Le refus des sénateurs d’imposer 20% de produits bio dans les cantines du public reflète « un manque de vision incompréhensible » alors que les dernières statistiques montrent une nouvelle recrudescence des pesticides dans les campagnes françaises, ont estimé jeudi des organisations de défense de l’environnement.

Mercredi soir, le vote au Sénat sur la proposition de loi écologiste prévoyant l’introduction d’ici 2020 dans les cantines de 20% de produits bio, n’a pu avoir lieu en raison de la multiplication des interventions des opposants au projet, notamment Républicains (LR).

Cela conduit à reporter « aux calendes grecques » une loi votée par l’Assemblée nationale à l’unanimité en première lecture en janvier, déplore la Fondation Hulot (FNH).

« Les sénateurs ont fait preuve d’un manque de vision et de courage politique, alors même qu’une meilleure alimentation est plébiscitée par les consommateurs et que la France continue de s’embourber dans ses objectifs de réduction des pesticides », dénonce la FNH.

« Tous les acteurs s’accordent à dire que la restauration collective peut jouer un rôle majeur pour structurer une agriculture de qualité dans nos territoires », ajoute-t-elle.

« Les parents apprécieront le jeu de postures de sénateurs », souligne Agir pour l’environnement. A ce jour, la part de bio en réfectoire ne représente que 2,7% du contenu des assiettes, rappelle l’association.

Les sénateurs réfractaires avancent que c’est « une norme contraignante » pour les élus. « Ces seuils sont difficiles à atteindre pour les producteurs français », a fait valoir mercredi le sénateur LR Alain Vasselle, dénonçant « une opération politique des Verts ».

Les défenseurs du texte soulignent que moins de 400.000 ha suffiraient à fournir le quota de 20%. L’agriculture bio représente 1,3 million d’ha en France et 220.000 ha ont été convertis uniquement en 2015.

Ce débat a eu lieu au lendemain de la publication par le gouvernement de chiffres montrant une nouvelle progression des pesticides dans les campagnes françaises: +9,4% de 2013 à 2014 (après un bond de 9% déjà l’année précédente).

Une recrudescence que le gouvernement explique par des aléas climatiques (l’humidité) en 2014.

Mais en moyenne sur trois ans, la consommation de pesticides a quand même augmenté de 5,8% entre la période 2011-2012-2013 et 2012-2013-2014.

« Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est la hausse de l’usage des substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques » pour la reproduction humaine, pointe Générations futures.

« C’est donc une mutation en profondeur qu’il faut envisager pour espérer atteindre en 2025 l’objectif de moins 50% d’usage de pesticides » prévu par le gouvernement, ajoute l’association, qui réclame « des mesures pour faciliter la mise en marché des alternatives non dangereuses et promouvoir les techniques agronomiques adaptées ».

Ces chiffres sont « accablants », a réagi France Nature Environnement, pour qui « il faut changer de braquet »: « tout d’abord interdire les pesticides les plus dangereux et instaurer une fiscalité sur les produits qui incite réellement les utilisateurs à diminuer leur usage ».