Peut-on autoriser des élèves à fumer dans des espaces spécifiques des lycées en période de menace terroriste ? Les ministères de l’Education et de la Santé ne donnent pas la même réponse aux proviseurs, qui s’en sont inquiétés auprès du Premier ministre.

Le SNPDEN-Unsa, premier syndicat des proviseurs, a écrit à Manuel Valls fin janvier pour déplorer les « divergences d’appréciation » des ministères de l’Education et de l’Intérieur d’une part, qui ont accordé une tolérance provisoire au nom de la sécurité des élèves afin qu’ils ne sortent pas fumer, et du ministère de la Santé d’autre part, qui refuse toute exception au nom de la lutte contre le tabagisme, a expliqué à l’AFP le secrétaire général du syndicat, Philippe Tournier.

Après les attentats du 13 novembre, l’organisation avait « signalé au ministère de l’Education le risque » que présentaient les élèves rassemblés devant les établissements pour fumer. Le ministère nous avait entendu et nous a alloué une marge de manoeuvre », a-t-il expliqué.

Mais le ministère de la Santé a protesté dans une lettre datée du 31 décembre, reçue mi-janvier, disant que les chefs d’établissement enfreignent la loi. Ce texte constitue « un petit chef d’oeuvre de bureaucratie », estime M. Tournier. La lettre, dont l’AFP a eu connaissance, rappelle les amendes encourues par un proviseur à chaque contrôle et les personnels habilités à verbaliser.

« Le contexte d’état d’urgence ne change en rien » la réglementation sur le tabac et la demande des proviseurs « n’est pas conforme » au Programme national de réduction du tabagisme, dit la lettre de la Direction générale de la Santé. « Le sevrage imposé de fait aux élèves fumeurs pendant certaines plages horaires de la journée peut être l’occasion de les sensibiliser à leur dépendance tabagique et de les informer sur les dispositifs d’aide à l’arrêt du tabac ».

L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) s’est aussi opposé jeudi dans un communiqué à toute tolérance pour le tabac dans les lycées, soulignant que l’interdiction « a pour premier objectif de protéger les non-fumeurs du tabagisme passif, et pour les plus jeunes d’éviter d’entrer dans l’addiction au tabac ».

Le tabagisme « tue un fumeur sur deux et 200 personnes chaque jour, un risque majeur incomparablement plus élevé que celui lié à la menace d’une attaque terroriste contre un lycée », fait-elle valoir.

L’association demande à la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem d’organiser une concertation des acteurs concernés.