Le directeur de l’IUT de Saint-Denis, accusé de manipulation islamophobe, a été suspendu jeudi de ses fonctions par le président de l’université Paris 13, a annoncé cette dernière à l’AFP.

Samuel Mayol, dont l’action en faveur de la laïcité a été saluée récemment par le Premier ministre, est suspendu « à titre conservatoire », dans l’attente de la décision de la section disciplinaire de l’université, pour une durée de quatre mois renouvelable, a-t-on précisé.

L’accès à l’université lui sera interdit pour une durée de 30 jours, également renouvelable.

La décision a été prise en vertu d’un arrêté signé par Jean-Loup Salzmann, président de Paris 13, qui a demandé au ministère de nommer un administrateur provisoire.

« J’ai pris cette décision pour répondre à la situation préoccupante des personnels de l’IUT », plongé depuis deux ans « dans un climat conflictuel et de suspicion généralisée », a déclaré M. Salzmann à l’AFP.

Selon le texte de l’arrêté dont l’AFP a eu copie, il est notamment reproché à Samuel Mayol d’avoir introduit à la mi-octobre « un nombre significatif d’objets cultuels », en l’occurrence des tapis de prière, dans le local d’une association étudiante musulmane pour faire croire à une dérive communautariste au sein de l’IUT.

Autre grief: « certains agents de l’IUT auraient », avec son accord, « bénéficié de congés indus, comptabilisés de manière parallèle, en dehors du logiciel de gestion habituel ». Enfin, M. Mayol est accusé de conflit d’intérêts pour avoir signé une convention de partenariat entre l’IUT et un organisme de formation, le CFA Codis, qui se trouve être l’employeur de sa femme.

« Au moment où le ministère décide d’une mission d’apaisement confiée à l’IGAENR, (l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche, ndlr) la présidence de l’université apparaît totalement hors de contrôle et s’acharne contre M. Mayol », a réagi son avocat, Me Richard Malka.

« M. Salzmann, qui part à la retraite dans quelques semaines, semble avoir décidé de tout brûler derrière lui », a ajouté Me Malka, qui envisage de former un recours en référé.

Une première inspection de l’IGAENR avait conclu en juin à de « graves dysfonctionnements » au sein de l’IUT et pointé du doigt le manque de réactivité de la présidence de l’université.

A la tête de l’IUT depuis trois ans, Samuel Mayol reproche à sa hiérarchie de fermer les yeux sur les malversations de deux enseignants et des pratiques qui relèvent selon lui du prosélytisme religieux.

Pour avoir dénoncé ces pratiques, le directeur de 42 ans affirme être devenue une cible. La police judiciaire de Seine-Saint-Denis a été chargée de faire la lumière sur les menaces de mort et agressions dont M. Mayol dit avoir été l’objet, mais l’enquête n’a pour l’instant pas abouti.

Cette affaire à rebondissements n’a pas empêché M. Mayol de recevoir, le 26 octobre, le prix 2015 de la Laïcité « pour son action en faveur de la neutralité dans l’enseignement supérieur face à la montée d’incidents communautaristes ». Le prix lui a été décerné par le Comité Laïcité République, une association militante de défense de la laïcité.

Lors de la cérémonie à l’Hôtel de Ville de Paris, le Premier ministre Manuel Valls l’avait assuré de son soutien, affirmant que la mobilisation pour la laïcité devait « aussi concerner l’université ».

Contacté par l’AFP, le ministère de l’Éducation nationale n’a pas souhaité réagir.