Véronique Marchais

Véronique Marchais

Vous avez pris connaissance du texte fixant les modalités du nouveau brevet des collèges et de l’exemple de « sujet zéro » de français élaboré par la Direction de l’Enseignement scolaire. Qu’en pensez-vous ?

Notre enseignement est fragilisé. Le brevet de français ne représente que très peu de points sur l’ensemble de l’épreuve. On pourrait donc valider le DNB (diplôme national du brevet) avec une maîtrise très fragile voire catastrophique de la langue française. C’est scandaleux !

D’autre part, l’examen lui-même qui est donné en modèle, c’est-à-dire celui qui va servir de référence pour concevoir les examens à venir, est consternant de vacuité. C’est une invitation aux bavardages et à l’expression de l’opinion plus qu’à une réelle analyse grammaticale ou littéraire. Rien qui permette d’évaluer une véritable réflexion.

Vous écrivez justement dans un récent communiqué de presse que ce sujet est « une grave dérive de l’enseignement du français ». Que lui reprochez-vous concrètement ?

C’est un texte très pauvre. Sans faire de jugement de valeur sur l’auteur, force est de constater qu’il ne fait pas partie des références communes. Sur le plan culturel, le sujet est très décevant. Il l’est également sur le plan littéraire. En effet, cela est difficile d’essayer de construire une démarche d’interprétation à partir de ce texte car il n’a pas assez d’épaisseur. Ce n’est pas ce que l’on appelle en littérature un texte « résistant ». Du coup, nous sommes limités à des questions de paragraphe, d’opinion ou de grammaire de niveau primaire (reconnaître par exemple un présent de l’indicatif). Ce texte est loin d’être un sujet qui appellerait à l’élaboration d’une véritable réflexion et analyse.

Le « sujet zéro » réunit le français et la géographie à travers une thématique commune. Est-ce pour vous un problème ?

Oui, bien évidemment ! Le choix du sujet donné à l’étude n’est plus lié à sa qualité littéraire mais est guidé par le thème commun. Aujourd’hui, la seule préoccupation des concepteurs de sujets est de coller au thème et à partir de là, ils trouvent un texte puis bricolent dessus un questionnaire qui n’a pas grand intérêt. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que l’examen finit toujours par modeler le cours. Nous pouvons donc nous demander si finalement cela ne va pas conduire certains enseignants à privilégier, durant leurs cours, les thèmes plutôt que la qualité des œuvres …

La note de l’examen de français ne représente que 50 points sur 700 au brevet des collèges…

Oui, c’est insuffisant ! Le français devrait avoir un poids beaucoup plus grand à la fois dans l’évaluation mais aussi dans les horaires d’enseignement. A compter de la rentrée 2016, nous subissons une baisse de l’horaire de français en 6ème et en 3ème, soit les deux classes les plus importantes du collège. Cela donne vraiment l’impression, contrairement aux discours officiels, qu’il n’y a pas de volonté de résoudre les difficultés des élèves en français mais simplement le désir de les masquer.

examen collège

© AntonioDiaz – Fotolia

Vous écrivez dans ce même communiqué que cet examen paraît plus local que national car « une part prépondérante des points attribués relève d’appréciations locales ». Pouvez-vous nous expliquer cette analyse ?

En effet, 500 points sur 700 au brevet sont évalués de façon locale dans l’établissement. Cette grande partie de points provient soit du contrôle continu avec la maîtrise du socle commun de compétences soit d’épreuves orales conduites en interne (par exemple histoire des arts). Cela ne relève en aucun cas d’un programme national mais de choix purement locaux effectués selon les établissements. Donc est-ce vraiment un diplôme national ? J’en doute !

Quelles sont donc les revendications du collectif Sauver les lettres ?

Nous demandons que le français soit correctement enseigné avec une ambition réelle de transmettre une culture exigeante aux élèves et une maîtrise de la langue. Pour cela, il faut réhabiliter considérablement la grammaire car le programme de français a été allégé. Par exemple, nous sommes maintenant censés n’enseigner le passé simple qu’à la troisième personne. C’est consternant, cela va fermer l’accès à un grand nombre d’œuvres. Nous réclamons aussi la rédaction d’autres exemples d’examens fondés sur des œuvres littéraires pouvant mesurer un niveau réel de réflexion, d’analyse et de maîtrise de la langue française des élèves. Enfin, nous avons des revendications en termes d’horaires. Le collectif demande plus d’heures d’enseignement car à un moment nous ne parviendrons plus à enseigner correctement avec des horaires qui diminuent sans cesse !

Pensez-vous que nous allons vers une suppression du brevet des collèges ?

Oui, cela fait longtemps que le brevet a perdu de son sens et la réforme du collège a amplifié la situation.