Si vous ne connaissez pas Minority Report, il s’agit d’une nouvelle de Philip K. Dick, adaptée au cinéma en 2002, qui raconte comment le crime a été éradiqué dans un futur proche, grâce à une technologie permettant d’arrêter les criminels avant même qu’ils n’aient commis leurs méfaits.

Alors que Google se félicite de la victoire de son programme « intelligent » AlphaGo contre le champion de jeu de go Lee Sedol, des chercheurs de Stanford, dans la Silicon Valley, conçoivent un algorithme capable de prédire quel élève réussira ou échouera lors d’une évaluation. Un projet mené en tandem avec des chercheurs de… Google.

« Prédire » quels élèves sont susceptibles de se tromper

Alors, à quand l’irruption de Minority Report à l’école ? “Si vous faites suffisamment attention à ce qu’un élève a fait, autant qu’à ce qu’il a appris, vous n’avez pas besoin de le faire s’asseoir pour passer un test”, affirme Chris Piech, spécialiste en apprentissage automatisé pour l’éducation à Stanford, dans New Scientist. Selon lui, grâce à l’IA, un jour futur il serait carrément inutile de passer des examens.

Pour les scientifiques, l’objectif n’est pas de distinguer rapidement les “bons” des mauvais élèves, en se basant sur leurs performances passées. L’idée est de pouvoir prédire quels élèves sont susceptibles de se tromper, et d’en comprendre la raison. Un outil qui serait très utile aux enseignants, dans une optique de différenciation et d’aide aux élèves en difficulté.

Bien sûr, ce genre de technologie ne fait pas l’unanimité, et pour cause : confier à une machine, un algorithme, la mission de détecter si un élève est en difficulté ou non, pourrait être contre-productif, réducteur, voire dangereux et discriminant. Se pose aussi la question fondamentale du rôle de l’évaluation dans l’apprentissage.

« Une évaluation raisonnée plutôt qu’une prédiction ségrégative »

« Contre une prédiction ségrégative, prétendument scientifique, mieux vaut défendre une évaluation raisonnée pour mieux enseigner », indique Paul Devin, inspecteur de l’Education nationale, sur Twitter.

Prof d’histoire-géo en lycée, Joël Mariteau s’interroge sur la façon dont l’algorithme « s’y prendra, dans le cas de l’analyse critique d’un doc d’histoire-géo ou d’un croquis de synthèse ». Pour lui, « mesurer la ‘réussite’ finale » des élèves à travers une évaluation relève de la science-fiction, ou d’un « scientisme irraisonné ».

« Une seule leçon de mon expérience de terrain : l’enseignant doit faire des diagnostiques mais jamais de pronostics. Une évaluation ne permet rien d’autre que mesurer la capacité d’un étudiant à réaliser un ensemble de tâches à un moment donné », conclut-il sur Twitter.