
Pascal Lenoir
Pascal Lenoir est hispaniste, maître de conférences à l’université d’Angers, spécialiste de didactique de l’espagnol, enseignant en master MEEF en collaboration avec l’ESPE des Pays de la Loire. Il est également rédacteur en chef de la revue Les Langues Modernes, de l’APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes). Il a longtemps enseigné dans le secondaire, et a été une quinzaine d’années formateur en IUFM avant de devenir enseignant-chercheur à l’université.
L’espagnol est la 2ème langue étrangère étudiée en France. Pensez-vous qu’elle est un atout pour l’avenir des élèves ?
L’espagnol est effectivement ultra majoritaire sur le créneau de la deuxième langue en France. Après l’anglais, elle est également la première langue de communication internationale ; dans le contexte scolaire français elle se présente comme une langue de culture.
C’est aussi un atout professionnel permettant un accès plus facile au monde de l’emploi. En plus de l’apprentissage de la langue, les élèves de BTS ont, par exemple, des cours abordant la culture des entreprises hispaniques. Ainsi, avec ces connaissances, ils pourront accéder au marché hispanique. D’autant que l’espagnol est une langue en constante évolution.
De plus, grâce à la pluralité des formats (vidéos, écrits, jeux de rôle) proposés par les enseignants, le niveau de langue des élèves est bien au-dessus des exigences pour une seconde langue. D’ailleurs, ils sont agréablement surpris lorsqu’ils passent le bac, le plus souvent en LV2 : la plupart le trouvent trop facile.
Toutefois, nous pouvons noter une faiblesse : en étant une langue peu enseignée en 6ème, nous avons très peu de présence dans le primaire. Je suis particulièrement attaché à la diversité de l’offre en primaire et l’espagnol pourrait être bien davantage représenté.
Au lycée, les élèves sont-ils intéressés par cette langue ?
Oui, énormément d’élèves choisissent cette langue en LV2 au lycée, et en particulier dans la série Littéraire.
Les enseignants d’espagnol ont d’ailleurs développé de grandes compétences à rechercher des supports d’apprentissage très variés pour leurs élèves. C’est ainsi un moyen de les encourager à choisir cette langue. Mais en général, les élèves se montrent très intéressés par l’espagnol.
Doit-on accorder plus d’heures de cours d’espagnol dans l’emploi du temps des élèves ?
Il faut accorder plus d’heure de langues en général ! Deux heures par semaine dans l’emploi du temps des élèves, cela reste très peu… Les élèves qui étudient les langues en France sont assujettis à une double peine : ils ont des horaires réduits et apprennent en effectif élevé. Ainsi, le temps de pratique par élève sur une année scolaire est très restreint.
Qu’il s’agisse donc d’espagnol ou d’autres langues, les élèves ont plutôt intérêt à avoir davantage d’heures de cours.
Et qu’en est-il de l’espagnol dans l’enseignement supérieur ?
Dans l’enseignement supérieur, il existe deux filières : la filière Langues, Littératures et Civilisations Etrangères (LLCE) et la filière Langues Etrangères Appliquées (LEA). Il y a également des Diplômes Universitaires de Technologie (DUT), comme celui du commerce international, qui permettent d’apprendre les langues dont l’espagnol.
Ces filières accueillent un nombre important d’étudiants et peuvent mener à trois débouchés principaux : chercheur en langue, traducteur ou enseignant en langue.
Quelles sont les problématiques auxquelles sont confrontés les professeurs d’espagnol ?
Comme tous les enseignants de langue, les professeurs d’espagnol sont confrontés à une diversité croissante des publics. Ces derniers sont de plus en plus hétérogènes et se concentrent plus difficilement. Les enseignants doivent ainsi les motiver par des mises en situations qui soient porteuses de sens.
Dans la mesure où le culturel est mis en avant, nous utilisons beaucoup de documents authentiques (photos, vidéos, articles de presse, brochures), qui sont parfois bien trop riches. Il faut alors effectuer des choix, dans les contenus linguistiques et lexicaux, qui ne sont pas forcément évidents à faire pour les enseignants.
Enfin, les professeurs privilégient l’apprentissage de l’espagnol en petits groupes d’élèves car lorsqu’ils sont en classe entière, les élèves sont moins concentrés et se fatiguent plus facilement.
Que pensez-vous de la formation continue des professeurs d’espagnol ?
Elle manque énormément de moyens ! Pour les professeurs d’espagnol, l’adoption du cadre européen a supposé une importante évolution méthodologique. N’ayant pas connu l’approche communicative avec notamment les mises en situation, les jeux de rôle ou les simulations, ils ont alors dû les découvrir en formation continue. Aujourd’hui, les enseignants étudient principalement les enjeux numériques, la réforme du collège et des questions fortes comme la différentiation pédagogique.
La formation continue ne doit pas seulement répondre à des besoins techniques. Elle ne doit pas seulement répondre à des questions pour savoir comment s’y prendre, elle doit aussi être un moment pour réfléchir sur les finalités. Je suis convaincu que les enseignants apprécieraient des stages de cette nature-là.
Avez-vous un conseil ou un message à faire passer aux élèves pour les encourager à apprendre l’espagnol ?
Ils sont déjà très nombreux à choisir cette langue, je n’ai pas besoin de les encourager. Par contre, j’ai plutôt des conseils pour bien pratiquer l’espagnol. Les élèves ne doivent pas se contenter uniquement des effets de transparence entre les langues. En milieu francophone, la proximité entre le français et l’espagnol est nettement remarquable. Ce qui peut se révéler rassurant au début de l’apprentissage mais il ne faut pas céder à la facilité. Bien qu’il y ait un cousinage très proche entre les deux langues, il faut suivre les conseils des enseignants afin de produire des phrases les plus hispaniques possibles. Par exemple, « différent » en français se traduit par « diferente » en espagnol. Il existe toutefois un adjectif que les Espagnols emploient, « distinto » qui suppose une exigence lexicale plus grande. Lorsqu’on est en situation d’urgence, le mot transparent est trouvé facilement par les élèves. Mais si vous avez le temps de peser vos mots, il faut alors aller vers plus d’exigence lexicale.
C’est vraiment rare de trouver, dans un milieu français, une personne avec la tête dans les épaules et les pieds sur terre, loin de dogmes institutionnels. Bravo!
Bonsoir , les élèves trouvent le bac d’espagnol « trop facile » parce qu’il est objectivement TROP facile : une partie des questions de compréhension d’un texte posées en français et attendant une réponse en français, textes souvent plus courts et exigence du nombre de mots en expression écrite inférieure aux autres langues …