Cours d'allemand par Stephan Toscani, représentant politique du Land de la Sarre, aux élèves bilangue du collège de Vernon / Photo de @philippe_gustin sur Twitter

Cours d’allemand par Stephan Toscani, représentant politique du Land de la Sarre, aux élèves bilangue du collège de Vernon / Photo de @philippe_gustin sur Twitter

Combien de collégiens apprennent l’allemand depuis la rentrée ? Alors que l’objectif du ministère de l’Education nationale était pour la rentrée d’avoir 30.000 élèves de plus apprenant l’allemand au collège grâce à sa réforme, selon une enquête de l’Adeaf (l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France), qui a menée cet été, il y aurait 8 % d’élèves germanistes en moins cette année.

D’après l’association, les élèves de 6e seraient 31% de moins à apprendre l’allemand. En cause : la fin des classes bilangues, amorcée dans le cadre de la réforme du collège. Selon l’Adeaf, dans l’académie de Lyon, la disparition de 66% de ces classes a « fait chuter le nombre de germanistes en 6e de 62% ».

« Les engagements sont tenus » pour le ministère

Mais au ministère de l’Education Nationale, le son de cloche est tout autre. Radicalement différent. Selon un communiqué de Najat Vallaud-Belkacem, les « engagements sont tenus » : ainsi, à la rentrée 2016, le nombre de collégiens apprenant l’allemand est … « en augmentation » de 6% par rapport à 2015. « Une progression historique », n’hésite pas à écrire la ministre, avec un nombre d’élèves germanistes dépassant même l’objectif fixé à 515 000 pour s’établir à 516 869 collégiens.

sprechen sie deutsch - Deutsche Sprache lernen © gguy

sprechen sie deutsch – Deutsche Sprache lernen © gguy

« Au total, 15,6% des collégiens apprennent l’allemand à la rentrée 2016, contre 14,5% à la rentrée 2012″, note le ministère. Qui attribue cette augmentation de la part d’élèves étudiant l’allemand à « l’avancement de la LV2 de la 4e à la 5e », qui entraîne aussi la suppression des classes bilangues.

Selon l’Education nationale, les « estimations » avancées par l’Adeaf seraient donc « erronées ». Et les « bons chiffres » dévoilés par le ministères devraient même l’être encore plus à l’avenir « grâce aux efforts réalisés dans le primaire, puisque la même politique active a conduit à offrir dans 1000 écoles supplémentaires l’apprentissage de l’allemand ».

« On peut s’en réjouir, mais avec mesure »

Face à cette déclaration officielle, l’Adeaf se montre circonspecte. L’association, qui devrait publier demain un communiqué, se montre ainsi « sceptique, non pas envers les chiffres du ministère, mais envers leur interprétation » et le sens qui leur est donné.

« Notre enquête n’est pas une estimation, et elle n’est pas erronée : il s’agit de résultats collectés dans 370 collèges. Ces résultats-là, que nous avons publiés, sont inquiétants », indique Thérèse Clerc, présidente de l’Adeaf.

Ces résultats, loin des +6% avancés par le ministère, sont-ils représentatifs de ce qui se passe dans l’ensemble des collèges français ? « S’ils ne le sont pas, on peut s’en réjouir, mais avec mesure », explique Thérèse Clerc.

Si Najat Vallaud-Belkacem explique cette augmentation par les résultats de sa politique de promotion de l’allemand… l‘Adeaf l’explique d’une façon « beaucoup plus prosaïque », par le fait que cette année, « il y a deux classes d’âges, qui commencent la LV2, en 5e et en 4e ». Le nombre d’élèves débutant une LV2 « augmentant de façon sensible, il est normal que l’allemand en bénéficie aussi », note la présidente de l’association. Selon elle, « si les résultats de notre enquête nous sont parus inquiétants, c’est parce qu’il y avait bien une hausse en 5e, mais il n’y avait pas de hausse globale ».

examen au college

© Drivepix – Fotolia

Des « creux » dans les chiffres donnés

Thérèse Clerc remarque des « creux » dans la communication ministérielle : « il n’y a pas d’éléments de comparaison en 4e (une classe où les élèves choisissaient jusqu’ici une LV2), par exemple : on ne sait pas s’ils ont plus ou moins choisi l’allemand ».

Ainsi, dans son communiqué, Najat Vallaud-Belkacem note que « 17,5% des élèves de 4 e apprenaient l’allemand en 2015, et qu’ils sont 18,9% des élèves de 5 e à le faire en 2016″… sans donner les chiffres des 4e de cette année.

Si les chiffres sont globaux, le ministère ne donne en outre, aucun chiffre sur les 6e : si l’Adeaf « se doute bien qu’il y a forcément une diminution, puisqu’il y a eu la fermeture d’un tiers des classes bilangues, on ne connaît pas la mesure, le nombre d’élèves impactés, ni à quel endroit », remarque Thérèse Clerc. « J’imagine que les chiffres qui ne sont pas donnés ne sont pas bons, tout comme ceux des 4e de cette année », présume-t-elle.

Pour la présidente de l’Adeaf, « ce focus sur les effectifs occulte la question » délicate des heures dévolues à l’apprentissage de l’allemand, qui sont en baisse : « c’est quand même paradoxal de voir qu’on a besoin de moins de profs d’allemands à cette rentrée, alors que le nombre d’élèves augmente un peu  ! »

En outre, +6% de collégiens germanistes, « c’est finalement peu, puisque cela représente juste 60.000 élèves de plus », note Thérèse Clerc.

« Il nous manque une vue d’ensemble sur tous les chiffres, afin de les mettre en perspective… et surtout, il n’y a pas mention, de cette situation exceptionnelle, pour cette rentrée scolaire, avec une classe d’âge supplémentaire qui va commencer une LV2. Une augmentation du nombre d’élèves pour toutes les langues, qui quand elle sera dévoilée, relativisera bien sûr l’importance de l’augmentation pour l’allemand », conclut-elle.