
Florian Reynaud
La FABDEN est récemment devenue l’A.P.D.E.N. Pourquoi ce changement de nom ?
La FADBEN a été créée en 1972, en tant que Fédération des associations des bibliothécaires documentalistes de l’Education nationale. En 1986 et en 1989, avec une nouvelle circulaire de mission et la création du CAPES de Documentation, l’accent a été mis sur le rôle pédagogique. La FADBEN avait jusqu’alors gardé son acronyme, avec toutefois, en 1994, une nouvelle déclinaison, en ‘Fédération des enseignants documentalistes de l’Éducation nationale’.
En 2016, nous avons souhaité clarifier l’identité de l’association, dans un souci de mise en cohérence avec l’actuelle réalité du métier, en optant pour la dénomination ‘Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale’, ou A.P.D.E.N, plus compréhensible par tous, et notamment par les collègues entrant dans le métier.
Les contenus d’enseignement sur l’information-documentation et l’éducation aux médias et à l’information ont été publiés dans le Bulletin officiel du 26 novembre 2015. Qu’en pensez-vous ?
Pour les programmes d’EMI du cycle 4, nous notions deux points positifs : d’abord, une structure introductive basée sur les douze propositions du Groupe de Recherche sur la Culture et la Didactique de l’information. Nous souhaitions que la structure proposée ne soit pas qu’une introduction, mais soutienne logiquement les programmes détaillés, et que les notions soient définies dans le cadre d’une progression.
Ni l’une ni l’autre de ces propositions n’a finalement été retenue. Plus problématique, la liste des notions a disparu de la publication finale, laissant place à un simple référentiel de compétences, sans progression.
Nous déplorons aussi que les contenus d’enseignement ainsi définis ne répondent pas aux besoins des élèves en information-documentation, sans considération pour les pratiques pédagogiques développées depuis longtemps par les professeurs documentalistes.
Dans un récent rapport, vous écrivez que « l’éducation aux médias et à l’information (EMI) est envisagée comme un enseignement dilué dans les autres enseignements, au même titre que l’Histoire des arts ». Pourquoi ce constat ?
Avec l’Histoire des Arts, l’EMI est le seul enseignement qui ne dispose d’aucun moyen horaire défini, et ne renvoie à aucune discipline identifiée. Pour l’EMI, du fait de son origine, de ses contenus et des compétences professionnelles, ce devrait être logiquement l’information-documentation. Nous regrettons que les programmes de 2015 aillent à son encontre en minorant le rôle des professeurs documentalistes, le définissant comme un intervenant parmi d’autres, sans moyens horaires affectés à cet enseignement.
Dans cette situation, l’acquisition par les élèves des savoirs info-documentaires n’est en aucun cas garantie. Elle dépend en effet du bon vouloir des collègues des autres disciplines pour mettre en place des séances en collaboration sur leurs heures de classe. Mais aussi de celui du chef d’établissement, qui ne connaît pas toujours la mission pédagogique du professeur documentaliste et s’en tient bien souvent aux missions d’accueil et de gestion.
Vous écrivez, dans ce même rapport, que « le rôle du professeur documentaliste est réduit aux EPI, sous une forme collaborative exclusivement ». Quelles sont donc vos revendications ?
Il nous sera difficile d’intervenir dans tous les EPI, ce qui est très problématique au regard du principe d’égalité des chances.
Ce que nous souhaitons, c’est l’assurance que ces apprentissages soient enseignés aux élèves et que nous bénéficions de moyens concrets pour les dispenser. En sixième, nous sommes explicitement cités dans les programmes, mais nous n’avons aucun moyen horaire. Nous demandons donc des possibilités d’intervention afin qu’un élève de sixième soit par exemple assuré de suivre des apprentissages info-documentaires avec le professeur documentaliste, en collaboration ou non avec un autre enseignant. De même, de la cinquième à la troisième, plutôt qu’une inscription hasardeuse dans les EPI, nous souhaitons que les élèves puissent également être assurés de recevoir des apprentissages info-documentaires adaptés et nécessaires.
Le problème tient bien dans le fait que les textes oublient toujours que les professeurs documentalistes, titulaires d’un CAPES en Documentation, sont spécifiquement formés et recrutés pour développer ces apprentissages auprès des élèves.
Que pensez-vous de la formation des professeurs documentalistes ?
Il y a sur ce sujet deux volets très différents : la formation initiale et la formation continue. Pour ce qui concerne la formation initiale, les ESPE développent des contenus pour le CAPES, en particulier le CAPES externe, qui respectent une exigence relative à des compétences pédagogiques.
On peut aussi parler de formation initiale pour les collègues en délégation fonctionnelle qui se destinent au métier de professeur documentaliste. Le tableau est ici plus mitigé, avec des formations qui ne sont pas du ressort des ESPE, et qui insistent bien souvent sur les questions de gestion, sans apports suffisants au sujet des contenus d’enseignement.
Enfin, malgré quelques efforts récents au sujet des contenus, la formation continue reste bien insatisfaisante : l’offre est depuis longtemps insuffisante dans de nombreuses académies. Ainsi, les réunions de bassin entre professeurs documentalistes sont menacées dans de nombreuses académies, quand elles n’ont pas déjà été purement et simplement supprimées.
Il faut ajouter pour être complet sur la problématique de la place du professeur documentaliste dans les enseignements que le décret d’aout 2014 stipule que chaque heure de présence devant élèves doit être comptabilisés pour deux en réponse à une revendication syndicale. Je suis principal : 10h de travail avec élèves épuiseraient de fait 20h de service. Que doit-je faire ? Fermer le CDI ?
Belle manière en tout cas, comme dit dans l’entretien, de « minorer le rôle des professeurs documentalistes »…
Il est compréhensible que les professeurs documentalistes valorisent leurs compétences. Mais, il faut être réaliste. Évidemment, l’ensemble des disciplines participent quotidiennement à l’éducation des élèves dans le domaine de l’information – documentation.
Quant aux séances prises en charge par les documentalistes, une partie en classe entière est tout à fait possible… La priorité est l’accessibilité du CDI au cours de la semaine.
La sérénité entre professeurs est souhaitable. Les réformes du collège et du lycée sont déjà assez compliquées à mettre en place.
Les professeurs documentalistes ne souhaitent pas non plus la fermeture du CDI, mais que les élèves puissent bénéficier d’une formation cohérente. Dans la pratique, je fais déjà 10 h d’enseignement en moyenne par semaine, dont 6 heures semaine seule, donc 4 heures avec collègues. 3 heures ont été « pondérées », les heures ATP 6e. Quand je suis en cours, j’accueille des élèves supplémentaires pour les recherches en autonomie…Ce que je trouve le plus choquant, c’est de ne plus pouvoir prendre des élèves en cours seule.
Attention, le professeur documentaliste est réglementairement certifié, il a validé un capes et apte à encadrer tout dispositif pédagogique. Tout ce qui prête au doute ou à la confusion provient d’une méconnaissance de ses missions et compétences, d’un abus de représentation. Enfin, Mr Reynaud et tous les collègues professeures documentalistes aguerris et à la pointe de la corporation insiste bel et bien sur ce point: il n’y a pas d’anthropomorphisme CDI-professeur documentaliste, l’information, la communication, la documentation et les (mass) medias sont des notions nobles. Réduire ces savoirs et savoir faire aux murs d’un CDI n’est pas signe d’un positionnement clair et affirmé de la part d’un chef d’établissement. Qui doit par contre exceller et se projeter avec force dans les autres objectifs éducatifs.
L’APDEN c’est 6 % des professeurs-documentalistes. Tous ne veulent pas, de loin, enseigner des notions ou faire des heures instituées…
C’est bien dommage. Car si on veut que le CDI devienne le coeur de l’établissement, je ne vois pas comment on peut s’installer dans une sorte de thébaïde…
Le CDI n’a aucune raison de devenir une plateforme centrale. Tout au long de l’année, l’élève est confronté à l’information/documentation dans les différentes disciplines, qui, par cohérence et avec réactivité, font évoluer les élèves.
Attention. Associé la désinformation (la proportion donnée d’adhérents) et une confusion entre cette proportion et la proportion de professeurs documentalistes qui souhaitent un meilleur cadre pour les apprentissages info-documentaires (bien majoritaires, à plus des deux tiers, à voir dans les enquêtes significatives de l’APDEN), c’est souvent le fait de personnes qui sont à court d’arguments, ou qui se moquent des enjeux éducatifs. L’appartenance associative est une chose, le travail d’une association professionnelle pour la profession, travail objectif, pour répondre à des enjeux, pour susciter une affirmation de la volonté politique en faveur du développement d’une culture de l’information et des médias, avec des personnels compétents pour cela, en respect des avis de l’ensemble de ces professionnels, c’est autre chose. Que certains s’y opposent, c’est normal, mais avec honnêteté et sans masque c’est bien aussi !
Merci pour cette remarque.
Ce décompte d’une heure d’enseignement pour deux heures de service est lié à l’inscription des professeurs documentalistes dans le même décret que les autres enseignants. C’est davantage une logique statutaire qu’une revendication syndicale, l’une n’allant pas forcément sans l’autre.
Il ne s’agit en rien de minorer le rôle des professeurs documentalistes, mais de considérer et de respecter leur travail pédagogique dans un esprit d’égalité de traitement. Pourtant, si cette mesure est un progrès, elle reste insuffisante. Le souhait, formulé par l’inspection générale dans les années 1980, d’un recrutement de professeurs documentalistes en proportion du nombre d’élèves, n’a toujours pas été acté.
Si la garantie d’apprentissages info-documentaires dispensés à tous les élèves, que vous respectez, devait amener à une réduction de service de dix heures, consacrées à la préparation et à l’évaluation de ces apprentissages, et donc à l’éventuelle contrainte d’un CDI fermé aux élèves de la permanence, plusieurs solutions, à concevoir avec le professeur documentaliste, existent :
– Demander au rectorat un deuxième poste de professeur documentaliste ;
– Demander au rectorat le recrutement d’un aide documentaliste (généralement en CUI) ;
– Proposer l’ouverture du CDI par un AED ou un AP, choisi et formé par le professeur documentaliste.
Ceci étant, à l’heure actuelle, les enquêtes montrent que nous sommes plutôt sur une moyenne de six heures hebdomadaires d’enseignement, soit, dans le cadre de l’application du décret basées sur une quotité de service de trente heures pour les professeurs documentalistes, vingt quatre heures d’ouverture hebdomadaire, dont six heures d’enseignement. A supposer qu’un recrutement ne soit pas envisageable, l’application du décret ne semble pas devoir impliquer de dysfonctionnements quand le nombre d’élèves est raisonnable en proportion du nombre de postes (un professeur documentaliste pour 400 élèves étant une revendication de l’A.P.D.E.N).
Tous doivent enseigner des notions ! C’est dans notre circulaire de mission ! Et on nous demande à chaque début d’année un projet documentaire, en fin d’année un bilan !
Il y a beaucoup de choses à enseigner aux élèves en recherche documentaire, c’est vraiment dommage aussi de ne pas leur donner les outils qui leur seront utiles pour leurs recherches tout au long de la vie. Quand je travaille avec les collègues, nous mettons en priorité la discipline et nous ajoutons quelques notions de recherche, quand je travaille seule, je peux insister sur une notion, tout en mettant un lien avec une discipline (en accord avec le collègue concerné).
Je suis très choquée par certains commentaires.
Oui nous sommes professeurs, nous avons fait des études et obtenu un CAPES exigeant et non au rabais. Pour rappel il a été créé en 1989, il va peut-être falloir se mettre à jour.
Quand cesserez-vous de nous voir comme des surveillants de perm de luxe ?
Nous sommes les spécialistes de l’information empêchés d’enseigner. Cherchez l’erreur.
Le CDI est un centre d’information et de documentation, pas l’annexe de la vie scolaire.
Il ne suffit pas de mettre un jeune face à des documents, papiers ou numériques, pour qu’ils sachent quoi en faire, s’approprie l’info, recoupe les sources, etc.
L’EMI par les autres profs ? il faut voir. Tous ne se sentent pas concernés et surtout tous ne sont pas formés, désolée de le dire. J’en ai encore eu la preuve très récemment.
Je suis écœurée.
D’ailleurs, pour en revenir au titre de l’article « le prof-doc réduit aux EPI », on ne me donne même pas le droit de faire un EPI « information-communication », alors que c’est mon domaine. Pour bâtir un EPI, il faut deux profs « disciplinaire ». Ma discipline existe, c’est « Documentation » !!!