Bientôt, Twitter ne se cantonnera plus à 140 caractères. D’ici là, les enseignants sont nombreux à exploiter cette limite imposée par le réseau social, dans le cadre de leurs Twittclasses.
Après les Twictées, une activité se développe en primaire : les “Twittcontes”. L’idée : des classes écrivent ensemble un conte, sur Twitter, pendant plusieurs semaines, ou quelques jours.
Un « conte des origines » écrit à plusieurs
En 2015, Romance Cornet, prof des écoles à Champagneux (Savoie) s’est lancée dans l’écriture collaborative de contes en 140 caractères. Avec ses CM1/CM2, elle a orienté l’année autour d’un travail pluridisciplinaire sur le récit étiologique.
Lors d’un “Twittconseil”, “conseil des maîtres” sur Twitter, elle se rapproche de G. Simonin, PE à Tomblaine, près de Nancy, et de C. Massicot, prof à Chevry-Cossigny (Seine-et-Marne).
Pendant 2 mois, leurs CM1/CM2 respectifs ont analysé et étudié la structure des contes traditionnels. En décembre, le coup d’envoi est donné. La classe de G. Simonin envoie une série de tweets – le début du récit. “Mission pour nous d’inventer la suite, à destination des CM2 de C. Massicot”, explique Romance Cornet. Tous ensemble, ses CM1 imaginent alors une histoire. “Ils se sont mis d’accord sur les mots à utiliser – synonymes, termes courts…”, décrit l’enseignante.
« Un travail dense » mené en amont, en classe
“Les tweets sont la dernière étape d’un travail très dense mené en classe, pendant lequel les élèves ont planché sur la structure des phrases, la syntaxe et la cohérence de l’histoire”, indique-t-elle. Le conte ainsi rédigé portait sur l’ornithorynque. “La question de départ était : pourquoi vit-il au fond des cours d’eau, ce qui a aussi permis de réaliser un exposé sur l’animal”, note R. Cornet.
Le 2e conte s’est étalé sur plusieurs semaines, en janvier 2015. Cette fois, les CM1 de Champagneux travaillent avec 2 écoles canadiennes. Pour les élèves, “il s’agissait d’une ouverture culturelle, impossible sans les TICE”, indique l’enseignante. Selon elle, “ce projet a obligé les élèves à organiser leurs pensées et à travailler collectivement, sans que ce soit une contrainte, mais un défi”.
« Détourner » un conte en une journée
Pionnier à l’origine des Twictées, Régis Forgione, instit à Freyming-Merlebach (Moselle), a adopté une temporalité différente : ses twittcontes ne s’étalent pas sur plusieurs semaines, mais se déroulent sur 1 ou 2 jours. “C’est l’idée du ‘one shot’, de l’écriture en direct dans un temps réduit”, résume-t-il.
Lors d’un “Twittconseil”, son acolyte Bruno Mallet, PE à Le Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne), a imaginé “que l’on donnait un smartphone à des personnages de contes”. Les élèves se glisseraient dans la peau des héros, et détourneraient l’histoire en la “live tweetant”.
Après 1 mois de préparation, durant lequel les profs ont planifié leurs séances, mai 2015 a été consacré à l’écriture d’une version inédite du Petit Chaperon Rouge, de Charles Perrault.
“Si le twittconte a eu lieu une seule journée, il y a eu un gros travail derrière. Les élèves avaient préparé des tweets correspondant à chaque événement du conte, mais aussi des photos, pour lesquelles nous avons effectué plusieurs sorties”, explique R. Forgione. “Nous avons aussi lu le conte originel du Petit Chaperon Rouge, ainsi que plusieurs versions détournées”, note B. Mallet.
« Et si le chaperon rouge avait un smartphone ? »
Chaque classe incarnait 2 personnages : la Mère-Grand et le Petit Chaperon Rouge d’un côté, le Loup et le Chasseur de l’autre. “Ce travail préparatoire a permis aux élèves de développer de nombreuses compétences, en arts plastiques avec la scénarisation des photos, en français avec la compréhension du texte et la production d’écrits, en littératie numérique avec la maîtrise de Twitter”, décrit R. Forgione.
Si la plupart des tweets correspondaient à des scènes connues du conte, d’autres décrivaient des actions totalement inventées. “Les enfants sont aussi sortis du conte, et ont imaginé des choses qui n’étaient pas racontées par Charles Perrault, comme le petit-déjeuner de la Mère-Grand”, raconte Bruno Mallet.
« 10% des tweets sont improvisés le jour J »

Après Le Petit Chaperon Rouge, les élèves de R. Forgione et B. Mallet ont détourné le Petit Poucet dans leur 2e #Twittconte.
90% des tweets sont préparés à l’avance. “Les 10% restants sont improvisés le jour J”. Ainsi, le 30 juin 2015, jour du twittconte, “chaque classe ignorait ce qu’écrirait l’autre, le défi étant de réagir aux messages d’en face”, indique Régis Forgione. “Les enfants avaient si bien préparé la journée, qu’ils connaissaient le conte par coeur, et qu’ils ont été capables d’improviser et de se montrer très créatifs”, ajoute le PE.
Le second twittconte s’est déroulé 2 jours, les 16 et 17 décembre 2015. Cette fois, il s’agissait du Petit Poucet. Une classe incarnait le jeune héros et la femme de l’Ogre, l’autre l’Ogre et les parents du Petit Poucet.
Les élèves « s’approprient » le conte
Le “cahier des charges pédagogiques” était le même : “nous avons travaillé en amont, lu le conte et ses versions alternatives, analysé leurs schémas narratifs, avant de passer à la production d’écrits”, indique Bruno Mallet.
Pour lui, un tel projet est une importante source de motivation pour l’élève. “Lors de ces journées, ils étaient tous à fond, au point qu’à midi, il a été difficile de les faire sortir de classe !”, s’amuse-t-il.
[warning]En mars 2015, Romance Cornet a aussi participé à un Twittconte autour du Petit Chaperon Rouge, en une seule journée, avec 2 classes de Clermont-Ferrand et Auve (Marne). A découvrir également dans ce storify. Ses CM1/CM2 ont aimé ce projet, baptisé « Chaperon 2.0 » : « ils ont dû s’identifier « davantage encore aux personnages », note la prof. La prochaine fois, elle devrait opter pour ce type de Twittconte plus condensé, afin d’éviter des imprévus. Ainsi, l’année dernière, « une des maitresses a été malade et notre projet a duré plus longtemps que prévu, du coup, les élèves étaient en attente », conclut R. Cornet.[/warning]
Qu’apporte ce réseau commersocial par rapport à une page web classique ? La promotion d’un tel réseau, fréquenté par des adultes pour l’essentiel anonymes, exploitant des publicités et dépourvu de modération, ne pose visiblement aucun problème…
Hasard de l’actualité, cet article de « Numerama » sur les abus sur Twitter : « Mais le reste du temps, le réseau social fait face à un problème qui lui colle à la peau depuis sa création, ou presque : les abus. La plateforme est devenue un lieu d’expression pour les trolls et un vecteur de partage d’opinions radicales. Sous couvert d’anonymat, le site est envahi quotidiennement de messages haineux. »
L’endroit idéal pour emmener des élèves !