Secrétaire général du SNPDEN, syndicat des chefs d’établissement, Philippe Tournier dénonce un “déferlement d’ordres et de contre-ordres” de la part du ministère de l’Education, qui “perturbe le travail” des personnels de direction.
Pourquoi ce “ras-le-bol” vis-à-vis du ministère de l’Education Nationale ?
C’est une accumulation de choses, et d’abord ce sentiment qu’il n’y a aucune perspective d’amélioration. Les personnels de direction subissent de plein fouet un dysfonctionnement, généralisé, de l’institution scolaire. Ce qui est en cause, ce n’est pas la politique conduite, mais la façon de fonctionner de l’Education Nationale. Ce n’est pas nouveau, mais la situation se déteriore de plus en plus.
Au lieu de nous aider, le ministère nous empêche de travailler. Il change sans arrêt d’avis. Tout est à l’avenant. Il y a deux ans, par exemple, on incitait les établissements à créer des classes bilangues, c’était merveilleux… puis on nous a soudainement expliqué que c’était un dispositif horrible de ségrégation sociale, qu’il fallait les supprimer, pour nous expliquer deux mois plus tard que finalement, il fallait en garder tout de même quelques-unes. C’est comme ça pour tout… ce à quoi s’ajoute, par dessus le marché, les fantaisies des académies.
Les personnels de direction se sentent donc abandonnés ?
Le ministère ne donne jamais de réponses précises à nos questions, pourtant précises. Ainsi, nous lui avons demandé si nous pouvions autoriser, ou non, les élèves à fumer à l’intérieur des établissements pendant la période de l’état d’urgence, et à ce jour nous n’avons toujours pas de réponse.
En revanche, il y a en parallèle un véritable déferlement de communications, de circulaires, d’ordres et de contre-ordres, qui finissent par devenir insupportables. On nous fait du préchi précha tous les jours, par exemple sur la question des inégalités. C’est un vrai problème, mais si elles existent, c’est davantage de la faute du pouvoir politique que des établissements !
Le ministère fait sans arrêt de nouvelles annonces, complétement décousues, sans jamais dire comment et par qui les nouvelles mesures seront mises en oeuvre. Les chefs d’établissement doivent se débrouiller… et quand ils sont confrontés à des problèmes, il n’y a plus personne pour les aider.
On laisse dans le brouillard de nombreuses questions, par exemple sur le temps de formation des enseignants. Résultat des courses : des centaines de milliers de collégiens français ont passé des heures et des heures dans la cour de de récréation, ou en permanence, parce que leurs profs étaient en formation. Or, les établissements ne peuvent pas régler le problème du remplacement des enseignants, puisque c’est uniquement sur la base du volontariat… Et après, on vient nous expliquer qu’il faut que les élèves aient leurs heures de cours.
Il y a aujourd’hui de la part du ministère, une façon de fonctionner et de manager qui rend le changement très difficile, notamment pour mettre en place la réforme du collège, et qui provoque crises sur crises. Les personnels de direction sont à bout de nerfs.
Que demandez-vous, concrètement ?
Ce qui nous met de franche mauvaise humeur, c’est le non-respect par le ministère de ses engagements pris en 2007. Nous avions manifesté en 2006, puis nous avions signé des accords avec l’Education Nationale en 2007 (PDF), qui prévoyaient la tenue de rendez-vous périodiques, sur les questions de recrutement, de formation, de carrières et d’exercice des métiers pour les personnels de direction. Ces engagements en matière de dialogue social ne sont plus respectés depuis 2013, et nous demandons qu’ils soient à nouveau tenus (PDF), afin d’éviter les crises périodiques causées par le silence de l’institution.
Il faut aussi poser la question plus générale du fonctionnement du système éducatif. Si le gouvernement est à la fois autoritaire et impuissant, s’il est si agressif vis-à-vis des établissements et des personnels, c’est parce que dans le système éducatif français, tous les signaux sont au rouge. La Refondation de l’Ecole est un échec. Les résultats de PISA qui seront publiés à l’automne seront sans doute une nouvelle catastrophe. On voit bien que le système ne fonctionne plus… mais on continue invariablement à toujours faire la même chose, comme si tout cela n’existait pas.
Les réformes sont impossibles, les résultats sont toujours plus catastrophiques, et la ségrégation sociale s’aggrave. Il faudra donc poser la question de la forme du système éducatif, un jour ou l’autre. Dans cette optique, la question de la marge de responsabilité des établissements se pose.
Pour conclure, le personnel de direction en a ras-le-bol, et tout ce qu’il demande, c’est qu’on le laisse travailler. Si le ministère n’entend pas nos revendications, nous descendrons dans la rue, comme en novembre 2006, quand 40% des chefs d’établissements avaient manifesté pour réclamer une meilleure reconnaissance de leur métier.
Une excellente nouvelle que cette interview, j’avais l’impression que le SNPDEN se satisfaisait finalement des ordres et contre-ordres du ministère, calibrés pour faire bien dans les médias et basés sur une méconnaissance du terrain inquiétante, quand on pense à ce que nous coûtent les gens qui font cette com’ imbécile.
Reste que j’attends toujours une condamnation claire de l’usine à gaz que constitue la réforme du collège que tente vainement d’imposer la ministre actuelle et ses quelques affidés, car ne nous leurrons pas, au sein du ministère aussi, il y a des gens compétents, atterrés par le fait que les moins compétents, les plus idéologues aveuglés par leurs croyances soient arrivés aux manettes.
Qui eût cru qu’un gouvernement de gauche nous ferait regretter (tout est relatif) la clique de Sarkozy !
Le SNPDEN ne représente qu’à peine 50% des personnels de direction.
L’immense majorité des principaux de collège n’éprouve aucune difficulté sinon celles provoquées par des enseignants du SNES mettant TOUT en oeuvre pour pourrir la mise en place de la réforme.
La Ministre ne « tente pas vainement d’imposer la réforme ». La réforme est en route; les manuels sont imprimés; les formations ont lieu. Il n’est plus question de revenir en arrière et le faire croire est un mensonge.
Les partisans de la réforme du collège attendent toujours que les opposants proposent autre chose que le statu quo dont ils semblent se satisfaire. Statu quo qui depuis des années emmènent des cohortes d’élèves vers l’échec.
« Statu quo qui depuis des années emmènent des cohortes d’élèves vers l’échec », dit le dernier commentaire… Pourquoi donc alors le nombre de reçus au DNB et au bac est-il toujours aussi grand, même de plus en plus grand….
Que la réforme du collège puisse améliorer les résultats, on n’en doute pas un instant…, mais ce qui est ennuyeux, c’est qu’aucun travail scientifique validant les nouvelles pratiques pédagogiques que la réforme imposera n’a jamais été publié par le Ministère ( pas plus qu’un exemple pratique, déroulé en séances précises dans au moins deux matières, d’un EPI de 36 heures ou même 24)…..
Le pourcentage de réussite est défini à l’avance: c’est un objectif à atteindre, peu importe ce que comportent les copies des élèves… d’où les commissions d’harmonisation avant les phases de corrections des sujets, qui réadaptent les corrigés et modifient les critères d’évaluation afin d’atteindre l’objectif chiffré.
cinquante pour cent,c’est énorme.
M.Vidal essaie de se rassurer ! Personne n’essaie de « pourrir » la réforme ! Elle se pourrit très bien toute seule ! C’est une accumulation de stupidités inspirées par la secte pédagogiste, rejetées par la plupart des professeurs et qui auraient déjà été balayées depuis un an si elles n’étaient pas imposées aux professeurs par la force !
Ras le bol ? Bien évidemment. Tant que les réformes seront pondues par des « penseurs » certes très intelligents et connaissant les théories pédagogiques sur le bout des doigts, mais n’ayant aucune idée de ce qui se passe dans une classe lambda de collège de 30 élèves, de leur gestion compte tenu des multiples problèmes sociaux, culturels, religieux et ceux propre à l’adolescence, alors ces réformes ne provoqueront pas l’adhésion des personnels. Tout comme les logiciels fabriqués par des ingénieurs là aussi très compétents mais qui ne connaissent rien au fonctionnement des établissements. Peut-être faudra-t-il comprendre que ceux qui sont le plus à même d’apporter des solutions susceptibles d’améliorer le système éducatif sont les personnels eux-mêmes et en premier lieu les personnels de direction qui sont témoins jour après jour des réussites et des échecs de l’institution.
Pourquoi les résultats du BAC sont-ils en hausse ? Parce que ce sont des nombres ! et que les nombres…. il suffit de savoir qu’il n’est pas très compliqué de leur faire dire ce que l’on en veut :D.
Attention à ne pas se dire que les élèves sont meilleurs parce qu’il y a plus de reçus au BAC (ni le contraire par ailleurs, car nos élèves travaillent aussi). Pour rappel, un des objectifs européens est qu’il y ait 50% d’une classe d’âge qui obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid55536/plan-pluriannuel-pour-la-reussite-en-licence.html
Donc, moins il y a d’élèves à obtenir le BAC, moins il y a d’élèves à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur….
A+
Beaucoup trop d’enseignants en collège et en lycée – conditionnés par le SNES conservateur en particulier – semblent se satisfaire du mauvais rendement du système éducatif (enquêtes successives PISA), sans hélas se remettre en cause ! Même si la réforme arrêtée pour le collège n’est pas la panacée, elle a le mérite de faire évoluer le système – notamment pour soutenir les élèves défavorisés qui décrochent -. Oui, la mise en oeuvre des EPI doit aider l’ensemble des élèves – et des faibles en particulier -, en donnant du sens aux enseignements dispensés par l’amorce du décloisonnement des matières. A moyens presque constants on peut améliorer les résultats pour l’intérêt de tous ! Mon affirmation repose sur des pratiques concrètes mises en oeuvre en 2de, dans le cadre du projet d’établissement par des équipes volontaires. Un proviseur honoraire ulcéré par le conservatisme des enseignants et des corps d’inspections disciplinaires!!
Il est patent qu’une groupe humain ayant connu l’école de 3 ans à…plus tard, ne peut que reproduire ses pratiques. Essentiel donc, de lancer, car elle est éteinte depuis deux bonnes décades, une vraie formation continuée. Cela suppose qu’un corps de remplacement (formé) existe, et soit géré, non pas pas par un rectorat mais par le « local ». Il faut donc que ce « local » soit accepté. C’en est fini de ces organisations académiques totalement décrochées des territoires.
MAIS ne pas perdre de vue, que les personnels enfin formés à une évolution permanente de l’acte d’enseigner, il faudra aussi recruter des chefs d’établissement capables d’animer, ouverts sur la vie de la Cité, et non des comptables.Une génération ne suffira pas à tout cela, la société acceptera-t-elle cette lenteur? Courage JPG
en juin 2016 dans le collège où j’exerçais c omme C/E:
résultats DNB : 80 ù
résultats passage 2° GT : 70 %
validation du livret de compétence : 62 %
des chiffres qui me font réfléchir sur les formations , qualifications et les diplômes.
L’exaspération monte, mais le même syndicat qui co-gèrent le système avec le ministère n’est surement pas le mieux indiqué pour aider les personnels de direction dans leur ensemble. Il n’y a qu’à lire leur prose sur plusieurs années pour bien bien voir qu’il avance à la godille sur tous les sujets.