
“La feuille qui dérange”, une histoire inspirée de “La fleur qui dérange” d’Elsa de Vernis et Zazie Sazonoff / par les élèves de Mehun-sur-Yèvre
Ce 9 décembre, la Journée de la laïcité est célébrée dans tous les établissements scolaires de France. Cette année, cette journée nationale marque le 110e anniversaire de la loi de séparation des Eglises et de l’État (1905), qui a participé a enraciner la laïcité (instituée en 1882 pour les enseignements) à l’Ecole publique.
Un an après Charlie Hebdo, et presqu’un mois après les fusillades de Paris, les enseignants se mobilisent autour de la laïcité, en utilisant en particulier la Charte de la laïcité.
Illustrer la Charte de la laïcité
Dans le Cher, plusieurs écoles primaires participent à un projet initié par plusieurs associations laïques (DDEN, Jeunesse au Plein Air, Laïcité 18, Ligue de l’Enseignement, Solidarité Laïque, SE-UNSA). Pendant une dizaine de jours, fin novembre, les classes (de la maternelle au CM2) de l’école Marcel Pagnol de Mehun-sur-Yèvre ont ainsi choisi des articles de la Charte de la laïcité, avant de les illustrer par des productions artistiques.

Une saynète imaginée et conçue par les élèves CE2/CM1/CM2 d’Olivier Ponte Garcia, pour la Journée de la laïcité.
“Les deux articles, 7 et 12, parlaient de la différence entre savoirs et croyances, et de l’idée qu’en France, nous partageons tous la même culture”, explique Olivier Ponte Garcia, instituteur et directeur de l’établissement.
Pour les illustrer, “les élèves ont inventé des petites saynètes. Par exemple, ils ont dessiné des personnages sur leurs doigts, qu’ils ont pris en photo… Puis ils ont ajouté des dialogues sous forme de bulles”, décrit le professeur des écoles.
Les créations des élèves sont visibles sur un blog mis en place depuis lundi 7 décembre, “La laïcité au cœur de l’école”. Ce 9 décembre, “nous allons consulter les productions des autres écoles, et cela permettra d’engager en classe un débat sur la laïcité”, indique Olivier Ponte Garcia.
« Ne pas se limiter qu’à cette semaine »
Mais à l’école Marcel Pagnol de Mehun-sur-Yèvre, la laïcité est aussi au cœur de la vie des élèves, toute l’année. “L’idée est de ne pas se limiter qu’à cette semaine”, explique le directeur. “L’année dernière, nous avons mis en place un projet qui s’est étalé sur plusieurs mois, pendant lesquels les élèves ont lu des poésies et des albums sur les valeurs républicaines, jusqu’à planter un arbre de la laïcité”, raconte-t-il.
Cette année, le projet se poursuivra au delà du 9 décembre, “avec des conseils d’enfants, la lecture de livres, et la réalisation d’une fresque sur la devise ‘liberté-égalité-fraternité’”, indique le PE. Et d’ajouter : “le vivre ensemble, on l’apprend et on le travaille aussi au quotidien à l’école, quand on apprend aux élèves à respecter l’autre et toutes ses différences”.
Pour parler de la laïcité aux élèves de primaire, certains professeurs ont choisi d’inviter dans leurs classes des intervenants extérieurs. Près de Montpellier, Agnès Perrin, maître de conférences en littérature et référente laïcité de l’ESPE, anime un atelier dans plusieurs classes de CE2-CM1-CM2.
Membre de l’association EGALE (Egalité Laïcité Europe), elle expliquera aux enfants que “la laïcité est un moyen de vivre ensemble et d’apprendre à se comprendre sans faire de prosélytisme”. Elle présentera une partie de la Charte de la laïcité, en s’aidant notamment de quizz et de livres pour enfants, comme “On n’aime pas les chats”, de François David.
Le jeu de la rivière laïque
D’autres établissements ont recours au jeu pour matérialiser la laïcité. Au collège Jean Charcot de Joinville-le-Pont, les enseignants auront recours au jeu de “la rivière laïque”. “La salle de classe est divisée en 2 parties – deux rives, celle du ‘pour’ et celle du ‘contre’.
L’animateur propose des affirmations sur la laïcité, les élèves choisissent à chaque fois leur camp, et expliquent leur choix. Ce qui amène à un débat”, explique Juan Salinas Del Valle, CPE du collège, à l’origine de cette initiative.
Un débat sur les sciences et la religion en cours de physique
Au collège Jean-Jaurès de Clichy, établissement REP, Sébastien Salce, prof de physique-chimie, a mis en place cette semaine un débat avec ses 4 classes de 3e sur la laïcité à travers les sciences. “J’ai eu l’idée de ce débat après avoir abordé, plusieurs fois, l’histoire des sciences avec mes élèves, afin de montrer que la science s’est construite par tâtonnements, sur des erreurs… J’entendais souvent des remarques d’élèves qui percevaient certaines théories scientifiques comme une remise en cause de leur religion. Par exemple, la théorie de l’atome en chimie”, explique l’enseignant.
J'aime prendre des risques dans la vie : pour la semaine de la laïcité je vais organiser des débats en 3e sur "sciences vs religions". 1/2
— Prof2Fizik (@Prof2Fizik) November 19, 2015
A l’occasion de la Journée de la laïcité, Sébastien Salce a centré le débat sur Galilée et l’héliocentrisme, dans la lignée de son cours sur la gravitation. “Les élèves connaissent déjà un peu ce sujet. Je leur fais un petit rappel au moyen d’une vidéo de France TV Education, puis place au débat”, indique le prof.
Partis de la confrontation entre Galilée et l’Eglise catholique concernant la question de la position de la Terre dans l’univers (au centre ou non), “l’idée est de parler de la science et de la religion : sont-elles forcément incompatibles ? Peut-on parler de tous les sujets en cours de sciences ? Cette question est contenue dans l’article 12 de la Charte de la laïcité”, remarque Sébastien Salce.
« Dépasser le simple bourrage de crâne par la discussion »
Avec les classes qui ont déjà participé au débat, les jours précédant le 9 décembre, le professeur a remarqué que “beaucoup d’élèves soupiraient au début. Ils trouvaient qu’on leur parlait trop de la laïcité. Mais l’idée de l’aborder sous l’angle, inédit, des sciences, a fini par les intéresser”.
Après avoir parlé de Galilée, “les élèves ont cité d’autres exemples, comme la théorie de l’évolution”, indique Sébastien Salce. L’enseignant constate que cette dernière théorie “est difficile à aborder en classe. Les adolescents se sentent attaqués dans leur croyance quand le sujet est étudié… Pour eux, il s’agit d’une vraie remise en cause de leur religion”.
Pour le prof de physique, “il y a un vrai travail à effectuer sur la laïcité et le lien sciences-religion. Les élèves accueillent finalement bien mes arguments lors du débat, mais ce n’est pas gagné d’avance, il faut leur expliquer que clairement, les deux ne sont pas incompatibles”.
Après le débat, les classes de Sébastien Salce “ont bien compris le fond de l’article 12 de la Charte, et cette idée que la science et la religion ne répondent pas aux mêmes questions”. Dans un contexte post-attentats, “il est important de dépasser le simple bourrage de crâne sur la laïcité, en passant par le débat et la discussion”, indique l’enseignant.
« Comprendre la laïcité par soi-même » avec une exposition
Au lycée aussi, les enseignants se mobilisent pour la laïcité. Ainsi, dans un établissement professionnel de Seine-et-Marne, une vingtaine de professeurs ont organisé la semaine précédant la Journée de la laïcité, un ensemble d’ateliers durant lesquels 200 élèves (15 classes) ont réalisé diverses productions sur les valeurs de la République. Réunies, elles sont, ce 9 décembre, exposées dans une salle du lycée.
“Certains ont réalisé un ‘lexique’ de la laïcité, d’autres des chansons, des dessins, des poèmes, des affiches… Il y a aussi eu une mise en scène théâtrale de différents articles de la Charte de la laïcité”, décrit Lucie (*), professeure documentaliste.
Certains élèves ont de leur côté réalisé un micro-trottoir dans le lycée, durant lequel ils ont posé la même question aux enseignants et à leurs camarades : “c’est quoi, la laïcité ?”. D’autres ont “mis en voix” d’anciens discours d’hommes politiques sur la laïcité, comme Aristide Briand, Jules Ferry ou Jean Jaurès.
Lors de leur conception de l’exposition, les lycéens, “qui ne savaient pas très bien définir la laïcité au début, ont fini par comprendre de quoi il s’agit, par eux-mêmes”, indique Lucie. Le projet avait été imaginé par l’équipe pédagogique avant le 13 novembre. “Mais ce qui s’est passé se ressent dans l’exposition : beaucoup de drapeaux français sont apparus sur les dessins… à égalité avec des signes religieux”, indique la prof-doc.
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