De plus en plus d’enseignants se lancent dans la classe inversée, qui consiste à visualiser les cours à la maison, et à dédier le temps de classe à la pratique.
Héloïse Dufour, présidente d’Inversons la Classe, est chercheuse en biologie. Partie aux USA, en 2007, elle mène alors de front recherches et enseignement : “c’est ainsi que j’ai entendu parler de la classe inversée. Aux Etats-Unis, difficile d’enseigner sans en entendre parler”.
A l’époque, la “flipped classroom” est peu connue en France. Les principes de cette méthode d’enseignement “sont anciens”, note H. Dufour. “La collaboration, les activités… tout ceci remonte au début du XXe, avec l’éducation nouvelle”, mouvement reposant sur la pédagogie active. “On y retrouve des méthodes telles que la pédagogie Freinet ou l’éducation progressive”, explique H. Dufour.
Inverting the classroom
Le terme “classe inversée” est apparu en 2000, avec l’arrivée des TICE. “Des publications scientifiques ont commencé à relayer l’expérience, aux USA, de quelques enseignants du supérieur utilisant des vidéos pour inverser classe et devoirs – concept baptisé ‘inverting the classroom’”, raconte H. Dufour.
En 2007, “l’inverted classroom” est mise en place au secondaire par Jonathan Bergmann et Aaron Sams, profs de chimie au lycée de Woodland Park, dans le Colorado.
“Au début, vers 2004, ils filmaient juste leurs cours pour les étudiants absents. En voyant que même ceux présents visionnaient les vidéos, ils ont fini par les donner à voir avant la classe, pour consacrer le présentiel aux activités”, explique H. Dufour. “Ils appelaient cela la “reverse instruction”, vite renommée ‘flipped classroom’”.
Une « flipped school » au Colorado
En parallèle, en 2006, Salman Khan, éducateur américain, crée la “Khan Academy”, une plateforme éducative gratuite, “qui met à disposition du plus grand nombre de courtes vidéos de cours”, relate H. Dufour – qui constate que ce site a “popularisé l’utilisation de la vidéo pour l’enseignement”.
Aux USA, la flipped classroom ne cesse de se développer. En 2010, le lycée de Clintondale passe entièrement en classe inversée, devenant une “flipped school”. Le taux de décrochage y aurait été divisé par 3.
Classe inversée : un outil dans la « malette pédagogique »
Pour H. Dufour, la classe inversée était une réponse à un “problème” auquel elle était confrontée lors de ses cours en fac : “j’avais beaucoup de contenus à transmettre et je voulais utiliser des pédagogies actives… mais mettre en activité des centaines d’étudiants demandait trop de temps”. Solution : “donner du contenu avant de venir dans l’amphi”.
De retour en France, en 2014, la chercheuse constate qu’une “poignée d’enseignants” se sont lancés dans la flipped classroom. “Cela m’a confortée dans l’idée que la classe inversée devait être un outil dans la malette pédagogique de chaque prof. Tous ne sont pas obligés de l’utiliser, mais tous devraient savoir que cela existe”.
Avec des praticiens en classe inversée et des passionnés de l’éducation, H. Dufour, qui désire organiser en France l’équivalent du FlipCon, congrès US sur la classe inversée, crée l’association Inversons la Classe, puis le CLIC (Classe Inversée, le Congrès).
Flipped classroom : « passer plus de temps avec les élèves »
A son retour en France, H. Dufour a proposé à plusieurs rectorats “d’offrir des formations à la classe inversée”, qu’elle a elle-même animées. Depuis, des académies commencent peu à peu à proposer des formations dans le cadre de leur PAF, comme Paris et Créteil.
H. Dufour constate un “énorme développement” de la classe inversée. Même si elle ne dispose pas de chiffres, elle remarque qu’en 2015, quelque 6500 personnes se sont inscrites au Mooc “La classe inversée à l’heure du numérique”, sur FUN, et que lors de la Semaine de la Classe Inversée, organisée par son association, “2500 enseignants étaient présents”.
Si la classe inversée se développe, “c’est parce qu’elle répond à un besoin des profs : comment passer plus de temps avec les élèves”, indique H. Dufour. Et s’il existe d’autres formes de pédagogie, elle à l’avantage de pouvoir “être utilisée du primaire au supérieur, dans toutes les matières”.
Classe inversée, classe renversée
La présidente d’Inversons la classe regrette l’existence de “clichés”, notamment “l’idée qu’il s’agit d’un système rigide… alors que l’enseignant n’est pas obligé de forcément commencer une séquence par du cours à la maison pour ensuite faire des activités”. Ainsi, la classe inversée est un concept “flexible” et “adaptable”. Les élèves peuvent être “davantage acteurs”, concevoir le contenu du cours, ou “construire leur parcours d’apprentissage”, remarque-t-elle.
“Mettre en place une classe inversée prend du temps, remarque-t-elle, car il faut repenser sa séquence pédagogique”. Pour les intéressés, le CLIC constituera un moment d’échange avec de véritables “praticiens”. Objectifs : “mutualiser, débattre et donner un aperçu de ce qui se fait dans la francophonie”, conclut H. Dufour.
Journées pédagogiques, les 1 et 2 juillet 2016, à l’Université Paris-Diderot.
Le 3 juillet : journée “technique” de formation aux outils.
Inscriptions obligatoires sur le site du CLIC – pour assister au congrès, mais aussi pour intervenir.
[warning]La ‘flipped classroom‘ concerne le primaire comme le secondaire, et peut faire l’objet d’un grand nombre d’applications pédagogiques. Cet article fait ainsi partie d’un vaste dossier sur la classe inversée, à découvrir ![/warning]
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