
© Collectif Touche pas à ma Zep @tpamz
Nicolas Kemoun, pouvez-vous nous parler de votre mouvement ?
En avril 2016, Najat Vallaud-Belkacem déclarait dans une réponse à une question du député Sébastien Pietrasanta (PS) que « la refonte de l’éducation prioritaire que nous avons engagée est axée sur la scolarité obligatoire : l’école et le collège », sous-entendant que les lycées n’en faisaient plus partie. La première action pour dénoncer cette sortie des lycées de l’éducation prioritaire a été l’organisation en juin 2016 d’une Garden Party de l’éducation prioritaire devant le ministère avec l’idée que si nous ne sommes plus pauvres, c’est que nous sommes devenus riches ! Nous avions alors symboliquement rendu des moyens au ministère (vieux ordinateurs, filets de volley-ball, mappemonde, manuels, etc.) Par la suite, nous avons rédigé en juin 2016 un appel aux autres lycées pour qu’ils rejoignent le mouvement. Au 1er septembre, l’appel n’était signé que par 3 établissements. Actuellement, 57 lycées sont signataires de l’appel. Les principales organisations syndicales le soutiennent : CGT et SUD au niveau national, FO et la FSU au niveau académique. Le mouvement continue donc de se propager et de nouvelles actions seront organisées très prochainement.
Quelles sont vos demandes auprès du gouvernement ?
Nous demandons la reconnaissance du caractère particulier de nos établissements et de la nécessité de leur garantir les moyens nécessaires pour la réussite de nos élèves. Par ailleurs, ces établissements ne peuvent fonctionner qu’à partir d’équipes enseignantes expérimentées. Pour assurer la stabilité des équipes, nous demandons que soient maintenues les indemnités et compensations spécifiques qui sont liées à l’exercice dans les établissements éducation prioritaire. Nous demandons donc la mise en place d’un statut et d’une carte élargie de l’éducation prioritaire pour les lycées avec la garantie d’effectifs limités significativement, des moyens supplémentaires pour dédoubler et encadrer davantage les élèves.
Le communiqué de presse du ministère du 30 septembre a été considéré comme quasiment injurieux par les enseignants mobilisés. D’une part, en évoquant une « clause de sauvegarde » prolongée de deux ans, il revient à signer l’acte de décès de l’éducation prioritaire en lycée. D’autre part, la seule réponse concerne la prolongation d’une prime, alors que la raison d’être du mouvement est d’obtenir des moyens nécessaires pour faire réussir nos élèves. Et là-dessus, aucune réponse n’a été apportée.
Pour l’instant, la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem ne vous a toujours pas reçus. Quel message voudriez-vous lui faire passer ?
La ministre devrait mettre en cohérence ses discours et ses actes. Ce gouvernement prétendait « faire de la jeunesse une priorité », « lutter contre l’apartheid social et territorial ». Il est totalement incompréhensible que le même gouvernement puisse aujourd’hui décider de faire sortir tous les lycées de l’éducation prioritaire. La difficulté scolaire s’arrête-t-elle par magie à 15 ans ? C’est vraiment absurde. Comment imaginer que les élèves qui ont été scolarisés en primaire et au collège en éducation prioritaire, n’aient plus besoin d’être soutenus en arrivant au lycée, au moment même où ils vont obtenir une première qualification avec le baccalauréat ? Le parcours au lycée est un moment crucial de leur scolarité puisqu’il va déterminer leur orientation dans l’enseignement supérieur. Dans certains établissements mobilisés et membres du collectif, les classes de seconde sont à 38 élèves. Est-ce ainsi qu’on lutte contre le décrochage scolaire ? Est-ce cela la traduction de « la priorité à la jeunesse » ?
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Au moment de la réforme de la carte de l’éducation prioritaire au collège, le ministère avait promis de publier par la suite une liste de lycées. Cette liste a été sans cesse repoussée. Le ministère espérait peut-être acter la sortie des lycées de l’éducation prioritaire sans avoir à communiquer dessus, sans même d’annonce officielle. Aujourd’hui, c’est vraiment raté, puisque le mouvement est national !
En quoi la présence des lycées dans les ZEP est-elle primordiale ?
Nous enseignons dans des établissements sensibles, accueillant une majorité d’élèves issus de milieux populaires. Pour prendre l’exemple de mon lycée, le lycée Guy de Maupassant de Colombes, 69% de nos élèves sont issus de milieux défavorisés (chiffres du ministère). Nos élèves ont besoin de travailler avec des effectifs réduits dans les classes, ils ont besoin de nombreux cours en demi-groupe pour que nous puissions leur apporter l’aide méthodologique nécessaire, ils ont besoin de projets et de dispositifs de soutien divers. Il est donc nécessaire de maintenir les lycées dans l’éducation prioritaire et de leur accorder des moyens supplémentaires liés à ce statut. Jusqu’à aujourd’hui – et ce même si les moyens n’ont cessé d’être rognés ces dernières années – nos lycées parviennent à jouer leur rôle. Certains lycées classés en éducation prioritaire parviennent à des taux de réussite au baccalauréat tout à fait honorables. Mais cela demande des effectifs limités par classe et des équipes expérimentées. C’est tout cet équilibre que la sortie des lycées de l’éducation prioritaire, annoncée par le ministère, va remettre en cause.
Le mouvement continuera-t-il tant que vous n’aurez pas de garanties sur les lycées ?
Oui, le mouvement est encore en construction et il prend de l’ampleur. Il y a encore un potentiel important pour étendre le mouvement à de nouvelles académies. Nous continuerons tant que nous n’aurons pas de réponse sur la publication d’une liste des lycées en éducation prioritaire avec les moyens garantis qui vont avec.
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