Gilles Roussel

Gilles Roussel © Photothèque UPEM / Photographe : Yann PIRIOU

Gilles Roussel est président de la commission de la formation et insertion professionnelle de la CPU, et président de l’université Paris Est (UPE).

Pour la CPU, il est urgent de “revoir les textes”, afin de mettre fin à “l’insécurité juridique” qui frappe les universités. Pourquoi ?

Le 10 février, le Conseil d’État a rendu un avis, indiquant qu’aucune sélection ne peut être mise en place en M1 comme en M2… en l’absence d’un décret établissant une liste limitative. Nous avons demandé à ce que ce texte sorte, pour que les nombreuses universités qui pratiquent, de façon sécurisée et légale, une sélection puissent continuer à le faire.

Pourquoi “assumer” la sélection, plutôt que la combattre ?

La question du décret ne s’applique en fait qu’à une minorité : les universités ont le droit de sélectionner tout étudiant issu d’un autre établissement, ou cycle – la majorité des jeunes sont sélectionnés à l’entrée en master. Entre la fin de la licence et l’entrée en master, la moitié des effectifs viennent de l’extérieur. Et entre le M1 et le M2, jusqu’à 75% des étudiants sont issus d’une autre université.

La sélection existe, elle est légale dans la plupart des cas, et c’est elle qui fait la qualité de notre formation. Nous disons donc, à la CPU, qu’il faut la poursuivre… et continuer à faire en faire en sorte que les étudiants issus de la même université puissent être orientés, sélectionnés entre le M1 et le M2.

La sélection est un processus courant au sein des universités ?

Toutes les universités, en master, font de la sélection. La grande majorité la pratique de façon légale, que ce soit entre le M1 et le M2, ou à l’entrée en M1. C’est ce qui fait la qualité de nos masters, et qui explique qu’ils soient reconnus. Le système marche parfaitement ainsi. Les masters sont de qualité. 95% des étudiants s’insèrent à la sortie. Ne cassons pas quelque chose qui fonctionne, à partir de positions purement idéologiques !

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© kasto – Fotolia

En quoi la non-sélection serait, selon vous, une “sélection par l’échec” ?

La non-sélection n’est pas un gage de réussite. Au contraire, elle ferme l’accès à des universités aux masters prisés : si l’on permet à tous les étudiants de poursuivre leurs études quoi qu’il arrive, alors, ceux issus de l’université X seront favorisés comparés aux autres, qui sont, eux, sélectionnés. La non-sélection permet au jeune d’aller le plus loin possible sans se poser de questions… jusqu’au moment où il échoue.

Pour assurer la qualité d’insertion des étudiants, la sélection est nécessaire – de préférence à l’entrée en master. Sinon, des problèmes de fond risquent de se poser. En psychologie, l’on se retrouverait avec des cohortes d’élèves, et très peu pouvant accéder à l’emploi derrière. Autre exemple, le master de gestion : la licence est pluridisciplinaire, il y a des compensations… Or, un étudiant qui aura 18 en gestion et 3 en économie n’aura pas plus de priorités sur l’accès au master, que celui qui a eu 3 en gestion et 18 en éco !

Il faut savoir qu’aucune fac n’est en capacité d’accueillir une armada d’étudiants désirant tous aller dans le même master. À Paris Est, nous avons un master de tourisme spécialisé dans la gestion des établissements de luxe. Dans ce secteur, si nous voulons bien insérer nos jeunes, nous ne pouvons pas augmenter les promotions, car le marché de l’emploi est limité ! C’est aussi ce qui fait la qualité du master : augmenter les effectifs le dévaloriserait.

Il faut assumer la sélection. Elle doit être transparente, et permettre aux jeunes de trouver la formation qui leur convient. Le nombre de places sur le territoire, en fonction du nombre d’étudiants de L3, ne pose pas de problèmes. Mais plutôt que de dire que “tout le monde peut accéder à tout”, il faut mettre en place une sélection intelligente.

À quoi ressemblerait une telle sélection “intelligente” ?

La sélection ne doit pas être une fin de non-recevoir, mais un accompagnement. L’idée est d’accompagner les jeunes dans l’orientation, et de faciliter les mobilités, en lien avec les Crous. Un tel mécanisme, semblable à ceux qui existent déjà en Angleterre ou en Allemagne, permettrait aux jeunes d’accéder aux masters correspondant à leurs souhaits. Dans le cas où aucun n’aurait été trouvé, il permettrait à l’étudiant d’accéder à une formation licence ou M1 lui permettant de s’insérer, et de revenir plus tard, avec une expérience professionnelle, dans le cycle souhaité.

On pourrait imaginer la mise en place d’un système permettant de faire un choix pertinent d’orientation dès l’inscription en M1. L’idée serait de créer un portail recensant l’offre de formation, sur tout le territoire, en master – semblable à Admission Post BacUn système de “bourse” nationale post-licence permettrait aussi, à tout étudiant de L3 voulant poursuivre en master, d’élargir ses possibilités de poursuite d’étude réussie.