Auteur : Antonio Gravante

Auteur : Antonio Gravante

Vous êtes maître de conférences en langue et littérature grecques. Comment le devient-on et qu’est-ce qui vous a poussé à enseigner ?

J’ai toujours aimé cette langue. Etant d’origine grecque, j’ai commencé à l’apprendre le plus tôt possible (dès le collège). Je suis au départ professeur de lettres classiques : j’enseignais le français, le latin et le grec dans le secondaire. Par la suite, je me suis spécialisée en grec jusqu’à devenir maître de conférences en langue et littérature grecques. Aujourd’hui, cela fait 16 ans que j’occupe cette fonction. Pour y parvenir, il m’a fallu obligatoirement posséder un doctorat (bac + 8) et être recrutée sur concours. C’est extrêmement difficile car très peu de postes sont vacants, seulement 1 à 4 postes dans toute la France.

Dans l’exercice de votre métier, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?

En université, il est difficile de maintenir la présence de chacun des cours car nous avons peu d’étudiants dans la filière des lettres classiques. Mais ce n’est pas parce que nous en avons peu qu’il faut les mélanger pour pouvoir supprimer des cours ! On ne peut pas mettre ensemble des étudiants qui commencent en première année avec d’autres qui préparent, par exemple, l’agrégation.

Ainsi, nous faisons face à une homo-hétérogénéité du public. Par exemple, cette année j’avais un groupe d’une trentaine d’élèves où il y avait à la fois des étudiants spécialistes maîtrisant la langue alors que d’autres étaient débutants et l’avaient choisi en option. C’est une situation difficile à gérer pour le professeur car les élèves n’ont pas les mêmes motivations ni le même niveau de langue et sont pourtant mélangés en cours.

Auteur : tolgatezcan

Auteur : tolgatezcan

Vous êtes également directrice du département de Langues anciennes à l’université Toulouse 2-Jean Jaurès et vice-présidente de la CNARELA. Quel est votre regard sur l’enseignement des langues anciennes aujourd’hui et en particulier le grec ?

Dans le secondaire, la mise en application de la réforme du collège est extrêmement dangereuse pour le grec. D’après les informations dont nous disposons, 28% des sections de grec risquent de fermer en collège. C’est scandaleux ! Nous avions bien pensé que cette réforme était catastrophique pour les langues anciennes mais ce qui risque vraiment d’être sacrifié, c’est le grec ! Nous sommes extrêmement inquiets…
Si jamais les langues anciennes s’arrêtent dans le secondaire, à terme, elles disparaîtront aussi dans le supérieur.

Justement pour continuer à faire vivre les langues anciennes, comment encourager les jeunes à choisir l’option grec (au lycée) et à poursuivre cet enseignement dans les études supérieures ?

Nous essayons à tout prix d’instaurer des liens entre le secondaire et le supérieur. Nous allons, par exemple, dans des classes de lycées pour présenter les filières de lettres classiques afin d’attirer davantage d’élèves. Dans certains cas, il m’est aussi arrivé de leur faire cours.

Plusieurs facteurs rentrent en jeu pour attirer les élèves à choisir l’option grec : la volonté des parents, la motivation des élèves et l’horaire sur lequel est placée l’option.

Pour vous, qu’est-ce que cette langue peut apporter aux élèves ?

Le grec permet d’accéder à de nombreux textes qui sont souvent très motivants pour les élèves, comme les textes mythologiques par exemple. Quand j’enseignais dans le secondaire, j’ai constaté que les élèves étaient très attirés par le grec -même plus que par le latin. C’est une langue qui les intrigue et qui peut leur apporter une vaste culture générale. Cette dernière servira d’ailleurs pour l’étude des textes de la littérature française. Comment peut-on étudier certains textes si l’on ne connaît pas ses origines ? En Terminale, dans l’épreuve de littérature, il y a toute une part où il est nécessaire d’avoir de la culture antique. Aujourd’hui, on nous demande même de former des collègues de lettres modernes afin de leur transmettre ces connaissances essentielles.