Viviane-Youx1Les nouveaux programmes des cycles 2,3 et 4 ont été publiés le 18 septembre dernier. Comment qualifiez-vous le sort réservé au français dans ces programmes?

Il est plutôt bon ! À l’origine nous étions inquiets lors de la parution du pré-projet, car il comportait des incohérences et un manque de progressivité. Nous avons travaillé et fait des propositions, et nous nous sommes aperçus que la nouvelle version était extrêmement intéressante.

Elle a pris en compte les remarques qui ont été faites, aussi bien au niveau de la cohérence d’ensemble, de la progression et des repères de progressivité, qui ont clairement été précisés. Le cycle 4, qui à la base ne donnait pas l’impression d’une complexification, marque désormais une vision d’étape et de progression générale selon les acquis des élèves.

Ce qui réjouit  l’AFEF, c’est la prise en compte de modifications qui nous paraissaient importantes au niveau de la pratique de l’écrit et de l’oral. Ces pratiques sont mises en avant, que ce soit aussi bien des écrits créatifs que des écrits et oraux pour penser. Nous nous réjouissons également fortement du fait que les programmes de tous les enseignements soient rédigés en orthographe rectifiée.

Najat Vallaud Belkacem a annoncé un retour à la dictée quotidienne dès 2016. Selon vous, cette annonce est-elle une vraie mesure bénéfique ou un simple coup de communication ?

La dictée telle que la ministre l’a annoncée n’existe absolument pas dans les programmes. C’est-à-dire que c’est une annonce stratégique et politique, pour rassurer les conservateurs et les familles, et qui a permis de détourner l’attention de la publication des programmes et de désamorcer sûrement certaines critiques stériles. Car si on regarde dans les détails, il y a toujours des choses qui ne vont pas. Mais cette dictée quotidienne, présentée de cette façon, n’existe pas dans les programmes. Ce qui existe, c’est l’attention portée à l’orthographe par des exercices et de l’écriture quotidienne, mais pas de la dictée quotidienne !

Le dernier rapport PISA montre des résultats en dents de scie concernant l’usage du numérique à l’école. Pensez- vous que cet usage soit compatible avec l’apprentissage du français ?

Le numérique est un outil, l’important c’est l’usage qu’on en fait. Ce  n’est pas une baguette magique, vous pouvez avoir de très bons usages du numérique qui vont permettre de véritablement travailler. Des collègues parviennent à faire des choses formidables par l’usage de certains réseaux comme Twitter pour apprendre à écrire des textes courts. Je suis une fervente utilisatrice du numérique, mais penser que l’on résout tout parce que l’on met des tablettes dans les mains des enfants, c’est une erreur. Cela peut même provoquer le contraire.

Une étude de Denis Alamargot et de Marie-France Morin montre qu’il y a une différence entre l’écriture sur tablette et sur papier, notamment en terme de progression cognitive des enfants. L’écriture sur une feuille est plus efficace et va plus vite que l’écriture à la main sur tablette. Peu de monde en a parlé, mais les nouveaux programmes de français le mentionnent : si l’on veut que l’outil soit profitable, il faut que tous les enfants apprennent un usage fluide du clavier.

La réforme du collège prévoit la mise en place d’Enseignements pratiques interdisciplinaires. Beaucoup d’enseignants craignent pour leurs matières, est-ce le cas de l’AFEF ?

Bien sûr que non ! Pour nous les EPI sont au contraire un moyen d’essayer de mettre en place une vraie interdisciplinarité. Une de nos analyses des problèmes actuels est que chaque discipline est enfermée dans son système, alors que de nombreuses difficultés des élèves viennent des questions de langage. Si les programmes mettent la langue au centre, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas que toutes les disciplines enseignent la langue.

Mais dans toutes les matières nous avons l’utilisation du langage. Or prouver n’a pas le même sens en maths qu’en histoire ou en français. Donc pour porter l’attention sur ces différences et ces complémentarités, les EPI sont une excellente opportunité,  à condition d’en faire un outil pour travailler ces différents langages, qui permettront aux élèves de vraiment comprendre ce qu’ils font au collège et de créer une cohérence dans tout ce qu’ils apprennent.

Un sondage BVA indique que 77% des Français aiment la lecture. Or certaines études (comme la PIRLS 2011) montrent que les élèves français sont à la traîne dans ce domaine. Selon vous, quels sont les outils qui peuvent redonner le goût de la lecture aux élèves ?

Il y a une différence entre ce que les Français entendent par lecture et ce qu’étudie PIRLS. PIRLS étudie la manière dont se déroulent les premiers apprentissages, mais quand les Français disent qu’ils aiment la lecture, c’est qu’ils aiment lire des livres et des revues. A l’école il n’y a pas de solution miracle, si ce n’est de faire de chaque élève non pas un élève qui reçoit un enseignement mais un élève qui devient un sujet pour lequel on va susciter un véritable intérêt. Il devient ainsi partie prenante de ce qu’il apprend, c’est le seul moyen de développer la lecture. Ce n’est pas ce qu’il se passe au lycée, où l’apprentissage obligé pour le bac de français joue globalement contre la lecture pour la plus grande majorité des élèves.