
Jeanny Prat, membre de l’APLV chargée des questions du primaire et de la formation des enseignants
Dans le cadre des réformes de cette rentrée, le ministère de l’Education nationale a instauré la mise en place d’un enseignement d’une langue vivante dès le CP. Qu’en pensez-vous, n’est-ce pas, selon vous, un peu trop tôt ?
Ce n’est pas la première fois que la France essaye d’avancer l’âge du début d’apprentissage d’une langue vivante (LV) depuis la mise en place en primaire en 1989. Peu avant l’intégration dans les programmes (2002), il y a eu l’idée d’un « éveil aux langues » en cycle 2 suivi de l’apprentissage de la première LV au cycle 3. C’est finalement l’apprentissage d’une LV dès la grande section de maternelle qui a été choisi. Il devait, par remontée progressive d’année en année, débuter à la rentrée 2005. Mais il y a eu un changement d’ordre politique et cela a été annulé.
Aujourd’hui, les nouveaux programmes introduisent « l’éveil à la diversité linguistique » à partir de la moyenne section (2015), et ceux pour l’élémentaire (2016) ont fixé l’apprentissage de la première LV à partir du CP. Or, il faudrait poursuivre l’éducation plurilingue-pluriculturelle en CP. Ces nouveaux programmes le permettent, mais il faut former les enseignants à cela. Dans beaucoup d’endroits, en CE1 ou en CE2, la séance de LV se limite à quelques jeux lexicaux (loto,…) ou à entendre puis chanter une chanson, ce qui ne rend pas capable de parler ensuite. Et lorsqu’on n’a pas eu le temps de finir une séance de français ou de maths (ou autre discipline), c’est celle de LV qui disparaît…
Pensez-vous que les professeurs des écoles sont bien formés pour cela ?
Non, vraiment pas. Que ce soit pour le CP ou pour les autres niveaux d’enseignement, le problème reste le même. Il n’y a quasiment plus de formation initiale pour enseigner une langue-culture étrangère (LCE) en ESPE depuis le nouveau concours des professeurs des écoles en avril 2013. Ce champ disciplinaire, présent dans les programmes de primaire depuis 2002, est absent de la liste des disciplines au choix lors de la première épreuve orale d’admission.
A vrai dire, qui s’est réellement préoccupé de regarder de près de quoi a besoin un PE pour être capable d’enseigner une LCE ? Il y a confusion : « Enseigner une langue étrangère » est un raccourci malheureux, il s’agit en réalité d’ « enseigner à communiquer dans une langue autre que la sienne ». Les PE ont donc bien besoin d’un apprentissage professionnel (et non langagier ou linguistique). Il suffirait que le ministère intègre la LCE au concours pour que les maquettes académiques du master MEEF PE changent.
Bien sûr, il y a toujours quelques PE (titulaires ou stagiaires) avec une « intelligence professionnelle » qui vont essayer d’enrouler une progression en spirale, de faire autrement pour « apprendre du vocabulaire », qui auront compris que les pratiques pour le développement du français en cycle 1 peuvent être utilisées pour l’apprentissage d’une LV, mais il semble bien que cela reste à la marge. La formation continue est exsangue, et le ministère pousse à la « formation à distance » avec sa plateforme M@gistère. Mais on ne peut pas se former professionnellement tout seul devant son ordi… et quand il y a des formations en présentiel, leur volume est très faible (3 ou 6 heures).
Quelles langues seront enseignées, et finalement, est-ce que ce ne sera pas que l’anglais ?
Oui, très certainement, mais cela va dépendre des académies. Dans la plupart des académies, l’anglais domine fortement. Mais le fait d’avoir avancé l’enseignement d’une deuxième LV en 5ème devrait engendrer dans les années à venir le retour en primaire de l’allemand, ou d’une autre LV – à condition que cette LV puisse bien être poursuivie à l’entrée en 6ème…
Le fait d’avoir une matière supplémentaire ne risque-t-elle pas de fatiguer les élèves ?
Non, car l’emploi du temps n’est pas plus chargé, il est juste organisé autrement.

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Que vont apprendre les enfants en CP en langue étrangère ?
Au fil des changements de programmes et des nouveaux textes officiels pour les LV, il y a malgré tout des choses qui n’ont pas changé depuis 25 ans : apprendre à entendre, à percevoir et à reconnaître les différences entre les sons, discriminer puis segmenter pour ensuite réutiliser en production orale, ne pas introduire l’écrit trop vite, etc. C’est un peu la même chose que la conduite des apprentissages du français en maternelle.
Donc concrètement, ce sont ces compétences-là qui seront attendues en fin de CP, et plus généralement, à la fin du cycle 2 ?
Normalement, les compétences doivent progresser régulièrement au fur et à mesure des années. Lorsque nous regardons les programmes actuels, le mythe du bilinguisme (plus tôt on commence, plus tôt on sera bilingue) transparaît par rapport à ce qui est attendu en fin de primaire. Il faudrait déjà pouvoir former convenablement les futurs PE en ESPE mais aussi les titulaires pour assurer un bon apprentissage aux élèves.
Faut-il vraiment former les professeurs des écoles ? Non car ils le sont déjà de part le cursus suivi et Il est plus facile d’enseigner une langue que les maths par exemple. L’anglais est une langue facile que tous apprennent au lycée et en fac, ils sont déjà formés car ils ont le bac. Le niveau B2 du bac est exigé, par exemple, pour la certification des professeurs d’histoire-géographie pour enseigner la DNL en lycée en classes européennes si ça suffit en lycée alors en maternelle cela devrait suffire aussi, tous les professeurs des écoles ont le niveau B2 s’il ont étudié l’anglais LV1 pour le bac. L’anglais est une lange facile à apprendre (pas de conjugaison, pas de déclinaison etc.) et facile à enseigner, je pense que tout professeur des écoles peut enseigner l’anglais sans coûter plus cher au contribuable (pas besoin de formation ni d’intervenants extérieurs) les cours en ligne sur eduscol devraient rassurer les plus timides. Quant aux autres langues, le conseil de l’Europe semble penser que seul l’anglais est nécessaire car si l’on regarde la réalité du monde économique, le monde des affaires utilise surtout l’anglais. SI les parents veulent que leurs enfants apprennent d’autres langues, il y a les organismes privés, chacun pouvant répondre à ses besoins sans impacter la dette publique qui est déjà bien trop importante. L’offre et la mise en place d’organismes privés pour la formation des langues pourrait générer des emplois, c’est le cas en Espagne où les cours se terminent avant 16h pour que les élèves puissent suivre des cours de langues autres que l’anglais dans des organismes privés.
@Jm dumont
Vous pensez vraiment ce que vous dites ou c’est, j’espère, de l’ironie ?
Le niveau en LV des élèves, comme celui des enseignants est consternant. Sept années d’allemand et aucune aisance linguistique en terminale, le bilan n’est vraiment pas glorieux. Il y a au contraire un énorme besoin de formation (initiale mais aussi continue), et pas seulement en langues vivantes, malheureusement !
Pour info, voila ce qu’on attend des professeurs de DNL en lycée pour les classes européennes, DNL c’est à dire discipline non linguistique, ces collègues enseignent une matière en langue étrangère (dans mon lycée c’est l’hist-géo ou les sciences) je vous copie-colle le texte :
Les connaissances et compétences linguistiques
La maîtrise de la langue constitue un critère majeur bien que non exclusif. Le bilan de la session 2009 dans les académies de Créteil, Paris et Versailles souligne que les candidats retenus ont une bonne maîtrise de la LVE sur tous les plans en particulier celui de la phonologie, alliant fluidité et justesse. De fait, l’enseignant de DNL constitue un modèle pour ses élèves même s’il n’est pas enseignant de LVE. C’est couramment le niveau B2+ / C1 qui est attendu dans les différentes académies.
C’est le niveau B2 ! Le prof doit avoir le même niveau qu l’on attend des élèves pour le bac en LV1 ! Vous trouverez des détails dans la note de service du 19 octobre 2004 parue au BO du 28 octobre 2004.
Le niveau des profs de DNL semble convenir aux lycéens des classes euro qui ne se plaignent pas,