défiance », à la fois dans l’école, et dans la société française, et avance l’idée selon laquelle « l’expérience scolaire détermine, partiellement, la confiance sociale ».

Selon Denis Meuret, l’expérience scolaire peut « favoriser la confiance au sein de l’école », quand celle-ci crée un climat propice : réduction des violences, « sentiment d’être traité avec justice », institution faisant confiance à ses professeurs, professeurs faisant confiance à ses élèves. Ensuite, pour préparer l’élève à « interagir dans un monde où la confiance est souhaitable à cause de ses bons effets collectifs, en même temps qu’il est souhaitable de ne pas faire confiance indûment », l’expérience scolaire doit impérativement « éduquer à la confiance ».

« Éduquer à la confiance »

Ainsi, l’école doit-elle envoyer « 3 messages » à l’élève : « le monde n’est pas parfait ; il vaut mieux faire confiance ; il faut accorder sa confiance à bon escient ». Denis Meuret constate enfin que les acteurs et les partenaires de l’école se font « moins confiance » en France que dans des pays « proposant un autre modèle d’école ».

« L’idée centrale soulevée dans la revue est qu’il n’y a pas d’éducation sans une mise en confiance des élèves », explique Laurence Cornu. L’enseignante fait notamment référence à un article portant sur l’éducation au Bénin, pays marqué par une « crise de formation des enseignants », et où la relation maître-élève (du primaire jusqu’à l’université) se caractérise par un « rapport de pouvoir » envisagé souvent comme un « rapport d’autorité », avec « trop d’abus d’autorité » – ce qui « met en péril le système éducatif », remarque-t-elle.

Pour la professeure en Sciences de l’éducation, « la France a de nombreux exemples inspirants sous les yeux, en Finlande et au Portugal par exemple, et elle a tout intérêt à penser à mettre en place de nouvelles formes de confiance organisationnelle (entre acteurs de l’institution), ainsi qu’à développer le dialogue avec les parents ». En plus de renforcer, en classe, la confiance professeur-élève et élève-professeur.