Najat Vallaud-Belkacem et Manuel Valls ont affiché jeudi leur désaccord par médias interposés au sujet des arrêtés municipaux anti-burkini, condamnés par la ministre de l’Education mais soutenus par le chef du gouvernement.

« Je suis contre le burkini », a déclaré la ministre de l’Education, rappelant ses « convictions féministes », avec des « femmes libres et fières de leur corps ».

Mais Najat Vallaud-Belkacem pense que « la prolifération des arrêtés sur le burkini (…) n’est pas bienvenue », car « car elle pose la question de nos libertés individuelles ». « Jusqu’où va-t-on pour vérifier qu’une tenue est conforme aux bonnes moeurs? », s’est-elle interrogée, jugeant également que « cela libère la parole raciste ».

« Pour moi, rien n’établit de lien entre le terrorisme de Daech et la tenue d’une femme sur une plage », a-t-elle conclu.

« Non, je pense que ces arrêtés ne sont pas une dérive », a répondu, quelques minutes plus tard, Manuel Valls sur RMC.

« C’est une mauvaise interprétation des choses. Ces arrêtés ont été pris au nom même de l’ordre public. Ils ont été pris à un moment donné, dans des plages du sud de la France, quelques jours après l’attentat de Nice dans un contexte particulier. Et le burkini, oui, encore une fois, c’est l’asservissement de la femme. Et les hommes et les femmes de progrès doivent le dire avec beaucoup de force », a ajouté le Premier ministre.

« Je ne suis pas d’accord avec elle. Ou alors c’est elle qui n’est pas d’accord avec moi », a-t-il admis.

Interrogé plus tard jeudi matin lors d’un déplacement à l’université Paris-Est de Créteil, Mme Vallaud-Belkacem a dit ne pas voir « de différence entre les déclarations de Manuel Valls et les [siennes] ».

« Je suis d’accord avec Manuel Valls quand il dit qu’il ne faut pas légiférer sur le burkini. Nous sommes évidemment d’accord sur l’essentiel. Le sujet, c’est l’efficacité face au terrorisme », a-t-elle ajouté.

– « Risque de dérapage » –

Saisi par la Ligue des droits de l’Homme, le Conseil d’Etat doit se réunir jeudi pour dire si les arrêtés anti-burkini sont légaux. La plus haute juridiction administrative française examine un « référé-liberté », une demande de suspension en urgence d’un arrêté de la commune de Villeneuve-Loubet (Côte d’Azur).

Mais il est en réalité appelé à trancher la querelle juridique pour la trentaine de communes françaises qui exigent sur leurs plages, cet été, une tenue « respectueuse des bonnes moeurs et de la laïcité » au nom de « l’ordre public ».

« On a vu des arrêtés pris dans des endroits où il n’y avait aucun problème, aucun trouble. Les maires qui les ont pris, certains avaient des raisons ». Mais « attention au risque de dérapage, de dérive et de stigmatisation », a pour sa part déclaré le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, sur iTELE.

Mercredi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait lui-aussi mis en garde contre la « stigmatisation » des musulmans, après la diffusion des images d’une femme contrôlée sur la plage de Nice, porteuse d’un simple voile.

De son côté, Nicolas Sarkozy appelle, dans un entretien à paraître vendredi dans le Figaro Magazine, à légiférer pour interdire « tout signe religieux à l’école mais également à l’université, dans l’administration et aussi dans les entreprises ». Pour lui, « ne rien faire » contre le burkini « serait acter un nouveau recul de la République ».

Le Front national va plus loin, en se prononçant pour « une loi d’interdiction générale des signes religieux ostensibles dans l’ensemble de l’espace public ».