Les élèves de Yann Houry en train de travailler à la lecture de leur conte (futur audiobook)

Les élèves de Yann Houry en train de travailler à la lecture de leur conte (futur audiobook)

“Certains jeunes arrivant en 6e ne sont pas de très bons lecteurs, ils ne sont pas à l’aise, voire carrément en difficulté. J’essaie de trouver des moyens de les faire lire, de varier les approches.” Pour “changer un peu du traditionnel travail de lecture, qui consiste à prendre un manuel et à faire lire”, Yann Houry, professeur de français au collège de Labrit (Landes), a décidé de concevoir, avec ses élèves, des audiobooks.

Pour concevoir un livre audio, “il faut peu de matériel. Il s’agit de lire à haute voix un texte, et de l’enregistrer, avant de réaliser un montage. Par petits groupes, les élèves se réunissent autour d’une table, et avec le smartphone que je leur fournis, ils s’enregistrent, avec l’application GarageBand, qui permet de faire des montages assez facilement”, explique l’enseignant.

Objectif : « être capable de faire une lecture à voix haute fluide »

Pour concevoir un audiobook, les 6e de Yann Houry enregistrent leur voix sur un smartphone, lors de la lecture du conte.

Pour concevoir un audiobook, les 6e de Yann Houry enregistrent leur voix sur un smartphone, lors de la lecture du conte.

Avant l’enregistrement final, Yann Houry fournit une série de liens internet à ses 6e. “Ils mènent à des contes, que l’on peut trouver sur Gallica, le site de la BNF. Après les avoir lu à la maison, les élèves doivent choisir le conte de leur choix, celui qui leur plaît, et constituer des groupes”, indique l’enseignant. Les groupes se répartissent les rôles : “il y en a un qui fera le narrateur, un autre qui incarnera tel ou tel personnage…”, décrit Yann Houry.

Puis les élèves “s’entraînent” à lire. “L’objectif, c’est qu’au moment de l’enregistrement, il y ait le moins d’hésitations possible. Il faut qu’ils lisent, suffisamment pour être capables de faire une lecture à voix haute relativement fluide, sans ânonner ou achopper”, indique le professeur de français.

A terme, « un travail en totale autonomie »

Au total, indique Yann Houry, il faut entre 2 et 3 heures pour enregistrer un conte. Le montage “prend un peu plus de temps”, sourit l’enseignant. Dans son établissement, les 4e et 3e sont équipés de tablettes et d’ordinateurs, mais pas les 6e et 5e. “Pour pallier à cette absence de matériel, le collège a commandé un lot de 14 iPad, mais ils ne sont pas encore arrivés. Alors, pour le moment, c’est moi qui m’occupe du montage… Mais à terme, je compte bien les faire travailler en totale autonomie”, indique Yann Houry.

Les élèves de 6e pourront ainsi prochainement s’enregistrer et monter leurs audiobooks sur GarageBand, sans que leur prof soit à côté d’eux. Ils réaliseront eux-mêmes des coupes et ajouteront des bruitages et des musiques (libres de droit, disponibles sur Internet).

Compétences mobilisées lors de la réalisation de ces audiobooks : “tout d’abord, la lecture, puisqu’il faut lire des contes, et produire une lecture expressive… mais aussi l’exploitation des ressources mises à leur disposition, puisqu’ils choisissent les sons et les musiques à insérer dans le conte audio”. Les élèves apprennent aussi à manipuler des logiciels et des outils numériques – ici, l’application GarageBand.

« Une sorte de motivation à bien lire »

La conception d'un audiobook nécessite un important travail de lecture en autonomie.

La conception d’un audiobook nécessite un important travail de lecture en autonomie.

Yann Houry constate chez ses 6e “une sorte de motivation à bien lire” : les élèves étant “confrontés à leur propre voix”, ceux-ci “sont rarement satisfaits de leurs performances et recommencent d’eux-mêmes les enregistrements. Je n’ai pas vraiment besoin de leur dire de refaire une lecture”. En outre, ce travail oral “pousse les élèves à s’exprimer devant tout le monde”. A l’instar du théâtre, “la production de contes audio permet tout un travail sur la confiance en soi”, indique le prof.

Lors des séances consacrées aux audiobooks (tous les lundi, lors d’un cours dédié au domaine 2 du socle commun de compétences, “méthodes et outils pour apprendre à apprendre”), le travail est collectif : “j’aime bien cette idée d’avoir tout le monde autour d’une table. On écoute ce que fait l’autre, on reste silencieux et respectueux pendant l’enregistrement”, note Yann Houry.

En règle générale, “pas besoin de motiver” les élèves pour lire. “Avant de me lancer dans les audiobooks, j’ai fais lire le Magicien d’Oz à mes 6e, et ils ont apprécié… en revanche, quand il s’agit de travail l’exercice de la lecture lui-même, c’est une autre paire de manches”, indique l’enseignant.

“Pour les faire lire et relire jusqu’à ce que la lecture soit satisfaisante, passer par l’enregistrement facilite les choses. Car il n’y a pas besoin, sauf exceptions, de pousser l’élève : de lui-même, il va trouver sa performance bonne ou non, et demander à recommencer le cas échéant”, ajoute-t-il. Ainsi, sans s’en rendre compte, “les élèves deviennent perfectionnistes, et s’entraînent de leur propre initiative, de bonne grâce”. Pour Yann Houry, “cela passe mieux ainsi, qu’en les faisant lire en rang d’oignon. Mais attention, il ne s’agit pas du tout de la même activité. Les deux sont complémentaires”.

Vers la création d’un « livre numérique »

L'enregistrement d'un audiobook : un travail d'équipe.

L’enregistrement d’un audiobook : un travail d’équipe.

Pour l’instant, les 6e de Yann Houry ont réalisé 3 audiobooks : Le Petit Chaperon Rouge, de Charles Perrault et Le bal des Douze Princesses, des frères Grimm. “Nous venons tout juste terminer le montage des Trois Petits Cochons”, indique l’enseignant. Les contes audio sont en libre accès, sur SoundCloud.

“Quand nous en aurons réalisé une bonne dizaine, nous pourrons les regrouper dans un livre numérique, illustré”, ajoute l’enseignant.

Pour lui, “le marché de l’audiobook est un moyen de lecture et un accès à la littérature pour certains ne pouvant lire, comme les malvoyants ou les personnes âgées. Pourquoi pas, un jour, rendre visite avec mes élèves aux résidents d’une maison de retraite ? Mais il faudrait aller plus loin qu’un conte, relativement court, et concevoir un vrai livre.”