
Erwan Le Nader, président de l’Association des Professeurs de Sciences Economiques et Sociales
Dans un récent rapport « d’évaluation des partenariats entre le monde éducatif et le monde économique en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes », les inspections générales des affaires sociales, des finances, de l’éducation nationale et de la recherche, préconisent la création d’un enseignement optionnel de « Connaissance du monde économique et professionnel ». Qu’en pensez-vous ?
L’idée de diffuser une culture économique auprès des lycéens au-delà de la série ES (Economique et sociale) paraît à première vue intéressante. Mais ce n’est en fait pas l’objectif de ce projet d’enseignement qui viserait à « comprendre le monde économique et professionnel, son fonctionnement, les différentes organisations qui le composent ». On voit bien qu’il s’agit là d’un objectif très restrictif d’insertion des jeunes par la seule connaissance du monde professionnel.
L’insertion professionnelle doit, certes, représenter une préoccupation majeure du système éducatif. Mais il est plus qu’hasardeux d’attribuer les difficultés actuelles d’insertion des jeunes à une supposée méconnaissance du monde professionnel par les lycéens. Sans oublier le risque d’évacuer les autres objectifs éducatifs, à commencer par l’accompagnement de la citoyenneté et la formation de l’esprit critique, dont la période actuelle rappelle douloureusement l’importance.
Lorsqu’en plus on s’aperçoit que le rapport des Inspections générales préconise que l’enseignement de cette discipline nouvelle soit « indifféremment assuré par les professeurs de sciences économiques et sociales et d’économie et gestion », voire « les professeurs d’histoire-géographie, de philosophie et de Sciences et Techniques de l’Ingénieur », on se dit que le projet fait peu de cas des contenus qui devront être transmis.
Quel serait l’impact de ce nouvel enseignement sur les sciences économiques et sociales (SES) ?
Je ne crois pas qu’il y aurait un effet particulier sur les sciences économiques et sociales. Nous avons la chance d’enseigner une discipline porteuse, qui plaît aux élèves curieux d’interroger les problématiques économiques et sociales contemporaines. Aujourd’hui, 85% des élèves de seconde générale et technologique choisissent notre enseignement, et la série ES poursuit sa progression. Il s’agit là de tendances de fonds.
Dans un communiqué, envoyé par l’APSES, vous dites qu’il serait préférable de plutôt développer une véritable culture économique et sociale. Qu’est-ce que cela apporterait de plus aux lycéens ?
Entre un enseignement de découverte du monde professionnel essentiellement réduit à une problématique d’orientation, et le projet de développer chez les lycéens une véritable culture économique et sociale large, je crois qu’il ne faut pas hésiter ! Les objectifs conjoints de développement de la citoyenneté et de formation par les sciences sociales (économie, sociologie, science politique, anthropologie, …) paraissent aujourd’hui incontournables. Peut-on laisser les élèves quitter le lycée sans qu’ils aient tous abordé sous l’angle des sciences sociales des questions aussi importantes – pour ne prendre que quelques exemples – que les inégalités femmes/hommes, la crise financière, ou la lutte contre le chômage ? Et ce alors même qu’ils auront déjà le droit de vote ?
En quoi les sciences économiques et sociales permettent une insertion sociale et professionnelle réussie ?
L’intérêt des sciences économiques et sociales est justement de ne pas dissocier les finalités culturelles, sociales et citoyennes de l’enseignement de ses finalités professionnelles. Lorsque l’on prend conscience des mécanismes qui engendrent des inégalités entre hommes et femmes dans nos sociétés contemporaines, on donne des armes aux élèves pour être des acteurs plus éclairés de leur vie sociale mais aussi professionnelle. Lorsque l’on explicite les enjeux du marché du travail, de la mondialisation de l’économie ou de ses modes de financement, la dimension citoyenne est indéniable, mais cela permet dans le même temps de doter les futurs salariés ou indépendants de connaissances essentielles pour s’adapter à un contexte économique et professionnel mouvant. Et puis n’oublions pas que les méthodes des sciences sociales (notamment les démarches d’enquêtes, de construction et d’interprétation des données statistiques, de confrontation des théories aux faits) contribuent à un regard critique et à des modes de raisonnement essentiels aussi bien pour la vie démocratique que pour la vie au sein des organisations productives.
Est-ce uniquement par les SES que les élèves peuvent y parvenir ?
Naturellement non ! Le système éducatif se doit de développer une culture générale large qui s’appuie sur de nombreuses disciplines. Mais le problème aujourd’hui est que les élèves n’ont accès à aucun enseignement de sciences économiques et sociales au cours de leur scolarité obligatoire (jusqu’à 16 ans), alors que – et c’est heureux – ils bénéficient chaque année d’enseignements de français, sciences, histoire-géographie, etc. C’est seulement au lycée, qu’ils peuvent suivre une option de SES en seconde générale et technologique, mais pour un volume horaire très réduit (90 minutes par semaine) et rarement en petits groupes. Et tous ceux qui ne s’orienteront pas en première et terminale ES devront ensuite renoncer à suivre un enseignement de Sciences économiques et sociales, qui n’est proposé dans aucune autre série. Il faut donc réfléchir à un meilleur équilibre des enseignements, au risque, sinon, de rester avec un lycée figé, qui ne serait plus en prise avec son temps.
Dans un communiqué, publié en juin dernier, vous demandiez que les SES soient étudiées, de manière optionnelle, par les élèves issus des séries scientifiques et littéraires. Où en est votre demande ?
Le Ministère a commencé des réunions pour réaliser un bilan de la dernière réforme du lycée. Mais on ne perçoit pas une volonté d’avoir une vision ambitieuse pour développer une culture économique et sociale chez tous les lycéens. Ce serait dommage de manquer l’occasion de répondre à une réelle demande sociale !
Vouloir tout faire tout le temps a déjà bien entamé l’école primaire alors pourquoi ne pas faire la même chose au collège.
… la couture, la sophrologie, la cuisine, le croquet, l’ikebana, le rock, la manipulation génétique, l’ubérisation… Chacun veut implanter sa chapelle. Mais peut-être qu’une rubrique actualité en EPI pourrait solutionner les appétits disciplinaires…avec des rubriques sport, people, business, info, jeu, danse musique, petit plat du jour… C’est la fiesta.