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Après le partenariat entre l’Education Nationale et Microsoft, un autre accord entre une institution publique et une entreprise privée américaine crée la polémique.

Début mars, le Réseau Canopé a annoncé la mise en place d’une série d’ateliers autour de Kindle Direct Publishing, le service d’autopublication d’Amazon. Dans le cadre d’un accord avec la société américaine, l’idée est « d’initier les enseignants à l’auto-édition », explique Canopé à Actualitté.

Des ateliers, libres d’accès, seront ainsi organisés à Orléans, Rodez, Lyon, Rouen, Lille, ou encore Pointe-à-Pitre, jusqu’en octobre 2016, dans les antennes départementales du Réseau. Il s’agira de « répondre à des questions telles que : comment je crée la 1ère de couverture ? Comment je mets en ligne mon livre et trouve mes lecteurs ? Quid des droits d’auteur ? », ajoute Canopé.

Les éditeurs scolaires redoutent « l’influence du lobby des GAFA »

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Ce partenariat avec Amazon n’a pas manqué d’inquiéter le Syndicat National de l’Édition (SNE) et les éditeurs d’éducation.

Dans un communiqué, les éditeurs scolaires s’interrogent : « la promotion d’une auto-édition utilisant le format propriétaire d’un acteur hégémonique américain pour la création de contenus par les enseignants, quand les réglementations qui s’appliquent à la publication par les acteurs publics imposent des publications en format ouvert ou libre, traduit-elle un changement de stratégie publique ? »

Et d’ajouter, sur un ton très critique : « l’alliance d’un opérateur d’État avec un acteur américain assez peu soucieux de la protection du droit d’auteur et au cœur de conflits avec l’édition préfigure-t-elle la position du ministère de l’Éducation nationale, voire de la France, sur le droit d’auteur à un moment où celui-ci est attaqué à Bruxelles notamment sous l’influence du lobby puissant des grands acteurs américains que sont les GAFA ? »

« Un coup dur pour les Communs » (Sophie Pène)

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Sur Medium, Sophie Pène, professeure en sciences de l’information à l’Université Paris Descartes et membre du CNNum (Conseil national du numérique), regrette un « coup dur pour les Communs ».

Celle qui pilote le premier master « EDTech » français au CRI (Centre de Recherches Interdisciplinaires) avec François Taddei, s’interroge à son tour : « quelle place pour les communs de la connaissance dans la politique publique d’éducation ? Pourquoi nos décideurs pédagogiques sont-ils fiers d’afficher leur accord avec Amazon Kindle Publishing, plutôt qu’avec DraftQuest, le Livre Scolaire ou le Cléo ? »

« Si Canopé avait travaillé avec le réseau de chercheurs des Humanités numériques, réseau transdisciplinaire qui rassemble des littéraires, des latinistes, historiens, géographes, statisticiens, data scientists, ingénieurs, documentalistes, il  aurait découvert des érudits engagés et compétents, qui développent les communs du savoir,  un réseau qui connaît autant le droit des auteurs que les creative commons », note-t-elle.

« Alors, on aurait vu se nouer des échanges féconds entre réseaux de chercheurs enseignants et d’enseignants chercheurs, dans toute la diversité des pédagogies. Une communauté ouverte aurait affirmé la vocation essentielle de l’éducation, protéger, développer, partager, les communs du savoir », ajoute Sophie Pène.

Pour la membre du CNNum, la façon dont les « communs du savoir » sont partagés « devrait être la question centrale qui anime la politique éducative et en particulier la formation des professeurs. »