Bruno Le Maire Eddy Duluc

Bruno Le Maire © Eddy Duluc

Selon vous, comment se porte actuellement l’Éducation en France ?

Ce n’est pas une éducation pour tous les enfants : la moitié d’entre eux en sort sans les connaissances fondamentales pour progresser dans la vie. La réalité de notre système éducatif est qu’il n’apprend plus à nos enfants à lire, à écrire et à compter correctement et qu’après avoir ainsi échoué, il les oriente vers des voies de garage. Au lieu d’éduquer et de former, nous trions et nous éliminons, cela ne peut pas continuer comme cela. C’est pour cela que je fais de l’éducation la priorité absolue de mon contrat présidentiel pour la France.

L’un des points de votre « contrat présidentiel » est intitulé « Révolutionner l’éducation. » Pensez-vous qu’il soit nécessaire de réformer à nouveau notre système éducatif ?

Notre école est la condition de nos succès futurs. Elle ne peut être celle du déterminisme social et géographique comme actuellement. Sous couvert d’égalité, le gouvernement, au lieu de chercher à élever le niveau l’abaisse, affaiblissant durablement le pilier de notre République qu’est la méritocratie.

L’heure est à la révolution complète du système pour que l’école renoue avec sa mission première : assurer l’enseignement des fondamentaux, transmettre notre culture et préparer à la vie professionnelle. Je ne propose pas de réformer, je propose de repenser totalement notre système afin qu’au lieu de se fixer comme objectif 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, nous visions 100% d’une classe d’âge avec un emploi.

En quoi consiste cette « révolution » ?

La religion de notre éducation ne doit plus être celle du diplôme mais celle de la réussite et du travail !

Pour y parvenir, la priorité absolue c’est la maîtrise de la langue française en primaire. Il est inadmissible qu’un enfant puisse en sortir avec seulement 400 mots de vocabulaire alors qu’un autre en possède 1200. Cette inégalité est impossible à rattraper après. C’est pour cela que je veux remettre quinze heures d’enseignement du français au lieu de dix actuellement.

Je veux mettre fin au collège unique qui élimine pour le remplacer par un collège diversifié qui valorise le talent des enfants. Aux côtés des 18 heures hebdomadaires d’enseignements obligatoires des fondamentaux, je veux laisser aux chefs d’établissement la liberté de choisir parmi les 8 heures de cours d’enseignements diversifiés, les matières ouvrant sur des voies professionnelles que les élèves pourront choisir librement. Il faut introduire à l’école le droit d’essayer, le droit de se tromper et le droit de repartir vers une autre voie. Persuadé que l’intelligence de la main vaut celle de l’esprit, je veux profondément revaloriser l’enseignement professionnel dans notre pays en créant des écoles des métiers placées sous la direction des régions avec la participation des entreprises.

Enfin, je veux que le lycée devienne un lycée du libre choix sur un modèle plus proche de l’université pour se spécialiser progressivement et faire du lycéen un véritable acteur de son orientation.

Cette révolution ne se fera pas sans les enseignants et sans revaloriser leur métier avec une gestion de carrière plus motivante et plus juste, leur rémunération en contrepartie d’une augmentation du temps de cours et leur formation tout au long de leur carrière.

Selon vous, les pédagogies innovantes (comme par exemple la classe inversée) ainsi que le numérique sont-ils l’avenir de l’éducation ?

La gouvernance de notre système éducatif, trop centralisée et rigide, empêche écoles et établissement de mener des projets innovants et adaptés à leur situation particulière. L’inflation réglementaire issue du ministère de l’Education nationale crée la défiance des acteurs de terrain.

Je propose donc de recentrer le ministère sur ses fonctions stratégiques de pilotage en assignant des objectifs de résultats aux différents rectorats et de créer une logique de partenariat avec les établissements de terrain par le biais de contrats à chaque niveau.

Je veux des établissements généraux, plus autonomes dans leur recrutement, dans l’évaluation de leurs personnels, dans la définition de leurs méthodes pédagogiques, qui resteront évaluées au final par le ministère.

Le pédagogisme est l’ennemi de la pédagogie, c’est pour cela que dans le primaire nous devons revenir à des méthodes d’apprentissage plus systématiques avec la mémorisation et la répétition. Plus généralement, l’organisation de la formation des professeurs sera revue pour lutter contre les dogmatismes comme la méthode globale en lecture.

Par essence, mon projet est ouvert aux méthodes nouvelles et prometteuses mais je serai inflexible face à la montée des communautarismes notamment dans les établissements hors contrat.

Le budget de l’éducation nationale va augmenter de 2,15 milliards d’euros en 2017. Pensez-vous que ce ministère soit doté de suffisamment de moyens?

C’est à la fois une manœuvre politicienne grossière et l’illustration d’une philosophie où l’argent public est considéré comme le remède à tout. Or cette dernière a montré ses limites depuis les 30 dernières années.

Augmenter le budget d’un ministère n’a jamais permis à un élève de mieux savoir parler français, à un chômeur de retrouver un travail ou à une entreprise de remplir son carnet de commandes. Pour relever la France, il est impératif que nous rompions définitivement avec cette manière de penser et de faire.

Concernant l’Education Nationale qui est, avec 146 milliards d’euros soit 7760 € par élève , le premier budget de l’Etat avec des résultats plus que décevants, la question des moyens est presque indécente. La véritable question est celle de la philosophie de ce ministère dont découle l’allocation de moyens colossaux. Veut-on 80% d’une classe d’âge avec le baccalauréat ou veut-on 100% de cette même classe d’âge avec un emploi ? L’essentiel est-il le diplôme ou l’adéquation de la formation dispensée avec le marché du travail ? Mon choix est clair, je veux une éducation nationale qui donne les armes nécessaires aux enfants de France pour s’élever socialement grâce au travail, il est grand temps que l’école fasse redémarrer l’ascenseur social dans notre pays.