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Laurence Juin

Laurence Juin est enseignante de lettres histoire EMC au lycée professionnel Doriole de La Rochelle. Elle a intégré Twitter à ses pratiques pédagogiques en 2009. Aujourd’hui, elle ne l’utilise presque plus avec ses élèves, ne souhaitant pas les amener à utiliser le réseau tel qu’il est devenu.

Vous avez été une des premières enseignantes à intégrer Twitter à vos pratiques pédagogiques. Quelles utilisations de ce réseau social avez-vous développées avec vos élèves ?

Ces usages avaient quatre objectifs majeurs : éduquer à un usage responsable des réseaux sociaux, écrire, communiquer et valoriser l’élève et son travail (dans une démarche d’estime de soi)

Les usages se sont ancrés dans des projets pédagogiques en lettres, histoire, géographie ou/et Education Civique sous des formes très variées : communication avec des journalistes, récolte d’informations, correspondance avec des classes de FLE etc. Tous ces usages sont décrits sur mon blog.

Quels bénéfices en avez-vous tiré ? Avez-vous constaté des inconvénients ?

Les intérêts étaient multiples : mettre concrètement en pratique l’éducation aux réseaux sociaux, valoriser le travail de l’élève (surtout en LP), ouvrir la classe à un réseau très varié tout en restant en cours. Nous avons pu échanger et travailler facilement avec des personnes qui ne nous auraient pas été accessibles sans ce vecteur. Il y avait également l’importance que l’élève donne à l’écrit (fond et forme) quand il sait qu’il écrit pour être lu, ou encore l’acte de publication qui rend l’élève réellement acteur.

L’inconvénient principal était le caractère chronophage de l’activité qui demande un gros suivi en classe, difficile avec 30 élèves.

Au fil des années, comment a évolué votre usage des réseaux sociaux avec vos élèves ?

J’ai ouvert à l’usage d’autres réseaux selon le profil de mes classes : Tumblr, Pinterest, YouTube, Instagram.

Aujourd’hui nous n’utilisons quasiment plus les réseaux sociaux en classe.

Pourquoi ne souhaitez-vous plus utiliser Twitter avec vos élèves ?

Nous avons utilisé Twitter à ses débuts. Il y avait encore peu de monde sur ce réseau, les interactions étaient importantes avec des comptes très variés de journalistes, enseignants, politiques, auteurs, professionnels du monde du privé… La popularité de Twitter ne permet plus cette visibilité et limite fortement les interactions. On peut créer des projets d’une classe à l’autre (comme le collectif d’enseignants du primaire avec la Twictée par exemple) mais ce n’est pas ce que je souhaitais : j’aimais que mes élèves élargissent leurs réseaux sociaux (souvent limités pour les élèves de LP).

Aujourd’hui les interactions sont faibles : Twitter est très fréquenté, j’aime moins cet aspect « communautaire ».
J’ai aussi plus de doutes à les amener à utiliser ce réseau dans le contexte actuel, je l’ai exprimé dans ce billet de blog au lendemain des attentats de novembre.
Je pense que nous devons absolument les éduquer à un usage réfléchi et raisonné des réseaux sociaux et d’Internet en général, et ne jamais perdre cet objectif de vue avant tout autre.

Avez-vous mis en place d’autres expérimentations autour du numérique et des réseaux sociaux ?

Si je n’utilise quasiment plus les réseaux sociaux en classe, je reste persuadée que nous devons plus que jamais les éduquer à l’esprit critique : Twitter est devenu un média à part entière et je l’intègre dans mes cours d’éducation aux médias et d’éducation morale et civique. Nous sommes passés de l’usage à l’observation : expliquer les processus de désinformation (théorie de complot par exemple), l’impact des publications…

Nous publions encore parfois sur Twitter, YouTube, Instagram, la page Facebook du lycée quand ponctuellement nos projets de classe s’y prêtent.

Le numérique a sa place toute entière dans mes cours : nous utilisons des espaces de travail collaboratif quotidiennement.
Hors temps de classe, je suis aussi devenue formatrice pour l’Education nationale sur les valeurs de la République (suite aux attentats) : je forme les acteurs de l’Education (enseignants, chefs d’établissement, vie scolaire…) à la connaissance des réseaux sociaux et à leurs usages raisonnés. Si l’Ecole ne s’approprie pas l’éducation aux réseaux sociaux, personne ne le fera. Nous avons un rôle essentiel pour ne pas laisser ce « territoire » vierge de toute éducation.