Pouvez-vous nous présenter votre association, Animath ?
Animath a été créée en 1998. A l’époque, 4 ans après la réforme qui a remplacé les terminales C et D par la terminale S, l’on constatait en maths au lycée une forte baisse des horaires et une perte d’ambition des programmes. Nous avions aussi remarqué des résultats médiocres chez les lycéens français aux compétitions internationales de mathématiques. Cette inquiétude nous a amené à proposer des activités complémentaires – périscolaires -, aux élèves les plus motivés, que l’enseignement laissait sur leur faim.
Aujourd’hui, le problème demeure. La difficulté à “vendre” les maths auprès des élèves s’est aggravée. Nos buts se sont élargis à la promotion des maths auprès de tous les élèves, plus seulement les plus motivés. Afin de soutenir les activités d’animation périscolaires, Animath est devenue la “maison commune” des associations de ce domaine, en débloquant des budgets et en rassemblant les efforts de communication.
Selon vous, ces 20 dernières années, le nombre d’élèves choisissant la spécialité mathématiques en Terminale S a été divisée par deux. Comment l’expliquer ?
La spécialité mathématiques en Terminale S a fini par être perçue comme celle des “meilleurs élèves”, jusqu’à devenir plus élitiste que l’ex-Terminale C. Les élèves qui ne se sentaient pas “assez bons” sont partis ailleurs. Du coup, on y trouve des jeunes qui ne sont pas forcément intéressés par les maths. Après le Bac, certains font des études de médecine ou de droit.
C’est aussi une question d’attractivité. Je ne jette pas la pierre aux profs de lycée, mais la manière dont les maths sont enseignées les rendent peu attirantes. Les enseignants manquent de temps pour rendre la discipline attrayante.
Les programmes ont aussi perdu en ambition : on demande aux élèves d’assimiler les mêmes choses en moins d’heures qu’autrefois, ce qui entraîne une perte de substance, et d’intérêt. Le message qui passe auprès des élèves sur les raisons de faire des maths est flou, peu motivant : ils se demandent à quoi ça sert.
Comment Animath agit-elle pour rendre les mathématiques plus attrayantes ?
Nous donnons une grande place aux compétitions mathématiques, comme le Kangourou des mathématiques, ou les olympiades académiques de premières, que nous organisons avec l’Education Nationale. Beaucoup de profs y font participer leurs élèves : cela permet de créer des dynamiques de groupe, pouvant être réinvesties en classe. Ces compétitions jouent un rôle important de motivation. Elles peuvent même déboucher sur la sélection de certains élèves à des concours internationaux, et les inciter à mener une carrière scientifique.
Avec Math en jeans, nous proposons aux lycéens de travailler sur des projets, comme des chercheurs – en lien avec un enseignant et un scientifique. Ce genre d’activité fait appel à la créativité, à l’initiative et au travail de groupe – des dimensions encore insuffisamment mises en valeur dans le système scolaire.
L’idée d’Animath est de mettre les élèves au contact des maths “contemporaines”. Nous organisons des “promenades mathématiques”, qui consistent à faire venir des chercheurs à l’école, pour qu’ils animent de petites conférences. Des ingénieurs viennent aussi montrer aux élèves que ce qu’ils apprennent en cours est utile dans leur métier.
Il s’agit de montrer aux élèves que les maths sont vivantes. Ce que l’on apprend au collège et au lycée remonte surtout aux 17e-18e siècles – à part les probabilités et les statistiques. Or, cette discipline peut nous aider à comprendre des problématiques modernes, comme le réchauffement climatique, les épidémies, la sécurité informatique, les migrations…
Vous faites aussi la promotion des maths auprès des jeunes issus de milieux défavorisés et des filles…
On sait que le niveau de réussite des jeunes des banlieues est inférieur à celui des jeunes des milieux favorisés. L’une des raisons de ce décalage est que ces ados ne s’autorisent pas à être ambitieux – ils pensent que leur destin est bloqué de par leur origine sociale. L’idée est de permettre à ceux qui sont motivés de se dire “je peux le faire”. Avec Science ouverte, nous organisons des stages, pendant lesquels ces jeunes travaillent sur des problèmes de maths d’une façon ludique.
Les filles aussi sont sous-représentées dans les filières scientifiques – à cause des stéréotypes. Avec Femmes et Mathématiques, nous organisons des journées destinées aux collégiennes et aux lycéennes. A travers des conférences et des théâtre-forums, il s’agit de leur montrer les débouchés des études de maths. Elles peuvent rencontrer des mathématiciennes et des ingénieures, et se dire : “moi aussi, je peux faire des études scientifiques”.
Comment aider les enseignants à rendre leurs propres cours plus attractifs ?
Notre rôle est aussi d’aider les enseignants à monter des activités périscolaires. Si un prof nous parle de son envie de monter un club de maths ou de réaliser une animation, nous pouvons lui fournir ressources et conseils.
L’un de nos partenaires, le CIJM, propose une formation à l’animation mathématique. Les activités périscolaires sont complémentaires de l’enseignement scolaire. Hors des sentiers battus, elles fournissent un ensemble d’expériences qui peuvent être réinvesties en classe.
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Bonsoir
Je pense que ce ne sont pas les activités périscolaires ni les concours et compétitions qui vont rendre les maths plus attrayantes et ce n’est pas non plus parce qu’on enseigne des maths anciennes. Les élèves n’ont plus le temps de réfléchir ni la patience de chercher. Leurs occupations sont tout à fait , je ne dit pas opposées mais , inverses (au sens mathématiques) à ce que exigent l’apprentissage des mathématiques . Ils n’aperçoivent ni la beauté ni l’élégance du contenu mathématique qu’on leur propose (certains de leurs enseignants aussi).