Vous êtes l’un des 9 « super recteurs », en quoi consiste votre mission ?
Même si, dès le 1er janvier, cette appellation a fleuri dans les médias, je n’apprécie pas le terme de « super recteur » qui ne rend pas hommage à ce qui a été mis en place. Car les 30 académies sont toujours là et leurs recteurs respectifs continuent d’y exercer pleinement leurs missions. Je reste d’ailleurs moi-même rectrice de l’académie de Lyon et je n’ai aucune autorité hiérarchique sur mes collègues rectrices des académies de Grenoble et de Clermont-Ferrand.
Ce qui différencie le recteur de région académique ce sont ses compétences particulières et ses missions. Il préside le Comité régional académique qui rassemble notamment les recteurs et les secrétaires généraux d’académie. Chaque recteur conduit des politiques éducatives qui participent de la politique nationale de l’éducation et les manières de faire, les méthodologies, les actions menées ne sont pas identiques partout. Or l’une des missions du Comité régional académique — et donc en premier lieu de son président – consiste à rapprocher ces différentes politiques éducatives, à «décloisonner » les académies.
Enfin — sinon surtout –, le recteur de région académique est l’interlocuteur privilégié des présidents de région et du préfet de région pour les questions qui relèvent des politiques partagées avec le Conseil Régional : la formation professionnelle, l’apprentissage, l’orientation, l’enseignement supérieur et la recherche, la lutte contre le décrochage scolaire, le service public du numérique éducatif, etc. Ces sujets communs existaient bien sûr auparavant, mais désormais, c’est le recteur de région académique qui met en place la coordination et fixe les orientations stratégiques.
Le fait de ne pas avoir de pouvoir hiérarchique sur les autres rectrices de votre région est-il un frein à votre action ?
Je précise d’abord que, le gouvernement ayant fait le choix de laisser en place les 30 recteurs, il n’y avait aucune raison de créer des liens hiérarchiques entre ces collègues. Si le recteur de région fixe les orientations stratégiques, comme il a été souhaité par le ministère, ces orientations doivent avoir été prises après avoir recueilli l’avis du comité régional académique. C’est une manière d’éviter qu’un unique recteur « s’arroge » le droit de décider pour les autres. Et même s’il est évidemment plus simple et plus rapide de travailler seul qu’à trois, cela me semble un très bon principe de fonctionnement. Il est vrai que cela nous oblige, recteurs de région académique, à trouver les modalités d’une bonne coopération. Avec mes collègues, nous avons retenu le principe de la collégialité afin de prendre les décisions de la manière la plus consensuelle possible.
Lyon, Clermont-Ferrand et Grenoble ont toutes des particularités locales. Cette identité académique régionale ne risque-t-elle pas de les gommer ?
Certains territoires les plus éloignés des métropoles, et pas seulement chez nous, ont exprimé leur crainte d’être un peu les oubliés, voire les sacrifiés, de cette réforme.
Préserver le travail de proximité qui existe déjà dans les académies est de notre responsabilité. Avec mes collègues, nous nous sommes astreints à faire l’état des lieux de nos trois académies pour encore mieux cerner leurs caractéristiques propres (l’académie de Clermont est, par exemple, plus rurale que celle de Lyon). Avec la collégialité que j’évoquais à l’instant, l’autre principe que nous avons admis pour notre gouvernance est celui de subsidiarité. Autrement dit, nous ne ferons jamais au niveau de la région économique, une action éducative particulière qui s’avère satisfaisante telle qu’elle est mise en place dans une académie.
La région Auvergne Rhône-Alpes, c’est à peu près 1,5 million d’élèves, tous degrés confondus, dont nous gérons les parcours, près de 100.000 enseignants, dont nous gérons les carrières, et un nombre conséquent de personnels administratifs. Vous imaginez bien qu’il nous est indispensable des conserver des outils de proximités pour répondre à cette diversité.
La réforme territoriale renforce le poids des acteurs de l’échelon régional. La création des recteurs de région académique répond-elle au besoin de leur donner un interlocuteur à leur « envergure » ?
Tout à fait, c’est ce qui a guidé la réflexion du gouvernement. Les régions étant plus vastes, leurs présidents sont plus puissants et le préfet de région a, lui, la haute main sur les directions régionales des autres services de l’État. Alors, oui, il fallait sans doute un recteur de région qui soit un interlocuteur unique afin de ne pas brouiller le message de l’Éducation nationale. C’est une manière d’éviter la dispersion de la parole et des actions. Face à un Conseil régional qui a des compétences accrues en matière éducative, il est important que les différentes académies concernées aient défini un terrain commun de réflexion et d’actions.
On sait que le recrutement des recteurs est difficile. La fonction de recteur de région académique ne risque-t-elle pas d’amoindrir encore son attractivité ?
Il est vrai que faire naître des vocations de recteurs est extrêmement compliqué ! Le travail de recteur d’académie effraie, car il est exigeant et complexe. D’ailleurs, à l’occasion de votre question, je tiens à indiquer qu’il n’y a aucun avantage — financier ou autre — à être nommé recteur de région académique. On peut supposer qu’à l’avenir les fonctions de recteur de région académique seront encore confiées à des recteurs en place. Cela fera-t-il naître de nouvelles vocations ou au contraire, ce surcroit de responsabilités éloignera-t-il les candidats ? C’est très difficile à dire.
De toutes ces nouvelles missions, quel est le plus grand défi qui vous attend ?
Aller vers la coopération renforcée. Car même s’il y a toujours eu quelques échanges entre les académies, celles-ci n’ont jamais été invitées à travailler ensemble. Nous étions jusqu’à présent dans un système vertical, comme c’est le cas dans beaucoup de ministères et les académies reproduisent d’une certaine façon l’organisation de cette administration centrale. Ce nouveau système nous oblige, nous encourage plus exactement, à aller vers plus de transversalité. Je m’en félicite, car chaque académie dispose de ses « bonnes pratiques » qui, aujourd’hui, n’essaiment pas.
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